Chapitre 19. I.

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« En ce jour, sous l'œil du monde, je ceins l'anneau des patrons, je ceins ce nouveau pouvoir et accepte cette charge sur mes épaules. Je jure de toujours combattre pour la Mort. Je jure d'affronter la Lune et ses pièges, éternellement, jusqu'à ce que ma déesse décide que mon heure soit venue.

En cette heure, je fais le serment de toujours penser à l'ordre avant le reste. De mener tous les faucheurs, nés ou à naître, dans notre guerre sans merci contre la magie. Et de diriger les armées de la Mort, jusqu'à mon trépas.

Et à ce moment-là, je transmettrais mon pouvoir, mon anneau, et la tête de l'Ordre à mon propre fils, qui a son tour, dirigera.

Au nom de la Mort. Au nom des faucheurs.»

Serment d'Amadeus, nouveau patron de l'ordre des faucheurs.

 siècle après J.C.

*

Les ténèbres s'étaient abattues sur le manoir des faucheurs. Malgré le jour, déjà levé, une brume épaisse entourait la demeure, la coupant du monde extérieur. La Mort s'était emparée du domaine et étendait son ombre endeuillée sur tous ses guerriers. Un silence pesant régnait, un silence de stupeur et de peine.

Tous avaient cru l'immortel, le célèbre, le mystérieux Amadeus invincible. Tous avaient pensé impossibles sa mort et sa défaite. Et pourtant, l'homme gisait dans un cercueil blanc, sans vie. Ses paupières closes s'étaient refermées à jamais sur ses iris d'un bleu si glaçant, si pur qu'il en semblait irréel. Son teint pâle trahissait son trépas. Et même dans la mort, ses traits conservaient cette austérité, cette sévérité qui glaçait sa beauté passée. Même dans la mort, il continuait de transmettre cette sensation de puissance. Mais l'aura qui l'entourait jadis s'était évanouie. Il n'était plus qu'un corps, plus qu'un cadavre. Son esprit avait déjà rejoint l'au-delà, aux côtés de sa déesse qu'il avait si longtemps servi.

Tous ici, n'avaient connu le légendaire faucheur que comme le Patron. Peu savaient son véritable nom, son histoire et ses secrets. L'Ordre se peignait, en ce triste jour, de noir, portant le deuil. Une ère sombre commençait.

Tous le sentaient. Tous le savaient.

Erik aussi. Assit dans un coin de la grande salle où avait été posé le cercueil, il s'était muré dans le silence depuis qu'ils avaient trouvé le corps sans vie du Patron. Il avait assisté, immobile et sans un mot, au ballet des faucheurs venant faire leurs adieux. Le cœur lourd, il n'avait pas répondu à Olaf lorsque celui-ci avait essayé d'ouvrir le dialogue. Perdu dans ses réflexions, il ne cessait de se repasser le fil des événements, tentant de trouver le moment où les choses avaient dérapé, les erreurs qu'il avait bien pu commettre et ce qu'il aurait pu faire pour empêcher tout cela. En vain. Son cœur, douloureux, embrumait son esprit avec la même force que le chant des sirènes. Lui qui y était insensible, voilà qui était ironique. Meredith s'était enfuie, disparaissant sans laisser la moindre trace et elle avait laissé derrière elle un chaos abominable. Ainsi que le cœur brisé du faucheur.

Désormais, ne restait plus que lui. Lui et Valentin, qui, accoudé au coffre de bois, observait le corps sans vie de son père, la mine fermée. Le jeune homme semblait perdu dans ses pensées, affichant une expression dénuée de la moindre émotion.

L'ancien roi n'avait jamais été ami avec l'orgueilleux faucheur. Cependant, se levant enfin, il ne put s'empêcher d'aller le voir. Car il se sentait coupable. Si Meredith était celle qui avait fait couler le sang, c'était lui qui l'avait fait entrer, qui s'était fié à elle et qui avait échoué à l'empêcher de replonger dans les voies de la Lune. Pire, en hésitant, il l'y avait poussé. Il savait que la sirène se trouvait sur une corde raide... Et il avait pourtant été trop confiant.

Les Faucheurs III - Chant MortelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant