Ce jour-la, c'était à peine si j'arrivais à garder les yeux ouverts pendant les cours. La veille pendant la nuit j'avais eu une crise assez violente. J'avais vomi. Je n'avais pas fermé l'œil. Et je n'avais rien avalé de la journée. Je ne suivais pas un traître mot de ce que pouvaient bien raconter les profs. Une chance qu'ils ne m'aient pas interroger.
Finalement, la journée passa sans plus de problèmes mais arriva l'heure des entraînements au club. Le volley, c'était toute ma vie. Pas question de rater une séance, insomnie ou pas. Cependant, j'étais loin d'imaginer ce qui allait se produire. Quand j'ai passé la porte du gymnase, je fus salué par un habituel:
- Kageyamaaaaaa!
De la part de cet imbécile d'Hinata.
Heureusement qu'on est pas dans la même classe cette année encore, j'aurais pas pu le supporter toute la journée sans que ma tête explose.
Je saluais toute l'équipe avant qu'on commence à s'échauffer. Tout allait parfaitement bien. Mais c'est sur la dernière demi-heure que tout dérapa. On faisait des petits matchs à trois contre trois. La routine, quoi. J'étais avec Hinata et un nouveau de seconde, Haru. Haru avait réceptionné une balle facile et je m'apprêtais à la recevoir parfaitement pour la passer à Hinata qui devait marquer. On allait faire notre tendue. Notre combine à nous. Notre duo gagnant. J'étais sous la balle, en position et Hinata cria pour que je la lui envoie. Action stupide, du fait que nous n'étions que trois, et qu'il n'y avait qu'à lui que je pouvais la passer. Mais c'était normal. C'était sa façon à lui de montrer qu'il était sur le terrain. Il faisait le fier en quelque sorte. Tout était comme d'habitide. Tout était parfait. Et pourtant. Pourtant, alors que je m'aprêtais à sauter, mes jambes se paralysèrent, mes bras se raidirent. Le temps sembla ralentir, tout, autour de moi, devint flou. Et tout mon corps se mit à brûler. Atrocement. Plus fort encore que les autres fois. Un bourdonnement affreux résonna dans mes oreilles. Il recouvrait toutes les voix. Puis il y eut ce bruit. Ce bruit terrible, terrorrisant, qui avait hanté tant de mes cauchemars. Ce bruit fantomatique que je redoutais de toute mon âme. Ce bruit qui me rendait fou. La balle retombant sur le parquet et rebondissant doucement. Une passe ratée. Personne derrière. J'étais seul. Seul. Totalement seul. Juste moi. Et ce bruit. Ce bruit. Bon sang, ce bruit!
- Kageyama!
Ma tête me tournait tellement et le sang battait tellement fort dans mes tempes que je n'entendis sa voix qu'au bout de plusieurs dizaines de secondes. Hinata se tenait devant moi, me tendant la main pour m'aider à me relever, le regard inquisiteur. Ce que je redoutais le plus était finalement arrivé. Ma crise était survenue en public et, qui plus est, pendant un entraînement. J'avais toujours le tournis, mais la douleur cédait petit à petit la place à la honte et je n'osais même plus me lever.
- Kageyama, ça v-
- Je vais bien, c'est juste un malaise, merci.
J'avais répondu sèchement, en repoussant sa main. Je n'avais pas besoin de lui. Je pouvais très bien me débrouiller seul. J'avais déjà assez honte de moi comme ça sans qu'il y ait besoin d'en rajouter une couche. Je me relevai par mes propres moyens mais la douleur me tiraillait, et je dus laisser transparaître une grimace, car il renchérit:
- Tu es sûr que...
- Je t'ai dit que ça allait! J'ai juste besoin d'aller prendre l'air...
Je me détournai de lui pour me diriger vers la porte, en jetant un coup d'oeil furtif aux autres. Ils avaient regardé la scène sans broncher. Ils affichaient tous une mine légèrement surprise ou inquiète.
Ravalez votre pitié, bande de cons! J'en ai pas besoin!
Seul Tsukishima avait le même sourire narquois que d'habitude. Ah, il devait bien s'amuser de me voir comme ça, celui-là.
RAAAAH! Ils me gavent tous!
J'avais envie de tout envoyé balader. Alors je suis sorti, furieux et accablé de honte sous le poids de leurs regards. Yachi me rattrapa près de la porte et me tendit ma gourde.
- Tiens, Kageyama, ta-
Je ne lui laissai pas le temps de finir sa phrase et emportai la bouteille avec force sans même un merci. Je n'avais pas besoin de leur pitié. Vraiment pas. J'avais honte. J'étais frustré. Et je le fus encore plus quand, après quelques minutes, le son des chaussures qui crissent sur le parquet et de la balle qui fend les airs retentirent de nouveau, comme si de rien n'était. Je ne voulais pas rester plus longtemps. Je filai vers les vestiaires me changer pour rentrer chez moi. Une fois seul dans la petite pièce aux murs déraîchis, toute ma rage éclata, et je frappai le casier de toutes mes forces:
- PUTAIN!
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Burnt By The Sun
FanfictionJ'ai appelé ça des "crises". Ce sont des périodes pendant lesquelles mon corps ne répond plus. Des périodes de souffrance, qui ne dure que quelques minutes, une fois par jour mais qui ont foutu ma vie en l'air. Elles présentent beaucoup de symptôme...