Chapitre 4. I.

119 29 4
                                    

« Sitôt la princesse déroba-t-elle les clés à son père que le sol se mit à trembler.

Et la vaillante, la superbe, la maudite cité d'Ys, sombra dans le chaos, dévorée par l'océan ravageur.

La princesse Dahut en pleura des larmes salées en suppliant son père de la sauver, sur son cheval enchanté qui lui permettrait de fuir le déluge... L'homme aimant sa fille de tout son cœur l'emporta avec lui. Mais les dieux voulaient voir disparaître cette pècheresse et la punir. Alors, ils ordonnèrent au roi d'abandonner sa fille à l'Océan. Malheureux mais soumis à la volonté divine, le roi dû s'y résoudre et lâcha Dahut dans les flots furieux qui l'avalèrent aussitôt.

On raconte qu'à sa mort, elle devint sirène, et qu'elle apparut aux yeux des marins perdus pour les envoûter de sa douce voix. »

Légende de la cité d'Ys. Date inconnue. Auteur inconnu.

*

C'était l'enfer. Un véritable cauchemar. Figé, debout, à côté de son lit, Erik observait les fourrures écarlates, imprégnées de sang, les malheureuses réceptacles du crime qui avait été commis. Étendue de tout son long, dans une posture dramatique, les bras écartées, la tête renversée alors que son regard bleu fixait le plafond, vidé de toute vie, et que sa chevelure blonde formait une couronne d'or autour de son doux visage, Astrid, son épouse, gisait, morte.

Dans sa poitrine, une lame était figée, plantée en plein cœur et un mince filet de sang continuait de s'en échapper.

Il reconnaissait sans peine cette arme, cette dague qui était la sienne, et qu'il lui avait donnée... C'était elle qui l'avait en sa possession... Alors comment ! Comment s'était-elle retrouvée dans le cœur de son épouse... Comment avait-elle pu faire couler ce sang ? La chemise de nuit du roi était elle-même imbibée de ce liquide écarlate qu'il se mit haïr avec toute la force de son être.

Malheureusement, il y avait pire encore que la mort de celle qui était sa femme depuis une dizaine d'années. En s'en rendant compte, Erik pâlit, et sentit le sol se dérober sous ses pieds. Dans des gestes désordonnés, il se mit à fouiller partout, atteint par une étrange folie. Mais elle manquait toujours... Elle avait disparue !

La clé de la cité...

Soudain, le sol trembla sous ses pieds tandis qu'un grondement terrible parcourut toute l'île. Les meubles tremblaient sur le sol, le monde vacilla... Un instant, il crut que tout allait s'effondrer sur lui. Et c'était ce qui était en train de se passer. Se précipitant à sa fenêtre, il contempla avec horreur la digue qui protégeait son royaume céder : le portail avait été ouvert. Les flots furieux s'engagèrent dans la crique. Les vagues léchaient le sol.

La seule chose à laquelle il put penser à cet instant, c'était à elle. Meredith. Cette mystérieuse jeune femme, apparue il y a une saison seulement, qu'il aimait comme un fou, qu'il aimait plus que tout. Cet ange de feu qui lui avait fait découvrir l'amour. Et bien que ce soit son poignard qu'il venait de retrouver dans la poitrine de sa femme, de sa meilleure amie, il ne put raisonner comme il le fallait. Son cœur le poussa à se précipiter vers la chambre de son amante. Dans le couloir, les hommes tentaient de fuir, de se cacher pour éviter le désastre alors que tous savaient pertinemment que le château lui aussi serait englouti.

Lorsqu'Erik poussa la porte violemment, celle-ci claqua contre les murs, dévoilant une pièce vaste et dont la fenêtre était grande ouverte. Le vent de l'ouragan soulevait furieusement les rideaux.

Les Faucheurs III - Chant MortelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant