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Après l'incident à l'entraînement, j'avais redouté le retour au club. J'avais peur qu'on me pose des questions sur ce qu'il m'était arrivé et je n'avais aucune envie d'y répondre. Et aussi, j'avais peur que ça recommence. Une fois passait encore, mais si elles devenaient répétées, les crises ne passeraient plus inaperçues.
Au pire, pour cette fois, pensai-je en me rendant au gymnase, je pourrais mettre le "malaise" sur le compte de la chaleur.
Il est vrai qu'il avait fait particulièrement chaud ce soir-là, et bien que je ne fus jamais très sensible à la température, ça pouvait être crédible.
Je me résolus à m'y rendre, paufinant mon mensonge pour ne pas paraître suspect. Quand j'ai ouvert la porte, certains finissaient d'installer les terrains, tandis que les autres s'affairaient à leurs échauffements.
- Ah! Kageyama!
Hinata s'avança vers moi toujours avec le même sourire sur le visage.
- 'lut.
- Dis, tu voudrais pas m'aider à m'entraîner un peu ? Hier, je voulais rester après les autres pour travailler un truc, mais comme t'es parti avant j'ai-
- Oui, oui, je t'aiderai.
Je l'avais coupé avant qu'il n'en dise plus, pour éviter de remettre en memoire les événements de la veille. Mais, visiblement, ça n'avait servi à rien. Déjà, Yamaguchi venait vers moi:
- C'est vrai ça! Qu'est-ce qu'il s'est passé au fait hier soir ?
Et voilà. La question qui tue.
Ne pas paniquer. Ne pas paniquer. Réponds simplement. C'était juste un malaise. A cause de la chaleur.
- Un malaise. La chaleur.
En mon for intérieur, j'avais envie de frapper ma tête contre un mur.
On dirait un demeuré! C'est pourtant pas si compliqué de faire des phrases! Ça valait bien la peine de préparer un mensonge crédible!
Je me sentais affreusement con. Heureusement, ma réponse ne les surprit pas plus que ça.
- C'est vrai qu'il faisait chaud, remarqua Yamaguchi.
J'étais sauvé. Ils avaient gobé l'histoire. Et ils ne cherchèrent pas à en savoir davantage. Ou du moins, ils n'en eurent pas le temps, car Ukai, notre entraîneur - absent la veille, le Ciel soit béni pour ça - nous appelait déjà pour nous décrire le déroulé de la séance.

Tout s'était bien passé. Pendant les deux ou trois heures qu'avait duré l'entraînement, j'avais gardé l'appréhension d'un retour soudain d'une crise. Même si j'essayais de paraître le plus naturel possible, l'idée de me voir à nouveau m'écrouler lamentablement comme la veille me tourmentait. Et malgré le fait que je me forçais à ne pas trop y penser, ma préoccupation se reflétait légèrement dans mon jeu. Pas de grosses erreurs, mais un petit manque de précision, ou bien un temps de réaction un peu plus long.
Si on me pose des questions, j'aurais juste à dire que c'était un jour sans, ou bien que je suis pas trop motivé. Un truc bateau suffira.
Mais ce fut inutile, tout se déroula sans encombre et personne ne me dit rien sur quoi que ce soit. Pour la première fois depuis un certain temps, je me sentais soulagé.

On se dirigeait donc vers les vestiaires. La chaleur était étouffante dehors. Et le soleil était encore haut dans le ciel malgré l'heure tardive. Il faisait beau pas un nuage à l'horizon. Je pris ça comme un signe. Peut-être que les choses allait finir par s'arranger ?
Je rentrais dans le local en dernier, me frayant un chemin parmi mes coéquipiers pour atteindre mon sac. Je me mis torse nu et essuyai la transpiration avec ma serviette. Je me penchai alors sur mon sac pour chercher un t-shirt propre. Comme je ne le trouvais pas je me mis à le vider. Puis tout se passa très vite. Hinata qui avait déjà fini de se changer m'interpella:
- Hey Kageyama!
Puis sa main vint taper dans mon dos, dans un geste qui se voulait sûrement amical. Sa main vint taper mon dos nu et je crus que j'allais mourir. Il me disait quelque chose mais je n'entendais rien. Tout ce qui parvenait à mes oreilles à cet instant, c'était le bruit de mon cœur qui battait dans mes tempes. Ce n'était pas la tape en elle-même qui me faisait mal, mais la brûlure qu'elle avait provoqué. C'était la brûlure. Celle des crises. Mais cette fois, au lieu de partir du creux de l'estomac elle s'était répandu à partir de l'endroit où sa main m'avait touché. C'était comme si on m'avait marqué au fer rouge. J'en avais eu le souffle coupé. Encore une fois, je n'entendais plus rien à part les pulsations de mon sang en fusion et les bourdonnements caractéristiques des crises. Les larmes me montèrent aux yeux.
Je ne sais pas combien de temps je restai ainsi. Ça faisait peut être dix secondes comme ça pouvait être dix ans. Le fait que je sois penché sur mon sac cachait mon visage Hinata, ce qui fit qu'il ne remarqua pas tout de suite ma situation. Mais il avait dû me poser une question, car voyant que je ne répondais pas et que je ne bougeais pas d'un pouce, il s'approcha un peu plus de moi. Je repris mes esprits juste à temps pour voir arriver et empêcher la catastrophe. Sa main revenait vers moi pour me prendre l'épaule cette fois, pour que je me tourne vers lui et sûrement me demander ce qu'il m'arrivait. En une fraction de seconde, malgré la douleur insupportable qui me torturait, j'attrapai mon t-shirt au fond de mon sac et l'enfilai tout en pivotant et en me redressant. Cette manœuvre l'empêcha de voir mon visage et de me toucher de nouveau. Il retira sa main restée suspendue en l'air et avant qu'il ne dise quoi que soit, j'enchainai, faisant les plus gros efforts du monde pour ne serait-ce qu'ouvrir la bouche:
- Excuse-moi, tu me disais quelque chose ?
Un peu troublé mais se ressaisissant vite il me repondit:
- Oui, on va s'arrêter en bas chercher des brioches tu viens avec nous ?
- Non... Je... Ma mère m'attend.
Je remballai mes affaires à la vitesse de l'éclair, et sorti du vestiaire en courant presque.
J'avais mal. Je ne savais même pas comment j'arrivais à me mouvoir avec ce corps qui semblait fondre de l'intérieur. Je me sentais lourd, je n'arrivais plus à réfléchir. J'avais l'impression d'être un mort vivant. Mes jambes bougeait toutes seules, mais avaient toutes les peines du monde à supporter mon poids. Elles me ramenaient à la maison par automatisme, mon cerveau n'était plus en état de commander quoi que ce soit. Au lieu de s'estomper, j'avais presque l'impression que la douleur augmentait. J'allais mourir.
J'atteignis finalement la porte de chez moi. Comme je passai dans le salon, ma mère me souhaita bienvenue sans vraiment me regarder et je montai
dans ma chambre sans rien répondre. Mais je n'eus même pas le temps de rejoindre mon lit que mes jambes lachèrent. Je m'effondrai sur le sol, à bout de force, haletant. Ma vision se troubla à la fois par les larmes et la fatigue. Puis tout devint noir. Je m'évanouis.

Burnt By The SunOù les histoires vivent. Découvrez maintenant