Chapitre 15 : L'intrusion

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*Mathieu*
Azalée a ouvert la porte. L'appartement de son père est aussi grand qu'une maison. Le sol est en marbre blanc et la décoration est noire. Tout transpire la thune, ici, même le paillasson. Elle m'a tiré par le bras et m'a emmené dans une pièce sombre.

-C'est là où je travaillais et où ma mère jouait du piano, expliqua-t-elle.

Elle a allumé la pièce mais elle est vide. Il n'y pas de toiles et encore moins de piano. Elle ne comprend pas ce qu'il se passe puisqu'elle me lance un regard rempli de détresse.

-Il a tout enlevé, ce chien, s'énerva-t-elle. Je suis sûre qu'il a tout jeté à la poubelle, même le piano de maman.

J'ai posé ma main sur mon épaule.

-J'suis désolé, articulai-je.

-Comment j'ai pu penser qu'il les avait gardés ?

-Tu ne cherches pas au bon endroit, dit une voix féminine derrière nous.

Une jeune fille est plantée devant la porte grande ouverte. Elle est plus petite qu'Azalée mais elle lui ressemble beaucoup. Elle essaie de dévisager Aza mais elle n'y arrive pas énormément. On dirait même qu'elle est rassurée de la voir.

-Il les a mis où, Zola ? demanda Aza.

-Ça fait 6 mois que tu ne m'as pas vue et c'est la seule chose que tu as à me dire ?

-Parce que tu as quelque chose à me dire ? renchérit-t-elle, sur un ton ferme.

-Tu as perdu beaucoup de poids, remarqua Zola, mais tu n'as pas l'air forcément en forme.

Je ne sais pas si je dois dire quelque chose. J'suis un peu dépassé par les événements.

-Comment ça se passe avec André ?

-Tu ne l'appelles plus papa ?

-Ce n'est plus mon père.

-Catastrophique, souffla Zola.

-Je t'avais prévenue.

Je trouve qu'Aza est un peu dure avec sa sœur. Elle n'a pas l'air si terrible que ça.

-C'est qui lui ? Ton nouveau mec ?

Ok, je n'ai rien dit, c'est une sale gosse.

-Pourquoi tu fais la meuf hautaine ? ricanai-je.

Elle a levé les yeux au ciel.

-Dans ton ancienne chambre, avoua Zola, tout se trouve là.

Aza a pris ma main et m'a emmené vers sa chambre. Elle a ouvert la porte. Cela ne ressemble pas à une chambre mais plutôt à un grenier. On dirait même qu'elle n'a jamais dormi ici.

-Ils sont là ! dit-elle d'une voix enjouée.

Nous avons pris une trentaine de tableaux dans un énorme sac et nous sommes sortis de la chambre. Aza en a profité pour récupérer les vêtements dans son dressing. Visiblement son daron ne les a pas jetés. Au moment de franchir la porte, Zola a retenu sa sœur.

-On peut parler ?

Elle m'a dévisagé.

-Que toutes les deux, s'il-te-plaît.

-J'te retrouve en bas, répondis-je en embrassant son front.

*Azalée*
Mathieu a claqué la porte. Zola a 17 ans mais on dirait qu'elle est beaucoup plus vieille. Elle a l'air fatiguée et peine à tenir debout. Elle s'est adossée à la table de l'entrée où sont posées les clés. À l'instant, je viens de remarquer que deux énormes valises et un sac sont à l'entrée. Zola me fixe.

-Est-ce que je peux venir avec toi ? demanda-t-elle.

J'ai grimacé.

-Pourquoi ?

-Je t'en supplie, dit-elle en s'effondrant en larmes, ne me poses pas de questions.

Avant la maladie de ma mère, j'étais très proche de ma sœur. D'une certaine manière, notre mère nous a divisés. Zola me ressemble. Elle est assez pudique et ne supporte pas demander de l'aide ou exprimer ce qu'elle ressent. La voir pleurer comme ça me pince le cœur.

-J'ai besoin de toi. J'ai besoin de ma sœur.

-Qu'est-ce qu'il se passe, Zola ? insistai-je.

-Je ne peux pas t'en parler.

Un regard ne ment jamais. Celui de Zola me glace le sang. Elle est apeurée, complètement terrifiée.

-Je veux bien que tu viennes, dis-je. Mais tu ne vas pas aimer mon appartement. Il est assez petit et loin de ton lycée. De plus, il est bruyant.

-Rien ne peut être pire que cette maison, balança-t-elle.

-Alors, viens.

Zola a pris une valise et son sac. Je l'ai aidée à porter l'autre.

-Tu as tout pris avec toi ? demandai-je.

-Tous mes vêtements et toutes mes affaires.

J'ai essayé de lui sourire mais elle ne m'a pas répondue. Nous avons pris l'ascenseur dans un silence qui me laisse perplexe. Lorsque les portes se sont ouvertes, elle m'a juste remerciée. Tout le monde s'est stoppé sur Zola.

-Vous avez encore de la place ?

-Ouais, répondit Elyo en nous débarrassant.

-Merci, Elie.

Zola est montée dans la voiture de Lola et a fermé la porte.

-Qu'est-ce...commença Lola.

-Je n'ai pas plus d'informations que vous, répondis-je simplement. Venez, on rentre.

Tout le monde a acquiescé. Zola s'est déjà endormie dans la voiture. Quelques minutes plus tard, nous sommes arrivés chez moi. Elyo a porté Zola et l'a installée dans ma chambre d'ami.

-Elle dort encore, dit Elyo en s'asseyant sur le canapé. J'ai remarqué un truc.

-De quoi tu parles ? demanda Jonas, intrigué.

-Elle a un énorme bleu sur le bras gauche.

Paniquée, je me suis paralysée. Je n'ai pas envie de faire des conclusions hâtives mais je sens que Zola me cache quelque chose, et de très grave en plus.

-Je réglerai ce problème, finis-je par dire. Vous pouvez aller vous coucher. Et merci de m'avoir aidée.

-Pour une fois qu'une de nos missions se passe bien, rigola Jonas. Je peux dormir chez toi Lola ?

-Oui mais on part maintenant. Demain je me lève.

Moctar, Elie et Mathieu sont partis en même temps que mes deux meilleurs amis. Je suis partie sur mon balcon et j'ai pris une grande inspiration. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai l'impression que l'histoire avec Zola va m'épuiser. Je vais devoir jongler entre elle, mes cours, l'exposition et moi-même. Je regarde le ciel sombre et couvert. On ne voit ni la lune, ni les étoiles, juste les épais nuages qui menacent Paris.

Tout aurait été plus simple si tu étais encore là, maman, pensai-je.

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Fin du 15ème chapitre!

Deux mondes opposésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant