Une douleur familière

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Pourquoi ?
J'observais, béat, mes mains, des mains couvertes de sang.
Je senti mes joues s'humidifier, et deux petites perles tombèrent au creux de chacune de mes mains.
Je pleurais.
8 ans.
Ça faisait 8 ans.
8 ans que je n'avais plus pleuré.
8 ans que je n'avais plus eu peur de cette façon.
8 ans que mon cœur ne m'avais plus fait souffrir ainsi...

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     - (t/p), tu veux pas venir jouer dans la rivière avec nous ?
Je sorti la tête de mon livre pour faire face à Oto. Le jeune garçon me regardait en souriant, ses longs cheveux noirs lui cachant le visage à cause du vent hivernal.
      - Mais elle est gelée à cette période, répondis-je, Qu'est-ce que vous voulez faire là-bas ?
     - On va la traverser ! s'exclama Oto, des étoiles dans les yeux, Mon grand frère m'a invité à venir le faire avec ses amis, et je me demandais si tu voulais venir toi aussi...
Il avait dit ça en rougissant légèrement, et je le trouvai adorable à ce moment-là.
     - Eh bien, pourquoi p-...
     - Tu es un monstre !!! Meurs une bonne fois pour toute !!!

     - Ça va (t/p) ? Tu as lâché ton livre, tu te sens bien ?
Oto m'observait d'un air inquiet, le livre que j'étais en train de lire à la main. Je le lui repris des mains sèchement et me leva.
     - Désolé, je suis un peu fatigué et j'ai du chemin à faire pour rentrer chez moi. Au revoir.
Sous l'air abasourdi du jeune homme, je lui tournai le dos et sorti du village voisin de ma maison.
     - Laisses tomber petit frère, entendis-je venant de l'aîné de la famille des Shu, ce gars n'est pas très sociable ni bavard. Il préfère la solitude.
Face à ces mots, je serrai mon livre contre mon cœur et accélérai le pas, la gorge nouée.
Je déteste la solitude...
J'avais une peur irrationnelle de l'eau.
J'en étais si effrayé que me laver était pour moi une épreuve et, malgré les années qui passent, Je n'arrivais pas à me plonger dans mon bain en présence de quelqu'un, du coup je m'enfermais à double-tour à chaque fois que je devais me laver.
Pourtant je n'avais aucune raison de ne pas faire confiance à mon père, la seule et unique personne qui m'avais aimé et protégé depuis toutes ces années, le seul qui m'avais toujours dit que je me trompais.
     - Tu as le droit de vivre (t/p), ne laisses personne te dire le contraire...

Après presque deux heures de marche, je reconnu enfin la cheminée de ma maison, d'où s'échappait une fumée apportant à mes narines une délicieuse odeur.
Papa était à l'intérieur, occupé à cuisinier, quand je me collai contre lui et le serrai de toutes mes forces.
     - Bonsoir mon grand ! sourit-il, J'ai bientôt fini, tu arrives juste à temps !
Je regardai mon père me sourire ; il avait attaché ses longs cheveux bruns qui tombaient derrière son dos, et son visage clair dégageait une sérénité qui m'apaisa.
Je m'empressai de dresser la table et papa me rejoignit juste après, le repas servi. Nous mangeâmes tandis que la nuit tombait autour de la maison, accompagnée par des flocons de neige.
     - Il faudra que je parte couper du bois demain, réfléchit papa en observant la neige tomber à travers la fenêtre, si nous ne voulons pas mourir de froid ce mois-ci...
     - Je peux y aller avec toi pour t'aider ! m'exclamais-je, Je peux même m'en occuper tout seul pour que tu puisses te reposer un peu !
     - Merci mon grand...
Sa main chaude vint caresser ma joue.
     - mais ça ne sera pas nécessaire, je veux que tu te reposes pour qu'à mon retour nous puissions aller ensembles nous promener dans la forêt que j'aimerais tant te faire découvrir.
Je me sentis soudain plus léger. Cette forêt, située dans le village où papa avait grandi, était le havre de paix de sa jeunesse. Il ne cessait d'en parler avec moi, et nous nous étions promis de la découvrir ensembles un jour. Avec son travail qui nécessitait énormément de ressources pour pouvoir tout juste vivre, je n'aurais jamais pensé pouvoir admirer cette forêt de glycines aussi tôt en cette saison.
Toc... Toc... Toc...
Trois coups résonnèrent contre la porte d'entrée de la maison.
Papa se leva et s'appuya contre le bois, prudent, après m'avoir indiqué silencieusement d'aller me cacher derrière le mur du salon.
Qui est-ce ? Un voleur ? Ils ne sont pas rares dans cette région, et notre maison isolée est une proie tentante...
     - Bonsoir...
Une voix sortit de derrière la porte ; une voix d'homme, tout à fait normale, polie, pourtant j'avais une désagréable impression.
     - Veuillez m'excuser de vous déranger à cette heure tardive, je cherchais un village et me voilà complétement égaré. Et je dois bien avouer que le fumet qui se dégage de votre maison a titillé mes narines et m'a mené jusqu'à vous.
Papa ouvrit doucement la porte à l'inconnu et lui dit en souriant :
     - Le village que vous cherchez se trouve à deux heures de marche d'ici. Et navré, il ne reste plus grand-chose de notre repas, mais je peux vous donner quelques restes si vous avez vraiment faim.
L'inconnu, dont je n'avais qu'entendu la voix, s'avança légèrement dans l'encadrement de la porte.
     - Oh oui merci... susurra-t-il, Je sens que je vais me régaler...
     - Oh, vous savez, ne me surestimez pas, je ne suis encore qu'un piètre cuisi...
J'observais, sans vraiment voir, les yeux écarquillés, les jambes flageolantes, la main qui traversait le crâne de papa, tandis qu'un mélange de sang et de cervelle venait de s'asperger sur le sol de la maison.
     - Ah... s'extasia l'inconnu, quelle divine odeur qu'est la tienne...
En retirant sa main du crâne de mon père, il l'envoya s'écraser contre le mur derrière lequel j'étais caché, puis papa retomba sur le dos contre le sol. Son sang m'éclaboussa le visage, mais je ne pus crier.
Hébété, je sortis de ma cachette et m'approcha lentement de mon père. Lorsque je posai ma main sur son cœur et que je ne senti plus aucune palpitation, mes jambes lâchèrent.
     - Papa ?
J'étais là, agenouillé devant mon père, qui avait le crâne perforé, le poitrail ensanglanté.
     - Papa ?
Je secouai son corps, mais rien. Aucune réaction. J'observais, béat, mes mains. Des mains pleines de sang.
Pourquoi, pourquoi ça recommence ? Pourquoi tout se brouille autour de moi ?
Je senti mes joues s'humidifier, et deux petites perles tombèrent au creux de chacune de mes mains.
Je pleurais.
Pourquoi j'ai de nouveau si mal ?
Mes larmes coulaient en abondance, et la peur, une peur incontrôlable me saisit. Une peur que je n'avais plus ressentie depuis 8 ans.
     - C'est dommage, cet homme avait le potentiel de devenir encore plus fort s'il était devenu démon.
Je cessai de respirer pendant un instant. Je redressai lentement la tête pour faire face à l'inconnu.
Il n'a rien d'humain...
Il avait peut-être l'apparence d'un homme, mais rien en lui n'était réellement humain.
Il avait l'air d'être un homme d'une vingtaine d'années, trop peu vêtu pour une nuit enneigée, il avait de courts cheveux roses et des tatouages de bandes bleues un peu partout sur le corps. Son regard doré étincelait d'un éclat terrifiant et le chiffre « trois » était gravé dans ses yeux.
     - Ton sang est sans aucun doute très rare, c'est la première fois qu'une simple odeur m'affecte tant...
L'inconnu lécha sa main couverte du sang de papa et bascula soudainement sa tête en arrière.
     - Quel délice !!! s'exclama-t-il haut et fort, dédoublant ma peur, Mon cher, tu es le meilleur repas que je n'aie jamais mangé depuis une bonne centaine d'années !
J'étais paralysé par la terreur. Ma tête retomba face au corps de mon père ; je n'arrivais pas à bouger, ni à parler, seulement à pleurer.
Un pied nu dont la cheville était sertie de perles rouges écrasa soudainement le corps de papa, lui créant un deuxième trou encore plus large au niveau du ventre, et provoquant chez moi un sursaut de frayeur. Je senti alors une main ferme se poser sur ma tête, et mes tremblements ainsi que le rythme de ma respiration s'accélérèrent.
     - C'était ton père n'est-ce pas ?
La voix, pourtant polie et douce, accentua mes tremblements et mes pleurs.
     - Quel était le nom de ce délicieux repas ?
Délicieux repas...
Ma gorge était sèche et ma voix tremblante, mais je parvins à dire tout bas :
     - Ce n'est pas un repas...
La main que je sentais sur ma tête descendit doucement pour me caresser la joue, un geste que papa faisait encore il n'y a même pas 10 minutes. Mais cette main était froide et dénuée de toute chaleur humaine. Encore plus terrorisé que je ne l'étais déjà, je m'efforçais de contrôler ma respiration qui s'affolait de plus en plus.
     - Excuses-moi petit, comment s'appelait ton charmant père ?
Le pouce de l'inconnu passa sous mon menton pour me relever la tête. Son regard me paralysa encore plus et j'arrivai à peine à répondre d'une voix tremblante.
     - Oyomi... Hiro...
A ces mots, l'inconnu sourit de toutes ses dents, et j'aperçus très nettement les crocs pointus qu'il arborait.
Cette vision déclencha chez moi une terreur encore plus ancienne, encore plus forte, et je poussai mon premier cri de terreur en reculant jusqu'à me cogner au mur couvert de sang. Mes battements de cœur s'emballèrent et je ne pus rien faire d'autre que de me recroqueviller sur moi-même, la tête entre mes mains.
     - Oyomi Hiro ! Il avait tort de se sous-estimer ; son sang était déjà délicieux, mais sa chair promet de l'être encore plus !!
Je vis l'inconnu plonger sa main dans le ventre de mon père pour en ressortir un amas de sang et d'organes. Traumatisé par cette vision, je criai encore de toutes mes forces en m'arrachant les cheveux, les larmes coulant encore plus abondamment, lorsqu'une main pleine de sang vint emprisonner les miennes.
     - Calmes-toi (t/p), me dit l'inconnu en souriant encore et toujours, il serait dommage à ton âge de perdre tes cheveux.
J'écarquillais les yeux de stupeur.
Comment...
     - C'est bel et bien (t/p) ton nom ? C'est la dernière chose qu'ait prononcé ton père avant de mourir. On dirait bien que, même aux portes de la mort, il pense avant tout à ta survie au lieu de la sienne...
Je redressai la tête et regardai l'inconnu, effrayé et stupéfait. Il ne mentait pas.
Il pensait à ma survie plutôt qu'à la sienne...
     - Il devait beaucoup tenir à toi pour que ton nom soit son dernier mot. Malheureusement pour lui, ta vie dans ce monde est bien trop incertaine et, tôt ou tard, ton existence se terminera...
Je ne comprenais pas. J'étais perdue. Que cherchait cet homme ?
     - Tu as quelque chose de très spécial en toi.
L'inconnu, en disant ces mots, me lâcha les mains pour s'accroupir face à moi.
     - Tu es faible.
Ces mots étaient tranchants ; il ne souriait plus, et son regard n'en était que plus terrifiant.
     - Tu es faible, continua-t-il, c'est un fait. Et j'ai beau mépriser tous les faibles sans exception, tu es différent. Je ne saurais dire en quoi, mais il se cache en toi une force... démesurée.
Il avait prononcé ce dernier mot en affichant un sourire carnassier, ce qui eu pour effet de décupler mon incompréhension et ma peur.
     - Que dirais-tu de devenir un démon ?
Mon souffle se coupa en même temps que ma circulation sanguine. Ce mot : démon, voilà qu'il faisait ressortir des souvenirs que je pensais avoir oubliés.
     - Pitié Koyto, ne me dis pas que toi aussi tu es...
     - Un démon ?
     - Oui. Si tu deviens un démon, tu pourras exploiter pleinement ta force, et tu pourras également respecter les dernières paroles de ton père.
L'inconnu se releva et me tendit sa main.
     - En devenant un démon, tu ne connaîtras plus ce fléau qu'est la mort...
J'observai cette main tendue, ce choix qui m'était possible, cette issue pour réaliser le souhait de papa.
     - Ta vie est précieuse (t/p), tu ne dois pas l'écourter...
     - Vivre est un cadeau qui t'as été offert, tu ne dois pas le voir autrement !
     - (t/p) ! je t'interdis de penser ça de toi ! Tu mérites de vivre ! Alors vis ! Ne choisis pas de mourir à cause des paroles empoisonnées qu'elle t'a mises dans la t...
     - MAIS MEURS SALE MONSTRE !!!!
Je baissai la tête, rongé par le remords. Malgré tout ce que papa avait pût me dire, c'étaient ses paroles qui restaient implantées plus fort en moi, c'était sa voix qui résonnait le plus fort dans ma tête.
Désolé papa, je n'y arrive toujours pas...
Je serrai les dents et regardai de nouveau cette main tendue de cet inconnu, comme la main que papa m'avais tendue, il y a 8 ans. Le tout premier à m'avoir tendu la main.
Non... C'était le deuxième.
     - Ta place n'est pas auprès d'eux. Viens avec moi.
Cette peur que m'inspirait cet inconnu... c'était pratiquement la même que celle-là...
Je baissai de nouveau la tête et vis le cadavre mutilé de celui qui avait été mon père.
     - Désolé, papa... murmurais-je.
Je redressai la tête pour faire face à l'inconnu, qui, le même sourire terrifiant aux lèvres, me tendait encore sa main.
Une main couverte de sang.
Je refuse de vivre avec ton sang sur les mains.
Avec un autre cri de terreur, je me traînai puis couru jusqu'à la porte de derrière, l'ouvrit avec fébrilité et sorti dans la nuit froide et enneigée. Je couru ainsi, plus vite que je n'avais jamais couru, les poumons brûlants, les pieds gelés, le cœur en miettes. Je couru sans m'arrêter, sans savoir où j'allais, avec seulement une idée en tête : fuir le plus loin possible de cet homme et de cette peur.

Le soleil se levait doucement dans le ciel, lorsque je m'écroulai par terre. J'étais sale, épuisé, terrifié, détruit. Le haori que m'avait offert papa était couvert de sang, de poussière et déchiré à plusieurs endroits, et mes mains et mon visage étaient toujours couverts du sang, désormais séché, de mon père.
     - Papa... sanglotais-je, On a pas pût se tenir notre promesse...
J'ouvris mes yeux cernés et pleins de larmes, pour me retrouver en dessous de...
Des glycines.
Ces douces fleurs violettes brillaient d'une douce lueur apportée par le soleil.
Mes pas m'avaient instinctivement mené jusqu'à cette montagne dont papa ne cessait de me parler, qui pourtant se trouvait à presque un jour de marche de notre village.
C'est magnifique...
Des larmes coulèrent à nouveau sur mes joues, mais cette fois je n'avais pas peur.
Je la vois papa, tu avais raison, elle est si belle... Maintenant, je vais m'endormir et te rejoindre, hein ? Tu m'as apporté un merveilleux bonheur pendant tant d'années... Je ne peux pas continuer à vivre sans toi.
Pourtant, je n'arrivais pas à fermer les yeux. Chaque fois que je tentais de m'endormir, je revoyais ces yeux dorés, ce chiffre « trois », ces crocs pointus.
     - C'est dommage, cet homme avait le potentiel de devenir encore plus fort s'il était devenu démon.
Pourquoi ?
     - Si tu deviens un démon, tu pourras exploiter pleinement ta force...
Pourquoi il ne m'avait pas tué ?
Pourquoi il m'avait proposé à moi de devenir plus fort et pas à lui ?
Pourquoi c'était toujours moi qui devais survivre ?
Quelque chose commençait à bouillonner en moi. Au plus profond de moi, j'avais peur, très peur, mais la haine venait de faire surface. Une haine forte et pure.
Je me relevai, toujours sale, toujours épuisé, mais plus furieux qu'apeuré. Durant les 12 longues années de ma vie, je n'avais jamais eu d'objectifs précis ou de but à atteindre, alors mourir avait toujours été un souhait plus ou moins fort. Mais maintenant, pour la première fois de ma vie, je ne voulais pas mourir. Mon sang pulsait dans mes veines, mes poings se serrèrent ; j'avais trouvé une raison de vivre !
     - Je ne te pardonnerais jamais... dis-je tout haut, Je te ferais payer ce que tu as fait ! Je vais... je vais te tuer !!!
     - Et comment comptes-tu t'y prendre ?

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Voilà le premier chapitre pour la version garçon

J'espère qu'il vous plaira, et j'espère sortir la suite vite

N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez, je vais essayer de faire des chapitres assez consistants, donc ça prendra peut-être un peu de temps, déjà que celui-là était assez long et que j'ai fait une longue pause wattpad, mais là je suis relancée pour un bon moment!

Que la bonne fortune vous accompagne ;)

KIMETSU NO YAIBA : Les liens tissés par le temps (Boy Version)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant