C'est le grain dont la chute abat le sablier
Et le crachat que rend le prophète au mensonge,
C'est l'espoir dos au mur, face au calendrier,
C'est le sang qui s'écoule et la nuit qui s'allonge.
Pour certains c'est le temps du gel et des frimas,
Des cernes du café quand le matin déprime,
Pour d'autres la conquête absurde du repas,
Pour moi c'est un brasier à la cendre sublime.
« Octobre », à ton nom seul un monde entier frissonne
Comme face à la croix des esprits dépravés,
Mais elle offre à l'enfant un vin qui l'empoisonne,
Quand ta neige le forme à lancer des pavés.
Les feuilles que la mort entraîne avec torpeur
Sont autant de pamphlets répandus sur la Terre.
Un pareil souffle agite, atroce de splendeur,
Le cortège endeuillé des peuples en colère.
J'aime sentir ce froid pour lequel on te blâme
Et préfère ta fièvre à la tiédeur d'hier,
Puisque c'est à ton bras que s'agite la flamme
Qui brillera demain sur le palais d'Hiver.
Jamais on n'avait vu tel sursaut d'avenir,
Tel gantelet de chair étrangler la victoire,
Tant de maîtres tomber en un même soupir
Et d'esclaves debout commander à l'Histoire.
Que reste-t-il pourtant du héros, du martyr,
Du géant qui porta ses couleurs jusqu'aux nues ?
Dans la fosse du siècle où tu les vois croupir,
À quels pleurs s'est mêlé le bronze des statues ?
Combien d'anges brisés ont suivi ton étoile
En quête d'un printemps qui n'était que fictif ?
Pourquoi sous le manteau d'albâtre se dévoile
Le spectacle pervers de l'horreur mise à vif ?
J'ai conservé de toi ce goût de la révolte
Et la haine de l'ordre un peu trop permanent,
Mais je ne peux vanter le fruit de ta récolte
Sans trahir à mon tour ce noble enseignement.
Ton glaive luit encore au poing de ses apôtres,
Bien qu'ils ne tiennent plus les rênes du quadrige,
Pour tailler cent drapeaux, noirs du rouge des autres,
Dans le tissu graisseux qui enfle et nous dirige.
Aucun d'eux cependant n'ose après toi le faire,
Aucun d'eux ne s'élance en tête de l'assaut :
Ton sinistre héritage écrase la misère
Qui maintenant se laisse oublier sans un mot,
Alors j'ai pris la plume et l'ai faite rebelle,
Car si parfois je chante aux splendeurs de la Lune,
C'est cet astre sanglant qui se lève avec elle
Que je veux voir grandir et vaincre l'infortune.
19/10/15