J'ai passé la nuit à cogiter. Évidemment que je m'étais mal comporté avec Haru. Évidemment qu'avec Hinata, rien n'était plus comme avant. Et évidemment, ces deux événements étaient liés. Mais par quoi ? Qu'est-ce qui n'allait pas chez moi ? A quel moment ça a merdé ?
Je réfléchissais trop. J'arrivais pas à dormir. Le problème avec les dortoirs communs, c'est qu'on peut pas faire sa vie tranquille sans embêter les autres. En plus avec Hinata qui ne voulait plus me voir, j'avais dû m'arranger de sorte qu'on ne se croise pas. Je me couchais avant ou après tout le monde. Je préférais être seul. J'aimais pas ça et j'en souffrais. Mais je préférais.
Raaaaah! Rien a faire le sommeil vient pas... Je vais prendre l'air...
Discrètement, je me suis faufilé hors du dortoir. La porte coulissante en papier de riz grinça un peu, mais ils dormaient tous à poings fermés. Tout était calme et silencieux. Apaisant. On entendait seulement les grillons chanter. L'air était chaud et écrasant. L'humidité collait à la peau. Je me suis assis dans l'herbe mouillée pour me refraîchir. Je regardai le ciel. Pas un nuage à l'horizon.
Je ne comprenais pas. Comment tout pouvait être aussi calme ? Comment la nature pouvait-elle suivre ainsi son cours alors que dans ma vie, tout allait si mal ? Là, dehors, en regardant les alentours, qui pourrait se douter que tant de gens souffrent, pleurent, meurent ? C'est tellement cruel. Le destin, les dieux, peu importe comment on appelle ça, mais si il y a quelqu'un ou quelque chose là-haut, qui nous regarde, comment peut-il rester si stoïque face aux malheurs de tant de gens ? N'est-ce pas hypocrite ? Nous vendre du rêve en nous promettant joie et réussite... Mais à quel prix le payons nous ? Tous ces efforts, tous ces obstacles, sont-ils seulement nécessaires ? Pourquoi faut-il que nous souffrions pour pouvoir connaître le bonheur ? Et puis pourquoi souffrir si au bout du compte, nous n'obtenons que davantage de souffrance ? Pourquoi tout est si compliqué ?
- Je voulais juste... Ne plus avoir à supporter ça tout seul...
- Kageyama.
- Hein ?
Je sursautai. Si c'était un prof, j'étais foutu. Je me retournai lentement. À mon grand soulagement, et ma grande surprise, c'était Yachi.
- Qu'est-ce que tu fais là ? M'a-t-elle demandé en s'approchant.
- Et toi alors ?
- Ah... Je t'ai entendu te lever et puis... Il fallait que je te parle alors...
- Si c'est pour me dire que j'ai mal joué ou que je devrais être plus sérieux, c'est pas la peine. Je suis déjà au courant merci.
J'en avais marre qu'on me fasse la morale. Si elle était venu pour ça, elle n'avait plus qu'à repartir.
- Non, non ! C'est pas ça! Je... Je peux m'asseoir ?
Je haussai des épaules pour seule réponse. Je n'avais pas spécialement envie de parler, mais en même temps, je n'avais pas envie de me retrouver de nouveau face à moi-même, à ruminer des sombres pensées.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Alors voilà, je.. euh... Je me demandais... Tu ne... Tu ne serais pas malade ?
Je la regardai enfin dans les yeux. Elle affichait une mine plutôt sérieuse. Je fronçai les sourcils.
Qu'est-ce qu'elle a ? C'est quoi cette tête ?
- Non. Je suis pas malade.
- Alors c'est quoi cette boîte de pilules que tu essayes de cacher tous les matins et tous les soirs ?
- Hein ?
Elle... Elle m'a vu... Elle m'a vu avec... Les antidépresseurs...
- Je suis pas médecin mais je pense qu'au moins, tu devrais en parler au coach ou au prof. Ça a l'air ser-
- NON!
J'avais crié sans le vouloir. Mon coeur s'emballait.
S'ils... S'ils le découvrent, je suis foutu! Ils vont voir que je suis faible, ils vont voir que je n'y arrive plus... Ils vont me virer de l'équipe... Ils vont me remplacer...Et je...
Mais j'étais déjà viré de l'équipe. Haru m'avait déjà remplacé. Je n'étais déjà plus rien à leur yeux. Parce que j'étais bidon. Parce que mon génie c'est du bidon. Je ne suis qu'un bon à rien. Je suis foutu.
C'est déjà trop tard.
Quand cette phrase résonna sous mon crâne, tout me retomba dessus comme une énorme pierre. Et je me voyais. Si pitoyable. Si misérable. C'était tellement pathétique et piteux que c'en était risible. Alors j'eclatais de rire. Un rire incontrôlable. Un rire de dément.
Ça y est. Ça y est. Je suis fou. Je suis complètement fou. Je n'ai plus rien. Je suis vide. Je ne suis rien. Qu'un abruti paumé complètement barge. C'est la fin.
Je regardai Yachi, me fixer, béate, presque apeurée, à travers mes larmes. Mes larmes ? Mais pourquoi je pleurais ? Parce que je riais ? Ou bien étais-je triste ? Oh, et puis quelle importance ? Qu'est-ce que ça changeait ? Je n'étais plus rien. Je n'étais plus personne. Qui allait prétendre encore s'intéresser à mes sentiments et mes états d'âmes ? Qui dans ce putain de monde se préoccuperait d'un mec comme moi ? Rien n'avait plus d'importance. Tout était fini.
Je me calmai enfin.
- Tu es sûr que ça va ?
- Nickel.
- Mais enfin, regarde-toi! Tu manges plus rien, tu dors plus, tu te bourres de médocs! Parles-en à quelqu'un, ou au moins rentre chez toi! Mais tu peux pas rester comme ça!
- Yachi. J'ai dit que ça allait.
- Mais...
- Et tu n'as pas intérêt à en parler à qui que ce soit. Ce sont mes problèmes.
- Tu vois ? Tu te contredis toi-même! Si tout allait bien tu ne me dirais pas de ne pas m'en mêler!
- Mais qu'est-ce que t'en as à foutre de moi, bordel ?! Ça te regarde peut-être ? Mais vous me les brisez, là, tous, à faire comme si vous compreniez quelque chose à ma vie! J'en ai raz-le-cul de tout ça moi! Alors foutez moi la paix, une bonne fois pour toutes.
- Mais j'essaie juste de t'aider!
- M'aider! M'aider! J'aimerais t'y voir, tiens! Tu sais même pas ce que j'ai, même moi je sais pas ce que j'ai!
J'étais à bout de souffle. Je n'en pouvais plus de crier. Je n'en pouvais plus de rien. Je ne savais plus. Plus rien n'allait, dans ce foutu monde.
- Putain, mais qu'est-ce que je dois faire à la fin...?
Cette fois je pleurais pour de bon. De rage et de désespoir. De colère et de détresse.
Une main hésitante, mais réconfortante, vint me tapoter le dos.
- Tu as raison. Je ne probablement pas comprendre. Mais ça ne changera rien au fait que je veuille t'aider. Je ne suis peut-être pas la mieux placée pour dire ça mais... Les amis, c'est dans ces moments-là qu'on en a besoin non ?
Ah. Si seulement... Si seulement c'était lui qui m'avait dit ça à cet instant. Si seulement on ne s'était pas disputé. Si seulement je n'avais pas été aussi stupide.
Elle se leva finalement, et se tourna pour partir en me disant :
- Je ne peux peut-être rien faire maintenant, mais sache qu'au cas où, si tu as besoin de quoi que ce soit, je serais là.
Elle allait partir pour de bon, mais je lui demandai encore :
- Yachi ?
- Hm ?
- Qu'est-ce qu'on fait quand une personne importante pour nous ne veux même plus nous regarder ? Comment on fait pour se rattrapper quand on a fait une énorme connerie et qu'on a blessé cette personne ?
- On regagne la confiance de cette personne.
- Et comment est-ce qu'on fait ça ?
- On dit toute la vérité. On ne lui cache plus rien. Même ce qu'on n'a jamais dit a personne. On lui montre qu'on peut changer.
- Et si elle ne nous écoute pas ? Si elle refuse de nous pardonner ?
- Alors, tant pis. Soit tu attends qu'elle accepte tes excuses, soit tu la laisses partir. Il ne faut pas la forcer. Ce serait encore pire. Parfois, certaines personnes ne se correspondent tout simplement pas. Lorsque les vrais sentiments font surface, c'est là qu'on sait qui sont les vrais amis. Ceux qui nous acceptent quoi qu'il arrive.
- Je vois. Juste une dernière chose.
- Oui ?
- S'il te plaît, ne dis rien a propos de... Tu sais quoi.
- D'accord... Mais fais attention.
Puis elle se retourna et rentra enfin se recoucher.
Il ne me restait plus qu'une chose à faire.
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Burnt By The Sun
FanfictionJ'ai appelé ça des "crises". Ce sont des périodes pendant lesquelles mon corps ne répond plus. Des périodes de souffrance, qui ne dure que quelques minutes, une fois par jour mais qui ont foutu ma vie en l'air. Elles présentent beaucoup de symptôme...