4. Roméo

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Roméo avait fini de traverser le couloir, ouvrant des portes au hasard. Il en déverrouilla une dernière et tomba sur une pièce de petite dimension qui ne comportait en son milieu qu’une table de ping pong. Il y avait quelque chose dans cette salle qui sentait incroyablement bon et Roméo y entra sans réfléchir. Il reconnut l’odeur qu’il avait déjà sentie en entrant dans le manoir Zorn. Elle était à présent bien plus forte et il comprit qu’il allait pouvoir en découvrir la source. 

L’alpha sursauta en entendant un discret renifflement. Un jeune homme était assis à même le sol dans un coin de la pièce, les jambes repliées contre son torse. Il ne cessait de faire tourner une grosse bague autour de son annulaire. Ses yeux étaient rouges comme s’il venait de pleurer. La délicieuse odeur provenait de son petit corps recroquevillé. 

Roméo s’accroupit face à lui et le jeune homme releva la tête, soudain sur la défensive. 

— Qu’est-ce que tu fous là ? aboya-t-il en se redressant. C’est un espace privé. 

Roméo sourit. Son interlocuteur était manifestement un oméga, mais il semblait avoir du caractère, ce qui n’était pas pour lui déplaire. 

— Je me suis perdu en cherchant les toilettes, mentit-il. Et toi ? Pourquoi pleures-tu ? 

L’oméga essuya son visage. 

— Je ne pleure pas ! Je… j’avais envie d’être seul un moment. 

Il fixa Roméo d’un air entendu. Ce dernier fit semblant de ne pas avoir compris le message. Pour une étrange raison, il n’avait pas la moindre envie de quitter cet oméga. Sans être horrible à regarder, ce dernier n’était pas spécialement beau et Roméo préférait habituellement la compagnie des femmes, mais il se sentait bien en sa présence. Incroyablement bien. 

L’inconnu s’était lentement relevé et le fixait avec méfiance. Roméo se saisit d’une raquette de ping pong. 

— Une petite partie ? proposa-t-il en faisant tourner le manche entre ses doigts. 

Il s’emparait de la première excuse qu’il trouvait pour pouvoir passer un peu de temps avec cet oméga. 

Le jeune homme haussa un sourcil. 

— Tu crois pouvoir me battre ? Ce n’est pas parce que je suis un oméga que tu dois me sous-estimer. 

Roméo fut parcouru d’un frisson de plaisir. Il ne disait jamais non à un défi. D’un geste souple, il envoya une autre raquette au jeune homme et se posta fermement d’un côté de la table. Son adversaire prit place de l’autre côté. 

— Je te laisse servir, annonça Roméo d’un ton condescendant. 

L’oméga fit la moue, fâché. Il était mignon comme tout, avec son petit air déterminé. Roméo le vit retirer la bague qu’il portait au doigt pour la fourrer dans sa poche. Et la partie commença. 

De fait, l’oméga était effectivement plutôt doué et le match fut acharné. Roméo gagna la première manche de peu. Son adversaire remporta la seconde. 

— Je t’ai laissé gagner, assura Roméo pour ne pas perdre la face. 

L’oméga leva les yeux au ciel. 

— Bien sûr. J’en ai fait de même pour la première partie. L’ego des alphas doit être ménagé. 

Il adressa à Roméo un sourire quelque peu insolent. Ses yeux brillaient de l’excitation causée par le sport et l’alpha le trouva soudain magnifique. Il secoua la tête pour se remettre les idées en place. Il était venu ici pour s’amuser au dépend de ses ennemis, par pour compter fleurette à l’un de leurs invités. 

— Fini de rire, déclara-t-il. Dernière manche. Celui qui gagnera remportera la partie. Changeons de côté de table. 

— Très bien. 

L’oméga pencha la tête sur le côté. Il portait à une oreille un anneau doré qui lui donnait un air incroyablement sexy. Ses grands yeux sombres étaient fixés sur l’alpha qui déglutit. 

Leurs corps se frôlèrent lorsqu’ils se croisèrent, l’odeur de l’oméga se renforça et Roméo devint comme fou. Il ne se rendit compte qu’il avait lâché sa raquette que lorsque l’autre jeune homme se retrouva serré dans ses bras. Leurs lèvres se rencontrèrent presque aussitôt, comme si elles se connaissaient depuis toujours. L’oméga gémit de plaisir et Roméo en profita pour engouffrer sa langue dans sa bouche entrouverte. Le goût du jeune homme était aussi délicat et enivrant que son odeur de pain d’épices. Sa peau était douce et semblait faite pour être câlinée. Roméo fourra une main dans ses cheveux noirs tandis que l’autre descendait lentement le long de la colonne vertébrale de l’inconnu jusqu’à effleurer le bas de son dos. Il n’alla pas plus lien, craignant d’effaroucher l’oméga. Ce dernier, cependant, s’agrippait à lui et pressait son buste contre lui. 

Roméo tenait le jeune homme dans ses bras, sans la moindre intention de le laisser repartir un jour. Il était bien, si bien avec ce petit corps chaud collé contre le sien. Il avait l’impression d’avoir enfin trouvé la place qui lui revenait. Elle était ici, dans cette petite salle obscure, aux côtés de cette personne dont il ne connaissait même pas le nom. 

 Il ressentit un grand choc à la poitrine lorsque l’oméga s’agita pour essayer de se dégager. 

— Hm...hm… 

Son visage était rouge de confusion et il évitait soigneusement son regard. 

— Je…, balbutia-t-il, je dois y aller. Je suis censé ouvrir le bal… 

— Ouvrir le bal ? répéta Roméo sans comprendre. 

Il ne voulait pas relâcher sa prise. Elle lui appartenait. Pour toujours. 

L’oméga se dandina pour essayer de se dégager. 

— Oui, avec mon… mon… mon fiancé. 

Le dernier mot était sorti de ses lèvres avec peine. Il ressortit la bague de sa poche et l’enfila. 

Roméo laissa le jeune homme partir et recula d’un pas, les yeux écarquillés. 

— Tu… tu es Julien Zorn ? 

L’oméga fronça les sourcils. 

— Tu viens à la fête donnée en mon honneur sans me connaître ? 

Roméo ne répliqua rien, bien trop abasourdi. Le fils de ses ennemis ! Il venait de rouler une pelle au rejeton Zorn ! Et quelle pelle ! La meilleure qu’il n’ait jamais vécue. Elle éclipsait de très loin tous les baisers qu’il avait échangés avec Samantha ou ses précédentes conquêtes. Il ne rêvait que d’une chose : recommencer encore et encore. 

Le petit oméga restait planté face à lui. Malgré son affirmation, il ne semblait pas avoir la moindre envie de quitter la pièce et observait Roméo comme s’il était sur le point de se jeter à nouveau dans ses bras. Ce dont ce dernier mourait également d’envie. Et peu importe qui il avait devant lui. Oui. La querelle qui unissait leurs deux familles lui sembla soudain ne plus avoir le moindre intérêt. 

Roméo l’attrapa par la main avant que Julien ne s’échappe. 

— Me réserveras-tu une danse ? demanda-t-il sans réfléchir. 

L’oméga hésita, se mordant la lèvre d’une adorable façon. Puis il hocha simplement la tête et se précipita hors de la salle avec un air de regret.

Roméo et Julien (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant