Prénoms

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J'étais resté quelques jours de plus à l'hôpital, le temps de me remettre d'aplomb. Les autres étaient rentrés chez eux, à la fin du camp d'été.
Après que ma mère soit arrivée, j'ai reçu un nouveau sermon spectaculaire, tout de même atténué par les pleurs et les questions inquiètes sur mon état que ma mère n'avait pas pu retenir. Je lui répétais alors que j'étais désolé et que j'allais bien.
J'étais de retour depuis deux jours. Mais l'histoire n'était pas encore terminée. Il fallait qu'on clarifie quelques trucs entre Hinata et moi. D'ailleurs, dès que je pensais à lui, je ne pouvais pas m'empêcher de rougir et de me sentir gêné. Mais c'était une gêne agréable. Pas comme les crises. Plutôt comme des papillons dans...
Ok, ok! Stop! On a compris! Pas de conclusions hâtives!
Je ne voulais pas faire de plan sur la comète ou avoir de faux espoirs. C'était pourquoi en cette chaude après midi de la mi-juillet, je lui avais proposé de venir chez moi pour qu'on en discute. La chaleur était encore plus étouffante que d'habitude, et j'attendais, allongé sur mon lit, que ma mère m'annonce qu'il était arrivé. Je relisais les messages qu'on s'était envoyé la veille

> Hey, ça mieux ? T'es sorti de l'hôpital ?

Ouais, depuis hier. Je suis encore fatigué. Mais ça va mieux <

>Génial! Tant mieux! \(^o^)/

Hinata<

> Oui ?

Je crois qu'il faut qu'on parle de ce qu'il s'est passé à l'hôpital...<

Il avait mis un certain temps à répondre à mon message mais vu à quel point j'avais tardé et hésité à écrire le mien, je comprenais très bien pourquoi.

> Je crois aussi

Tu pourrais venir chez moi demain ?<

> Oui bien sûr ^^

Cool<
On dit vers 14h ?<

> Ça me va ^^

J'avais alors trouvé une excuse pour ma mère, disant que j'avais oublié quelque chose au camp d'été et que Hinata devait me le ramener.
Et depuis j'attendais. Le temps ne m'avait jamais semblé aussi long. J'avais l'impression qu'il s'écoulait une éternité entre chaque tic chaque tac de mon réveil. Je ne pensais à rien. A rien d'autre qu'à lui. Je voulais le voir. Mais une fois qu'il sera la, qu'est- ce que je devrais lui dire ? Qu'est-ce qu'il fallait que je dise. Est-ce qu'il pensait à moi lui aussi ? Que faisait-il ? Était-il déjà parti ? Viendrait-il en vélo ? Ou bien à pied ?
Mes pensées vagabondaient sans pourtant s'éloigner de lui, au gré des tours des aiguilles sur le cadran. Je ne sais pas vraiment comment je me sentais. J'étais à la fois excité, anxieux, heureux et impatient, et tour a tour, une émotion prenait le dessus sur les autres. Ce qui faisait que je n'arrêtais pas de me lever, de faire les cent pas, puis de m'asseoir, ou de m'allonger avant de me relever pour recommencer à marcher. J'essayais de me distraire avec un livre ou un magazine mais impossible de rester concentré sur ce que je lisais plus de quinze secondes. Niveau productivité, y avait pas à dire, j'étais clairement inefficace.
Raaaaah ! Fichu cerveau ! C'est carrément creepy, là ! On dirait un psychopathe ! Pense à autre chose merde!
Et alors que je pensais ça, j'entendis sa voix m'appeler.
Putain, mais ça devient carrément glauque! Ferme-la, cerveau de merde!
Je me sentais tellement débile et bizarre que j'ai cru bon qu'un petit coup de mur sur le crâne me remettrai les idées en place. Mais en fait ce n'était pas du tout nécessaire:
- Kageyama ?! Ça va ?! dit une voix derrière moi.
Je me retournai pour voir, debout dans l'encadrement de la porte, Hinata, qui me regardait à la fois étonné et inquiet.
Oh putain.
Incapable de comprendre ce qu'il venait de se passer, je ne pouvais que le fixer, hébété.
Après de longues secondes de silence, il éclata tout à coup d'un grand rire. Je ne savais pas quoi faire. J'étais tellement embarrassé. Je me suis approché de lui et lui ai dit, d'un ton que je voulais menaçant :
- Pourquoi tu rigoles ? Hinata-boke!
Mais mon visage qui était, j'en étais certain, rouge vif, devait rendre la chose très peu crédible car il repartot de plus belle. Le rire résonnait dans toute la pièce. Et malgré la gêne - à ce niveau-là c'était même carrément de la honte - ce rire m'emplit de joie et de nostalgie. Il me réconfortait. Il me faisait du bien. Alors je me mis à rire avec lui. Comme avant. Pliés en deux, nous tenant les hanches, nous riions comme nous n'avions plus ri depuis ce qui semblait être une éternité.  Nous étions de nouveau complices, partenaires. Nous partagions ces petits moments privilégiés rien que nous deux. Et c'était la plus belle chose au monde. Quand on s'est calmée, nous nous sommes souris, puis je lui ai proposé de venir s'asseoir sur le lit pour qu'on puisse enfin discuter de ce qui nous préoccupait.
- Alors euh... Par rapport à ce qu'on s'est dit la dernière fois à l'hôpital...
Je déglutis avec difficulté. Pourquoi était-ce soudain si compliqué de parler alors que nous rigolons sans problèmes il y a quelques instants ?
- Est-ce que tu...
Allez, dis-le!
- Est-ce que tu...
Mais bon sang, vas-y!
- Est-ce que tu... m'aimes...?
J'avais prononcé les deux derniers mots si bas que je n'étais même pas sûr qu'il m'est entendu. D'ailleurs il ne me répondit rien. Je me préparais à reposer la question quand il me dit :
- Et toi ?
- M-moi ? J-je...
Je me mis à bégayer des phrases, ou plutôt des sons, sans queue ni tête, avant de riposter :
- Je... J'ai posé la question en premier, c'est à toi de répondre d'abord !
Nos visages s'enflammèrent à l'unisson à la réplique grotesque que je venais de prononcer.
Bon dieu, mais qu'est-ce qu'il m'a pris de dire ça ?
Pourtant, ce ne devait pas être si absurde que ça, puisque que j'entendis un tout petit "oui" peu après. Je n'en croyais pas mes oreilles. J'avais très bien entendu. Et pourtant je lui redemandai:
- Quoi ? Qu'est-ce que tu as dit ?
Je voulais l'entendre le redire. Ce mot sonnait si bien.
- J'ai... J'ai dit oui! Cria-t-il presque sous le coup de la frustration.
Et si jusqu'à maintenant nous évitions de nous regarder dans les yeux, il vint soudainement planter son regard dans le mien, les sourcils froncés, l'air énervé. Sa moue était juste adorable. Il n'y avait pas d'autre mot. Et même si je n'oserais jamais l'avouer à qui que ce soit, je ne pouvais m'empêcher de penser qu'il était vraiment mignon comme ça.
Il me fixait donc quand il me dit soudain:
- Maintenant c'est à toi de répondre! J'ai répondu, donc c'est à toi !
Ce fut à mon tour de vouloir échapper à sa vue, alors me détournant vers le mur, je répondis :
- Oui...
J'avais beaucoup réfléchi. Et je ne voyais que cette solution. Pourquoi il m'obsédait autant, pourquoi je me sentais si vide sans lui, pourquoi j'avais besoin qu'il me regarde et qu'il m'estime. C'était parce qu'il comptait bien plus pour moi que je n'aurais voulu le reconnaître. Nous étions les deux faces d'une même pièce, inséparables, indissociables. Notre passion ne prenait sens que parce que nous y prenions part tous les deux et qu'elle était la forme ultime de notre connexion si particulière. Le volley, c'était le ciment de notre relation. La promesse qu'on s'était faite sonnait comme un pacte sacré. "Tant qu'il y aura quelqu'un de meilleur que nous, tant que nous ne nous serons pas lassés de tenter de nous surpasser l'un l'autre, nous ne pourrons pas nous séparer". Voilà ce que cette promesse signifiait réellement. Voilà le lien qui nous unissait. Et ça, j'étais trop borné, trop prétentieux, trop con, oui, il fallait bien le dire, j'étais trop con pour le comprendre. Mais toi, Hinata, tu m'as fait descendre de mon piédestal, tu m'as retiré la couronne trop lourde que je voulais porter seul. Tu m'as montré comment diriger en équipe. Tu m'as fait mériter cette couronne qu'on m'avait attribué de force. Tu as fait tant de choses pour moi. Je ne comprenais pas comment j'avais pu ne pas m'en rendre de compte pendant tout ce temps.
- Shoyo...
C'était la première fois que je l'appelais par son prénom. Ça faisait un peu bizarre. Mais c'était joli. Agréable.
- Hmm ?
A

lors je pris mon courage à deux mains. Je devais franchir le pas. Pour une fois dans ma vie, ne pas me défiler. Faire face sans sourciller. Car oui, jusque là, je n'avais fait que fuir la réalité de mes sentiments. Mais c'était terminé. Il me donnait la force de faire tout ce dont je me croyais incapable.
Alors cette fois...
Je me penchais en avant, vers lui, et le pris dans mes bras, comme si j'avais peur qu'il puisse s'en aller.
- Merci, Shoyo... Merci pour tout.
Il parut confus tout d'abord. A la fois par mes mots et par mon geste. Mais il me rendit vite mon étreinte, en chuchotant, tout près de mon oreille :
- De rien, Tobio...
J'en eus les frissons. Nous nous étions tous les deux appelés par nos prénoms. Nous avions franchi une étape.
Je sentis alors ses doigts s'entremêler avec les miens. Puis il posa sa tête sur mon épaule. Je sentais son souffle calme et apaisant dans mon cou. Il était si près que je sentais son cœur battre contre ma poitrine. Je fermai les yeux.
Finies les crises. Finis les mensonges. Ce n'était plus comme avant. Mais ce n'était pas plus mal.

FIN

Burnt By The SunOù les histoires vivent. Découvrez maintenant