Chapitre 51 : La détermination de Zola (2)

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*Azalée*
Il pleut à torrent dehors. J'arrive à entendre la pluie se fracasser sur le sol. Les gouttes de pluie viennent tomber dans les flaques qui se sont développées. Le son est assez mélodique. Dans la chaleur étouffante de la fin du mois d'août, cette pluie est réellement agréable comme une sorte de pommade sur une brûlure. Les 6 derniers mois ont été si éprouvants que je n'ai pas eu une minute pour moi.

Pourtant, c'est important de prendre du temps pour soi. Parfois, on a juste besoin d'une courte coupure pour se rappeler qui on est et où on va. J'ai besoin de cette coupure. J'ai besoin de partir à l'autre bout du monde sans donner de nouvelles pendant deux ou trois semaines. Mais c'est ça mon plus grand défaut. Je me suis toujours négligée au point d'atteindre le stade de non retour, celui où la pause devient nécessaire, sinon on explose de l'intérieur.

Aujourd'hui, ça fait un an et demi que ma mère est morte. Je me sens drôlement vidée ce soir comme si je n'avais plus aucune énergie à revendre, comme si je commençais à devenir l'ombre de moi-même. À courir partout sur tous les plans de ma vie, j'ai fini par m'épuiser. Je me souviendrai toujours d'une phrase de mon père.

« On se ressemble toi et moi. On se tue au boulot pour oublier la vie ennuyante qui nous attend lorsque la porte du foyer se referme. »

À 21 ans, je viens de comprendre que je ressemble plus à mon père que je voulais bien accepter.

-Azalée ! hurla Zola.

Je suis sortie de mes pensées pour dévisager ma sœur. Pourquoi Mathieu est chez moi ? Pourquoi le mascara de Zola a coulé ? Et surtout, pourquoi cet air inquiétant règne dans mon salon ?

-Qu'est-ce qu'il se passe ? demandai-je.

Certaines habitudes ne changent pas. Mathieu a allumé sa foutue cigarette à l'intérieur. Il avait la même chose, le soir de nos adieux, le soir où je crois que mon cœur s'est brisé à jamais.

-Tu dois me promettre de ne pas t'énerver.

-Qu'est-ce que vous avez foutu encore ? soufflai-je. Par pitié, ne me dis pas que tu es encore rentrée par infraction dans un parc de Paris. Je te jure que tu vas appeler Noa cette fois-ci.

-C'est plus grave que ça, dit-elle doucement, beaucoup plus grave.

Je commence à perdre patience.

-Bon, Zola, accouche.

-Est-ce que tu aimes réellement Luca ?

Les yeux de Mathieu se sont levés pour me fixer. Je réponds à son regard avec provocation et mépris. Comme à son habitude, quand quelque chose s'apprête à le contrarier, il serre les poings.

-Oui.

Le regard de Mathieu ne change pas. Je pourrais essayer de lui faire comprendre que je n'aime pas Luca autant que j'ai pu l'aimer, lui. Mais je ne le fais pas. Notre histoire est finie, enterrée et complètement digérée.

-Tu ne vas pas apprécier.

-Luca parle à ton père, dit Mathieu. J'crois qu'il a une sorte de contrat pour t'utiliser. Luca ne t'aime pas, il se sert de toi.

Mathieu dit tout ce charabia avec un sourire narquois. Je lance un regard de détresse à Zola et à Elie qui m'affirment, à travers leurs yeux, les propos de Mathieu.

-Je crois que papa a demandé à Luca de te faire tomber amoureuse de lui pour qu'il te brise le cœur. Ils avaient même l'intention d'aller jusqu'à une demande en mariage.

Je n'arrive pas à pleurer. Je crois que c'est mon niveau de fatigue qui m'empêche de verser la moindre larme. J'ai toujours eu un problème maladif envers le mensonge ou la trahison. Alors, je ne sais pas comment je vais me venger. Mais, croyez-moi, ma vengeance va être si salée que mon père et Luca vont s'en souvenir jusqu'à leur putain de mort.

-Ça va, meuf ? demanda Elie. T'es trop calme. Ça me fait flipper.

-Merci de m'avoir prévenue mais maintenant, c'est à mon tour de jouer.

-Tu mérites ce qu'il t'arrive.

Zola et Elie font les gros yeux à Mathieu tandis que ce dernier ne me lâche pas du regard. Quand on est comme ça, on est explosif. Il est calme et je le suis encore plus. Sauf que ce calme n'est jamais de bonne augure.

-T'es toujours aussi amoureux de moi pour aller suivre mon mec ?

-Je voulais être aux premières loges pour voir ton cœur de briser. T'sais, te voir malheureuse me rend heureux.

Cette phrase me pique mais j'essaie de le dissimuler.

-Je ne laisse plus les abrutis me briser le coeur, désormais.

-On sait tous les deux qu'une fois seule, tu arrêteras de jouer aux dures.

Il a jeté son mégot dans mon évier tout en continuant à me défier du regard.

-On m'a dit que tu n'aimais pas réellement Luca, ricana Mathieu, comme si tu avais un autre garçon en tête.

Il m'a fait un clin d'œil pour me provoquer.

-On m'a dit que tu baisais mal depuis 6 mois.

-Arrêtez ! cria Zola. Vous êtes insupportables. Mathieu rentre chez toi. Va avec lui, Elie, s'il-te-plaît.

Avant de franchir la porte, Mathieu s'est tourné vers moi.

-Pour répondre à ta première question, ça fait longtemps que je ressens plus rien pour toi. T'es au même niveau que les groupies. Tu ne représentes plus rien.

Il a claqué la porte et je vois que Zola me parle mais je n'entends rien. Mes oreilles sifflent si fort que je suis obligée de m'assoir. Ma vue commence à se troubler, petit à petit. Je ne vois plus rien. Je n'arrive même plus à reconnaître mes meubles ou ma propre sœur. La seule image que j'arrive à voir est imaginaire : mes deux parents qui s'enlacent en me regardant tendrement. J'ai l'impression qu'on appuie sur ma cage thoracique. Plus j'essaie de prendre un bol d'air, plus je souffre. Et puis, d'un seul coup, tout est devenu noir et ma tête s'est fracassée sur le sol, comme la pluie sur le sol. Par ailleurs, le seul bruit que j'entends est cette pluie. Et Zola a crié mais je l'entends à peine. Puis, j'ai fini par sombrer entièrement.

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Fin du 51ème chapitre !
Je suis en vacances !!! Enfin 😭 j'étais épuisée haha.

Deux mondes opposésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant