Chapitre 4. II.

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Descendant de la voiture qui l'avait conduit jusqu'à Wierum, Erik inspira à plein poumon l'air marin. Devant lui se dressait le port de pêcheur du petit village. Le ciel gris au-dessus de sa tête ne semblait nullement perturber les dockers, habitués à cette grisaille. De plus, la lumière et les bruits qui s'échappaient des bars dans son dos suffisaient un insuffler un souffle de vie à la zone.

Il se retourna vers le chauffeur qui attendait d'être payé, la vitre baissée. Le faucheur lui tendit un billet avant de souffler, d'un ton neutre :

« Merci pour la route.

— C'est mon métier, m'sieur ! Passez une bonne journée.

— Vous aussi. »

Le conducteur redémarra et dans un vrombissement de moteur infernal, la voiture s'éloigna, laissant Erik seul sur les quais. Il se sentait déjà mieux en présence de la mer. Désormais, il lui fallait enquêter pour retrouver la sirène.

Sortant les dossiers de son sac, il observa à nouveau les photos. Le Faucheur tentait de laisser place aux doutes mais plus il observait les multiples indices que la créature de la Lune avait laissé, plus il était certain qu'il s'agissait d'Elle.

Le coquillage gravé sur le front, le poignard dans le cœur, la mise en scène dramatique... Tout pour lui rappeler le meurtre de son épouse il y a plus d'un millénaire.

Refermant d'un geste sec le porte document, il le rangea avant de se diriger vers l'un des bars. C'était celui où la victime avait été aperçue pour la dernière fois... La grande salle à l'intérieure était éclairée par de grands néons dégageant une lumière chaude. Les tables, allongées, étaient entourées de banc en bois vermoulus. Plusieurs marins s'y trouvaient. Certains buvaient, d'autres discutaient, lisaient le journal ou mangeaient.

S'adossant au bar en bois sombre, entre deux marins, Erik se pencha vers l'homme qui se tenait derrière, un solide gaillard aux traits usés par le temps.

« Une bière, s'il vous plaît, commanda le faucheur, déposant une pièce sur la table.

L'homme acquiesça avant de lui tendre la boisson dorée. L'atmosphère dans la salle était pesante, comme alourdie par la mélancolie et la tension qui embaumaient l'air.

— Sale temps pour not' village... soupira le barman.

— Pourquoi ça ?

— C'est comme si un voile de noirceur s'est déposé sur not' pauv' port depuis le meurtre...

Erik se redressa à l'entente de ces mots. C'était le moment ou jamais de se renseigner pour essayer de deviner la suite des événements.

— Que savez-vous du marin qui est mort il y a deux jours ?

L'ambiance se refroidit aussitôt. Le serveur afficha soudain une mine désolée avant d'essuyer un des verres. Dans un soupire, il lâcha :

— Arjen... C'était un des nôtres...

— Un brave gars ! renchérit le docker à côté duquel l'Immortel était assis.

Celui-ci fit tournoyer sa bouteille dans sa main avant d'interroger :

— Avez-vous une idée de ce qu'il s'est passé ?

Nenn ! s'exclama un autre. 'Nous a quitté un soir après qu'on ait partagé une bière et est jamais r'venu !

Malgré les mots à moitié grignotés, Erik comprit. Il était habitué à l'accent rude et au parlé des marins. Il en était un lui-même. L'entendre réchauffait son coeur tout en le plongeant dans une mélancolie perçante qui venait s'insinuer en son être et rongeait son coeur. Avec raideur, il hocha la tête. Conservant toujours son éternel calme, il poursuivit ses interrogations :

Les Faucheurs III - Chant MortelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant