Chapitre 15. II.

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Un calme étrange avait pris possession du manoir des faucheurs. De son bureau, Amadeus, patron de l'Ordre pouvait le ressentir. Assis dans son fauteuil, l'austère homme réfléchissait, silencieusement, son regard perdu dans le vague.

Les choses s'étaient déroulées plus vite que prévue. Et d'une façon totalement insoupçonnée.

Soucieux bien que son visage marqué par le temps malgré l'immortalité n'en laissait rien paraître, il faisait tourner nonchalamment entre ses doigts une petite flamme bleue. Le feu ne le brûlait pas, vacillant sous son regard sans jamais ne s'éteindre...

Le Patron n'usait que très rarement de ses pouvoirs, plus encore de celui de pyrokinésie. Voilà longtemps qu'il avait cessé de chasser les sorcières. S'il dirigeait toujours d'une main de fer, il n'avait plus vu d'affrontement depuis des siècles... Mais il avait fait son temps sur le terrain. Près d'un millénaire de lutte...

Et jamais il n'aurait cru voir cela. Une sirène dans son repère...

Depuis des années déjà, les évènements étranges se succédaient. L'avènement du mal et le désastre que cela avait été malgré la victoire des faucheurs, la malédiction pesant sur un mortel faisant ressurgir de l'ombre une branche de sa lignée... Et maintenant, cette sirène, Meredith, qui ressuscitait d'entre les morts pour il ne s'avait quel but obscure... Et qui se trouvait désormais au manoir en compagnie d'un des chasseurs de monstre les plus dangereux.

Que des signaux quant à l'avenir sombre qui se profilait et qu'il allait devoir affronter. Une fois de plus.

Les choses s'approchaient de leur terme.

Soudain, la flamme qui dansait sous ses yeux s'éteignit alors que la lumière de la lampe vacilla. Un courant d'air glacé parcourut la pièce, agitant les feuilles sur son bureau. Et malgré la clarté que produisait le luminaire électrique, une noirceur s'étendait le long des murs, rampante. L'homme à la tête de l'Ordre fronça des sourcils, se redressant légèrement. Au même moment, un murmure doux empli tout le bureau, résonnant à ses oreilles en un souffle venu de l'au-delà.

« Bonjour, mon enfant... »

La Mort était là !

Voilà un des nombreux pouvoirs que le Patron conservait secret dans son cœur. Il pouvait communiquer avec la Mort, cette déesse qui était la sienne et qui lui avait tout donné, quand il le souhaitait, selon sa volonté.

Voilà le pouvoir qui se transmettait dans la lignée des patrons, de Valentinus l'ancien à Valentin lui-même.

Amadeus plissa des paupières, cessant son mouvement répétitif. Même s'il ne pouvait la voir, la déesse de l'au-delà se distinguait grandement, ombre rassurante qui étreignait le sévère personnage. Celui-ci ferma les yeux, se laissant pour de bon emporter dans cet autre univers dans lequel l'invitait la rivale de la Lune. Tout n'était que ténèbres autour de lui. Mais des ténèbres belles, rassurantes. Les ténèbres du repos éternel.

« Pourquoi tant de tourments ?

L'homme grimaça. Il ne nommerait pas cela des tourments si ça ne tenait qu'à lui. Pourtant, il savait qu'il était vain de vouloir dissimuler quoique ce soit à la Mort.

— Êtes-vous sûre que cela fusse le bon choix ? Qu'il fallait accueillir cette sirène ?

Un instant, il craignit de ne recevoir aucune réponse. Cela ne faisait pas partie de ses habitudes de questionner la déesse. Lorsqu'elle ordonnait, il obéissait. Lorsqu'elle soufflait ses volontés, ils les exécutaient. Il aurait pu s'immoler lui-même si elle le lui avait demandé.

Il avait été élevé dans une telle abnégation...

Son frère, Aurelius, ce lâche, n'avait jamais pu accepter leur destinée et s'était enfui alors qu'ils n'avaient que dix-sept ans, disparaissant pour toujours et fondant cette lignée de laquelle était issu ce Lowell. Mais lui, Amadeus, avait suivi jusqu'au bout la formation que son père lui avait dispensé jusqu'à devenir à son tour un faucheur, en digne descendant du premier d'entre tous. Il avait lutté, combattu et gagné son rôle en tant que Patron. Au départ de Valentinus l'ancien, il avait pris les rênes du pouvoir. Et tout ceci en obéissant encore et toujours à la Mort.

Les Faucheurs III - Chant MortelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant