Chapitre 1 - Équinoxe

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Ils arrivèrent au village en fin d'après-midi et peu d'habitants leur prêtèrent attention. D'ordinaire, on remarquait l'homme en armure noire au longs cheveux blancs. On ne manquait pas non plus son compagnon, aux vêtements colorés, une chansons sur les lèvres.

Non, les villageois les ignorèrent. Les enfants accrochaient des rubans et des guirlandes aux arbres et couraient partout en piaillant. On s'agitait. Hommes et femmes installaient de longues tables sur des tréteaux branlants, apportant des victuailles, des pichets de vin et de bière, des pains dorés et des gerbes de fleurs. On chantait, on s'apostrophait, on riait. On préparait une grande fête.

Quelqu'un finit par remarquer les deux nouveaux arrivants, le premier monté sur une jument et l'autre suivant à pied. Une adolescente coiffée de lierre et de fleurs rouges les salua tandis qu'ils traversaient la place où se tiendraient les festivités.

— Bienvenue à Vertebrume, lança-t-elle avec un cheveu sur la langue.

Elle les observa de la tête aux pieds et, après son examen, leur offrit un sourire amical. À leur demande, elle leur indiqua où se trouvait l'auberge et les invita à se joindre à la fête le soir-même. Elle rosit lorsque l'un d'entre eux la remercia chaleureusement d'un clin d'œil facétieux.

— Non, annonça Geralt lorsque la jeune femme fut hors de portée.

À ses côtés, Jaskier partit d'un grand éclat de rire. Il ouvrit grand les bras.

— Non à quoi ? À cette charmante demoiselle ou à la belle soirée qui nous attend ?

Le sorceleur ne daigna pas répondre. Il se contenta d'un soupir et descendit de cheval d'un geste souple tandis qu'ils approchaient de leur destination. L'auberge était une petite bâtisse aux murs blanchis à la chaux, comprenant un abri extérieur cerclé par un enclos — l'écurie. Même avec leurs décorations de fête, les lieux ne payaient pas de mine, mais Vertebrume était le premier hameau digne de cette appellation qu'ils traversaient après deux semaines à vagabonder dans les forêts et les champs.

— Je m'occupe de nous trouver un lit, annonça Jaskier. Je te laisse terroriser le panneau d'affichage.

La remarque arracha un grognement amusé à Geralt. Il installa sa jument, Ablette, dans l'écurie, s'assurant qu'elle y trouverait de l'eau et des céréales.

Jaskier entra dans l'auberge. L'intérieur reflétait l'extérieur : un lieu modeste, un peu éprouvé par les années, mais accueillant. Le propriétaire, un vieil homme à la barbe bien fournie, fit la grimace à son arrivée.

— Allons, je sais que je suis un peu poussiéreux, mais je vous assure, je n'ai pas de poux, promit Jaskier avec un grand sourire.

L'homme derrière le comptoir rit. Il croisa les bras sur sa poitrine en secouant la tête.

— J'irai pas vérifier, dit-il d'une voix rauque. Non, je pense que vous voulez une chambre et j'en ai plus. La fête d'automne attire du monde de la région.

Jaskier fit la moue. Il se déchargea de son paquetage, mettant en évidence l'étui de son luth, à la forme reconnaissable.

— Même pour un barde ? insista-t-il.

Le propriétaire réfléchit.

— On a une pièce sous les combles, finit-il par dire. On y accède par un escalier à l'extérieur. Y a un grand matelas de paille, des couvertures, et c'est tout. Vous nous chantez quelques chansons et vous pouvez l'utiliser. Ça irait ?

Jaskier s'avança pour lui serrer la main et conclure le marché. Après deux semaines à dormir à la belle étoile, la promesse d'un toit et d'un matelas lui convenait parfaitement. Il fallait dire que voyager avec Geralt avait considérablement diminué ses exigences hôtelières. Jaskier et l'aubergiste se mirent d'accord sur l'heure de la représentation — en début de soirée, avant la fête — et sur des provisions pour la suite du voyage.

L'amour, les richesses et les heuresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant