Chapitre 20. II.

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Là, sur ce récif, au pied de la falaise, au milieu de l'océan agité et en furie, la sirène et le faucheur se toisaient. De temps à autre, la lumière du phare qui les surplombait les nimbait dans un éclat aveuglant avant de les faire replonger dans l'obscurité la plus complète.

Le moment de la confrontation finale était venu.

L'adrénaline se déversa dans les veines du faucheur alors même qu'il se dressait, debout, inébranlable malgré les éléments déchaînés autour d'eux. Rien ne saurait le faire dévier de sa route.

Un éclat argenté dans les mains de Meredith attira l'attention de l'ancien roi. Surprenant son regard, elle esquissa un sourire avant de susurrer, mielleuse :

« Tu le reconnais ?

Elle jouait avec un poignard finement ciselé. La lame semblait vieille, ancienne. Sur le manche, des runes nordiques étaient gravées. Erik se crispa un peu plus à la vue de cette arme. Oui. Il le reconnaissait... Mais sans lui laisser le temps de répondre, la sirène reprit, un sourire moqueur aux lèvres :

- C'est celui avait lequel tu m'as tuée la première fois !

- Je m'en souviens, se contenta-t-il de répondre, d'un ton posé.

Peut-être ne s'était-elle pas attendue à tant de froideur car un rictus étira les lèvres de la sirène. Relevant le menton, faisant mine d'admirer ses griffes, elle ronronna, avec la même langueur qu'une charmeuse de serpent :

- Tu viens achever ce que tu as commencé lorsque nous nous sommes retrouvés pour la première fois, beau marin ?

Avec raideur, Erik acquiesça. Sa parfaite maîtrise de ses gestes et de ses émotions dissimulait à merveille ses tourments intérieurs. Il les étouffait tant et si bien qu'ils ne pourraient en aucun cas venir l'empêcher d'enfin accomplir ce qu'il aurait dû faire depuis longtemps.

- Et tu penses en être capable ?

- J'ai appris de mes erreurs, se borna-t-il à répondre, conservant son calme.

Malgré la situation déplorable, sa détermination était certaine et il était résigné à faire son devoir.

- Vraiment ? le nargua-t-elle, penchant la tête sur le côté.

- C'est fini Mer. Il n'y a plus d'espoir de rédemption...

- Dans ce cas, cela ne te dérange pas si je fais ça.

Elle esquissa le geste d'enfoncer la lame dans son cœur. Bien malgré lui, le faucheur eu un geste pour l'en empêcher. S'arrêtant in-extremis, elle éclata d'un rire mauvais, mordant, avant de persiffler, vénéneuse :

- C'est bien ce que je pensais... Tu as laissé passer ta chance, mon amour !

D'un geste provocateur, elle relança le couteau au pied de l'immortel. Ce dernier tinta contre la pierre, dans un bruit métallique sourd. Erik eu l'impression qu'à ce geste, son cœur pesa soudain bien lourd dans sa poitrine. Le son se répercutait encore et encore dans son esprit. Telle la cloche qui venait de signer une condamnation sans espoir. Leurs destins étaient scellés.

Lentement, le faucheur se pencha pour ramasser le poignard. Du pouce, il caressa les runes gravées sur le manche. Les dieux qu'il vénérait à l'époque n'avaient pas su protéger son royaume. Désormais, il ne pouvait compter que sur la Mort.

- Cette fois-ci, Mer, il ne faudra pas compter sur l'amour pour te sauver.

- Ne t'en fais pas Erik, je ne compte plus sur lui. Grâce à toi, j'ai ouvert les yeux. Les faucheurs ne peuvent aimer. Tout ce qui provient de la Mort en est incapable.

Les Faucheurs III - Chant MortelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant