Bien loin du manoir des faucheurs, bien loin des terres, dans les profondeurs des océans, le silence régnait, lié à l'obscurité. Peu de lumière parvenait à traverser la masse immense d'eau, et cette lumière se perdait bien avant d'atteindre le fin fond des abysses. La vie, ici, était cruelle, froide. Les rares êtres vivants, des poissons tous plus terrifiants les uns que les autres s'écartaient sur le chemin de la véritable prédatrice de ces profondeurs.
Meredith, sa longue nageoire aussi noire que le charbon ondulant dans l'eau, s'enfonçait toujours plus profondément, loin de la surface et du monde humain.
Le froid de l'océan s'était emparé de son cœur et de son corps alors qu'elle abandonnait peu à peu la moindre trace d'humanité pour redevenir le monstre qu'elle était. Un sourire sur les lèvres, elle ne cachait pas sa fierté face à cette première victoire.
Elle avait pu revoir Erik. Et se sortir vivante de cette entrevue. Mieux encore, elle avait réussi à susciter plus que de la haine chez le Faucheur. Elle exultait rien qu'à l'idée de reprendre ce petit jeu avec lui. Un jeu tordu, malsain... Mais par la Lune, qu'elle aimait ce jeu !
Bientôt, elle atteignit une forêt de varech. Les algues montaient si haut et étaient tant épaisses qu'elles semblaient être un filet destiné à piéger quiconque s'y perdrait. Mais Meredith ne le craignait guère. L'ex amante du Faucheur était habitué à ce « bois aux sirènes » comme il était souvent considéré, en comparaison aux bois aux sorcières sur la terre-ferme. C'était son chez-elle. Son repère. Et il n'y avait rien de mieux que ces étranges lianes pour dissimuler les crimes de son espèce. Sans la moindre crainte, elle s'y enfonça, disparaissant entre les goémons. Dissimulé sous cet amas végétal sombre, de nombreuses épaves se dressaient, vestiges de leurs repas passés. Des épaves de navires datant de bien diverses époques. Ils se dressaient là, tels des fantômes éventrés, servant d'abris aux plus sinistres créatures de l'océan...
« Melissandre, Morgane, Maureen, Megane, Marina, Melusine, sortez tout de suite de votre cachette ! ordonna sèchement la sirène, l'eau portant l'amertume de sa voix à travers toute la forêt de varech.
Un instant, il n'y eu aucun mouvement, comme si les paroles de la créature de la Lune était tombée dans le vide des abysses. Soudain, les varechs s'agitèrent, balancés par les remous de l'eau. Puis ils s'écartèrent, laissant se dévoiler, petit à petit, venu des profondeurs, une sorte de clairière de sable noir et de roche. Et c'est là qu'apparurent six autres sirènes, les six sœurs de Meredith, filles de l'Océan et servantes de la Lune.
Elles se ressemblaient toutes, la peau grisâtre, une chevelure obscure flottant autour d'elles, tantôt tressée, tantôt ornée de perles ou de coquillages, tantôt laissée aussi libre que le vent et les courants marins. Quant à leurs yeux jaunes, ils luisaient dans la pénombre des abysses.
Elles étaient toutes aussi effrayantes que leur aînée, se partageant cette apparence maléfique, monstrueuse et fascinante. Sauf peut-être la dernière, Melusine, dont les traits étaient marqués d'une étrange beauté et d'une insolente candeur, en un véritable appel à une luxure à laquelle personne ne pouvait résister.
Six paires d'yeux étaient désormais posées sur celle qui était leur aînée, droite et fière, au milieu des immenses algues qui montaient sur des mètres, tels des serpents vicieux.
— Notre sœur est de retour... ricana l'une d'elle, Marina, sortant des ténèbres.
— Notre sœur semble agitée, renchérit une autre, Megane.
— Notre sœur a revu son beau prince ! minauda Melissandre, dissimulée derrière le varech.
Le sourire de la sirène était fourbe, railleur. Seconde dans cette sororité, elle était la plus maline de toutes, et peut-être la plus sournoise également. Toisant sa sœur, Meredith balaya les fonds marins de sa nageoire, éparpillant les ossements qui y trainaient, mais ne répondit pas à la provocation de sa cadette. Ce fut une autre de ces viles séductrices qui rétorqua :
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Les Faucheurs III - Chant Mortel
Paranormal- Ceci est le troisième tome de la saga des Faucheurs. Bien qu'il puisse normalement se lire indépendamment, il est conseillé d'avoir lu les deux tomes précédents - On dit que le chant des sirènes est un poison qui s'infiltre en nos êtres pour nous...