Roméo et Julien (bxb) [terminée]

18. Roméo

Roméo appuya sur le bouton pour imprimer les deux billets d’avion en destination de la Nouvelle-Calédonie. La machine avala les feuilles de papier et les recracha recouvertes d’encre. L’alpha les plia soigneusement et se mit à faire les cent pas dans sa chambre, passant en revue tous les points de son plan pour être certain de n’avoir rien oublié. 

Aussitôt après avoir reçu de Roméo l’assurance de se faire épouser, Samantha s’était empressée de prévenir la meute entière et même la presse. Des journalistes étaient venus leur poser des questions et une grande fête était en cours de préparation pour célébrer leurs fiançailles. L’alpha n’avait pas la moindre attention d’y assister. Tandis que sa soi-disant fiancée s’agitait, Roméo avait téléphoné à Jeanne, sa tante paternelle, qui habitait de l’autre côté de l’hémisphère. Cette dernière était une oméga au grand coeur et, surtout, elle était une inébranlable romantique. 

— Bien sûr que vous pouvez venir chez moi, mon poussin, avait-il aussi déclaré à Roméo lorsque ce dernier avait osé lui raconter toute l’histoire. La querelle entre les Zorn et les Müllenheim paraît bien vaine depuis Nouméa. J’ai toujours trouvé d’une stupidité affligeante cette vieille inimité entre nos deux meutes. 

Roméo avait alors acheter un billet pour lui et un autre pour Julien. Dans trois jours, la grisaille hivernale qui empoisonnait Strasbourg pendant de longs mois serait remplacée par un soleil paradisiaque. Son âme sœur adorée et lui pourraient se dorer sur une plage bordée de palmiers. Il avait hâte de pouvoir admirer son petit oméga en maillot de bain. 

Il ne lui restait plus qu’à prévenir Julien. Roméo essaya de l’appeler mais, curieusement, le numéro sonna dans le vide. Il laissa un message et envoya un billet une photographie de la maison de sa tante. La bâtisse moderne était petite mais coquette. Sa façade était peinte en rose et, selon Jeanne, on pouvait apercevoir l’océan depuis le premier étage, à condition de se mettre sur la pointe des pieds. 

Ton futur palais, princesse, écrivit-il en dessous. Je construirai ta cabane à trois étages en temps voulu. 

Le message ne reçut pas de réponse et aucun signe n’indiqua à Roméo qu’il avait été seulement lu. Julien devait être avec sa famille. 

L’alpha contempla sa chambre avec nostalgie. Il était triste de quitter Strasbourg, sa famille et sa meute. Sa petite-soeur, Fanny, lui en voudrait. Son père encore plus. Et il ne voulait même pas songer à la réaction de Samantha… Il vallait mieux qu’elle ne découvre pas où Roméo ira se cacher car elle serait capable de le poursuivre jusqu'à l’autre bout du monde. 

Puis l’alpha songea à son enfant à venir avec une certaine suspicion. Il avait toujours pris ses précautions et il n’était même pas certain que Samantha soit réellement enceinte. La jeune louve était retorse et inventer des stratagèmes tordus était l’une de ses spécialités. 

Et si elle attendait vraiment un enfant de lui… Et bien son père trouverait une consolation en lui pour faire face à la disparition de son fils. Le bébé devrait grandir sans père. Peut-être lui pardonnerait-il un jour. Entre l’amour de sa vie et un enfant qu’il ne connaissait pas, il avait fait son choix. Il allait disparaître et abandonner ses responsabilités et la place au sein de sa meute qui aurait due être la sienne. 

Roméo se dit soudain que la nouvelle des ses prétendues fiançailles pouvaient avoir atteint les oreilles de Julien et s’empressa de lui envoyer un démenti. Ce message là, non plus, ne fut pas lu. 

Impatient, il s’avança vers la fenêtre et colla son front contre la vitre froide. La nuit tombait déjà. Des petites formes blanches virvoltaient dans les airs. Il neigeait. L’alpha observa un long moment les gros flocons tomber du ciel et recouvrir le sol d’un fin duvet. Il se demanda si Julien aussi était en ce moment-même occupé également à lever les yeux vers les nuages. 

Il s’allongea alors sur son lit pour attendre la réponse de Julien.