Admettre ça sembla faire remonter dans l'esprit de Hueningkai tout ce qu'il avait ressenti ce jour-là. Il baissa les yeux et serra les poings avant de reprendre son récit d'une voix tremblante et nettement moins assurée.
« Je me suis fait une raison quelques heures plus tard et j'ai décidé de me donner encore plus. Mais un rhume est un rhume, il allait pas partir juste parce que je le voulais. Alors le lendemain j'ai mal chanté de nouveau. Le prof m'a demandé de venir le voir à la fin du cours. Je lui ai expliqué que je n'y pouvais rien, que c'était simplement passager. Il m'a dit que c'était minable de ma part de me chercher de si piètres excuses... puis il m'a giflé. »
Les yeux de Jungkook s'écarquillèrent, ceux de Hueningkai étaient brumeux, perdus dans les limbes de ses souvenirs.
« J'ai pensé qu'une fois mon rhume passé, ça serait terminé. Mais dans les jours qui ont suivi, à chaque fausse note que je faisais je pouvais être sûr qu'il me demanderait de rester à la fin du cours. Il m'insultait, me rabaissait, et parfois il me frappait. J'en suis venu à me dire que c'était peut-être mérité, que je ne devais pas être assez bon. Je voulais tellement débuter que je ne disais rien à personne.
« J'ai enduré ses sévices pendant huit mois avant d'en parler à mes amis. Ce jour-là il s'était bien lâché, mon prof. J'avais fait une crise de panique en cours après avoir fait une fausse note. Je savais ce qui allait m'arriver alors j'ai pas supporté, je me suis mis à trembler et à pleurer, j'arrivais presque plus à respirer, j'étais complètement terrorisé. Le professeur a demandé à un de mes amis de me faire sortir le temps que je me calme. Je suis revenu un peu avant la fin du cours... et il m'a demandé de rester.
« D'habitude, ça durait juste quelques minutes, cinq à tout casser quand il me hurlait toutes les horreurs qui lui passaient par la tête. Cette fois-ci en revanche, je ne l'oublierai jamais : il y avait une horloge dans la pièce, et je la regardais sans arrêt. Ça a duré treize minutes. Treize minutes qui m'avaient paru être autant d'infinités.
« Je n'avais jamais voulu en parler à mes amis mais ce jour-là j'y ai été contraint : sortir d'un entretien avec le professeur en arborant un œil au beurre noir, c'était quand même suspect, non ? Et... j'ai bien fait, parce que ça a été ce jour-là aussi que les langues se sont déliées : le moins bon d'entre nous en danse a avoué que parfois, après les cours de remise à niveau, le professeur lui faisait la même chose : des insultes et des coups. Un autre, Thaïlandais, a admis pour sa part que c'était le professeur de coréen qui l'humiliait continuellement. De manière générale, on s'était déjà tous pris à plusieurs reprises des insultes dans la figure, que ce soit régulier ou non.
« Mais... notre moyenne d'âge n'était même pas de quatorze ans, à qui est-ce qu'on aurait pu parler ? Ce n'est que plus tard qu'on a compris que les trois qui étaient partis quelques mois plus tôt n'étaient pas partis à cause du rythme de vie difficile mais à cause du harcèlement moral qu'ils subissaient : ils étaient les plus mauvais en danse et avaient aussi du mal en chant. Ils ont dû vivre un calvaire.
« Alors on a décidé de tous se barrer, nous aussi, de former un groupe à nous sept et de se produire dans la rue dans l'espoir de se faire repérer. Après tout on était déjà bien entraînés et encore très jeunes. On avait toutes nos chances, non ? Putain, qu'est-ce qu'on était naïfs...
« On est allés le dire à celui qui s'occupait de nos emplois du temps. Il nous a ri au nez et nous a expliqué qu'on pouvait se barrer mais que dans ce cas il nous faudrait rembourser tous les frais que notre formation avait engendrés, et ça en plus de la taxe que notre contrat mentionne en cas d'abandon. J'avais jamais imaginé qu'il puisse y avoir autant de zéros dans un chiffre. On a menacé d'aller porter plainte pour mauvais traitements, mais... on n'avait pas de preuves : on nous avait confisqué nos téléphones portables, aucun moyen pour moi de prendre en photo mon œil au beurre noir. Aucun moyen d'enregistrer les insultes qu'on nous hurlait après chaque cours. Aucun moyen de remporter un procès qui risquerait en plus de coûter extrêmement cher.
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Boy's love Café [Jikook/Sope]
Fanfiction[Terminé] Passionné de littérature et d'arts, Jungkook, jeune étudiant particulièrement renfermé, avait jadis tenté de vaincre sa timidité maladive à l'aide de cours de théâtre. Il menait aujourd'hui une vie stable grâce au petit job de serveur à te...