Il était une fois un si petit village
Qu'il ne dépassait pas l'ombre de son clocher.
Un pauvre vigneron d'à peine vingt ans d'âge
Y avait épousé la fille du boucher.
Elle était moins jolie que sa dot généreuse
Et n'avait toujours pas pondu de nourrisson,
Mais la terre fertile et la saison pluvieuse
Suffisaient au bonheur de l'aimable garçon.
Jusqu'au jour où parut cet homme de la ville
A l'allure élégante et au regard divin.
Il semblait ne venir dans ce hameau tranquille
Qu'afin d'y rencontrer le fabricant de vin.
Le paysan, surpris de faire connaissance
Avec ce qui devait être un riche acheteur,
Le pria d'accepter un peu de sa pitance,
Et sa femme apporta le sang de leur Seigneur.
En l'honneur du repas aux frais de la princesse,
L'étranger se changea en vrai prince charmant,
Profitant que chacun soit plongé dans l'ivresse
Pour soumettre sa proie aux faveurs d'un amant.
Le regard effrayé de la bonne fermière
Se perdait dans celui vide de son mari.
Si lui seul frissonnait des extases premières,
Les deux laissaient percer autant de petits cris.
La table, renversée par la bête bifide,
Avait jeté au sol l'enivrante potion,
Que bientôt rejoignit un tout autre liquide
Sur lequel s'acheva la trop courte passion.
Après avoir réglé ce paiement en nature,
Le citadin quitta ses hôtes en émoi,
Et dit qu'il reviendrait chercher de la mixture
Contre un peu de la sienne avant la fin du mois.
Dès l'instant que le mâle eut montré son visage,
L'épouse délaissée le devint plus encor.
Un jour qu'elle trouva un puits sur son passage,
Elle plongea dedans pour se donner la mort.
Le conjoint n'attendit pas la journée entière
Pour trouver son ami et le mettre au courant.
Ainsi débarrassés de la belle sorcière,
Ils vécurent heureux mais n'eurent pas d'enfant.
05/08/13