Roméo et Julien (bxb) [terminée]

5. Julien

Julien arriva tout essoufflé dans le grand salon. Son père l’accueillit d’un petit froncement de sourcil. 

— Où étais-tu ? L’orchestre est prêt depuis un bon moment. Les invités s’impatientent. 

L’oméga rougit jusqu’aux oreilles. 

— Je… je… euh… 

Il ne pouvait assurément pas dire la vérité ! Edouard Zorn s’était heureusement aussitôt désintéressé de la conversation et adressait de grands signes en direction des musiciens qui reprirent leurs instruments et se redressèrent sur leurs chaises. 

Julien était tout bonnement désarçonné par son propre comportement. Il avait toujours été très surveillé par ses parents et par l’ensemble des membres de sa meute. Pendant ses dix-sept ans d’existence, il n’avait jamais eu de petit ami et n’avait jamais été embrassé par qui que ce soit. Et voilà qu’en l’espace de quelques minutes il avait expérimenté les baisers de deux hommes différents, s’était retrouvé fiancé et avait échangé une étreinte passionnée avec un autre alpha qu’il ne connaissait pas et qui n’était assurément pas celui avec lequel il venait d’être engagé ! 

Et il avait adoré ce moment ! 

Julien se sentit saisi d’une terrible culpabilité lorsque Patrick Reich vient lui présenter le bras pour l’inviter à danser. Il se montrait déjà infidèle avant même leur union. Était-ce là l’époux qu’il allait devenir ? Une personne d’apparence sage qui sourirait sagement au bras de son mari puis s’empresserait de le tromper dès que ce dernier avait le dos tourné ? 

— Allons-y, qu’en en finisse, soupira Patrick Reich qui ne paraissait pas porter la danse dans son cœur. 

Les invités les regardèrent fixement tandis qu’ils s’avançaient au centre du grand salon. L’orchestre commença à jouer une valse de Brahms et Julien posa une main sur l’épaule de l’alpha qui le prit par la taille. 

Son fiancé commença à le faire tournoyer d’une main ferme, mais non sans une certaine raideur. 

— Vous êtes charmant, assura-t-il d’un ton froid. Je serais heureux de vous marquer à vos dix-huit ans. 

Julien déglutit. Il fut heureux d’avoir le cou fermement enserré dans son nœud papillon. L’idée de sentir les dents de cet alpha s’enfoncer dans sa peau lui donnait envie de vomir. Alors que s’il s’agissait de celles du mystérieux jeune homme qui l’avait affronté au ping-pong… 

Le cœur de Julien se mit à battre à toute allure et il sentit son visage s’empourprer. Il se rappela soudain que son ancien adversaire de tennis de table lui avait demandé une danse et il regarda tout autour de lui dans l’espoir de l’apercevoir. Il ne parvint cependant pas à le discerner dans la foule et ne reconnut que sa mère qui lui adressa un signe encourageant. 

Peu à peu, les convives les rejoignirent sur la piste de danse. 

— Peut-être pourrions-nous nous arrêter à présent, suggéra Patrick Reich. Je dois vous avouer n’avoir que peu de goût pour ce genre d’amusement. 

Il avait prononcé le dernier terme en fronçant le nez. 

— Euh… d’accord, bafouilla Julien. 

Il n’osait toujours pas croiser le regard de son fiancé qu’il venait allègrement de tromper et se sentit soulagé lorsque ce dernier le lâcha. 

— A plus tard, déclara Patrick Reich avant de le laisser seul. 

Julien le regarda s’éloigner avec soulagement, satisfait de pouvoir se plonger enfin dans ses pensées. Le visage de l’alpha inconnu s’imprima aussitôt dans son esprit. Si seulement c’était à celui-ci que son père avait pu le fiancer… Peut-être était-il un jeune homme sans le sou ou d’une obscure origine qui constituerait un très mauvais parti. Ce qui l’indifférait. Julien était prêt à vivre dans la misère, si cela lui permettait de se réveiller tous les matins à ses côtés.