Roméo et Julien (bxb) [terminée]

14. Roméo

Roméo serra les poings. A quelques mètres de lui se déroulait un horrible spectacle qui lui donnait envie d’hurler comme un véritable loup. Martin maintenait son oméga, entouré de Tom et Lucas. Julien semblait au bord des larmes et jeta à l’alpha un regard terrifié qui lui retourna le cœur. 

Martin lui sourit.

— Tiens, te voilà Roméo. Nous t’avons cherché partout. Regarde sur qui nous sommes tombés ! 

Il tira le bras en avant pour faire avancer un Julien tout tremblant. 

Roméo avança à nouveau, liaissant tomber sans en avoir conscience sa barbe à papa. 

— Lâche-le, répéta-t-il. 

Martin parut surpris et échangea un regard embarrassé avec Tom et Lucas. Sa main se desserra et Julien s’empressa de se diriger instinctivement vers son alpha. Ce dernier le prit dans ses bras et l’examina sous tous les angles pour vérifier s’il n’était pas blessé. Le petit oméga colla son visage contre son torse, humant son odeur pour se calmer. Roméo lui murmura à l’oreille des paroles apaisantes. Lui-même continuait à trembler de colère et, s’il n’avait pas eu à réconforter Julien, il se serait sans doute empressé de casser la gueule de la personne qui avait osé effrayer ce dernier. 

Lorsqu’il releva les yeux, ses trois amis les fixaient avec incrédulité, méfiance et dégoût. L’alpha soupira et renforça sa prise autour de son oméga. Il sentait Julien continuer à trembler contre lui. 

— Roméo… commença Tom d’une voix hésitante. Qu’est-ce que… 

L’alpha soupira. Il était trop tard pour faire demi-tour. 

— Allons boire un verre, proposa-t-il à ses amis. 

Ils se dirigèrent sans un mot vers le premier bar venu. Une serveuse les installa sur une table au fond. Roméo réserva la banquette et laissa Julien s’installer le premier. Martin, Tom et Lucas s’installèrent en face et à côté sur des chaises. Ils ne sortirent de leur mutisme que pour commander chacun une bière. 

Julien se leva. 

— Je dois aller au petit coin, murmura-t-il avec un air embarrassé adorable. 
Roméo lui fit un chaste baiser. 

— À tout de suite, princesse. 

Il observa son oméga s’éloigner avec inquiétude. 

Martin ouvrit aussitôt la bouche et se pencha vers son ami. Il y avait dans la pièce surpeuplée un tel bruit qu’il n’y avait que peu de risques que leur conversation soit entendue. 

— J’imagine que tu as conscience de l’énormité de la connerie que tu es en train de faire ? Aussi bien pour toi que pour ce Zorn. Tu ferais mieux de le laisser vivre sa vie. Je te rappelle qu’il est fiancé à un autre. 

Roméo poussa un profond soupir et termina sa chope de bière. 

— Je l’ai marqué, dit-il simplement. 

Martin, Tom et Lucas sursautèrent à nouveau. 

— Roméo ! 

— À quoi est-ce que tu pensais ? 

— Tu veux créer une guerre ouverte avec les Zorn ou quoi ? 

L’alpha leur jeta un regard féroce. 

— Julien est à moi. Il est mon âme sœur. 

— Ouais, s’exaspéra Martin. Il est surtout le fils chéri d’Edouard Zorn. Tu crois que son père te donnera sa main avec joie ? Et tu t’imagines que le tien sera ravi de l’accueillir dans notre meute ? 

Roméo serra les dents. 

— Je m’enfuierai avec lui, s’il ne peut y avoir d’autre solution. 

— En renonçant à toutes tes responsabilités ? Et en créant un scandale tel qu’un affrontement entre nos deux meutes sera inévitable ? 

Le retour de Julien empêcha Roméo de répondre. Le petit oméga se glissa à nouveau à ses côtés et fixa la table, toujours trop intimidé pour regarder directement les trois autres Müllenheim. L’alpha lui prit fermement la main sans chercher le moins du monde à dissimuler son geste. 

Leurs consommations arrivèrent. Julien but la sienne à petites gorgées. Ses joues se colorèrent aussitôt et il semblait reprendre un peu d’assurance. Roméo lui caressait doucement la main. Il faisait bien chaud. 

Minuit était proche. Roméo se leva. 

— Allons voir le feu d’artifice, proposa-t-il. 

Il entraîna Julien sans regarder si ses amis le suivaient. 

La place était noire de monde. Des enfants impatients lançaient déjà des pétards. 

La cloche de la cathédrale se mit enfin en branle. Des cris de bonne année s’élevèrent un peu partout. Roméo fit pivoter Julien contre lui et l’embrassa sur les lèvres. L’oméga accrocha ses mains autour de son cou et frotta son corps contre le sien. Ils se sentaient à nouveau seuls au monde, ne prêtant nulle attention à la foule indistincte ou aux trois Müllenheim qui les fixaient avec un mélange de gêne et de réprobation. 

Les premiers crépitements commencèrent et ils levèrent le regard en l’air. Roméo se détourna bien vite des explosions colorées pour s’intéresser exclusivement à son petit oméga. Les yeux de Julien brillaient d’une joie enfantine et il applaudit encore plus fort que tous les autres lorsque le spectacle prit fin. Roméo le serra contre lui. 

— Il va falloir que je rentre, soupira l’oméga. 

L’alpha l’embrassa. 

— Je sais, princesse, ton carrosse ne va pas tarder à se transformer en citrouille et tes si jolis vêtements en guenilles. 

Julien se dandina, content. 

— Tu aimes la façon dont je suis habillé ? 

— Bien entendu. Même si je te préfère nu. 

Il avait murmuré la dernière phrase à l’oreille de l’oméga et fut récompensé par un magistral rougissement. 

Martin, Tom et Lucas les suivirent un pas en arrière jusqu’au manoir Zorn. Ils regardèrent ailleurs tandis que les deux amants échangeaient un long baiser passionné. 

Julien finit par se détacher avec un regard triste. Il adressa un signe de main timide aux Müllenheim et Roméo le surveilla jusqu’à ce que l’oméga ait franchi la grille d’entrée. 

— Il est gentil, ton Julien, commenta Martin d’un ton prudent. Mais, si tu veux mon avis, tu es juste en train de foutre en l’air vos deux vies. 

Roméo ne répondit rien. Il savait bien que son ami avait raison. Il ignorait comment leur histoire d’amour pourrait trouver un heureux dénouement. 
L’alpha jeta un dernier regard anxieux derrière lui. Julien avait déjà disparu. Il se sentit soudain  pris d’un sentiment d’angoisse qui le fit respirer avec peine. Pendant quelques secondes, il s’était persuadé qu’il avait vu son oméga pour la toute dernière fois de sa vie. 

Ce qui ne risquait heureusement pas d’arriver.