Chapitre 15. I.

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« La petite sirène écarta le rideau de la tente, et elle vit la jeune mariée endormie, la tête appuyée sur la poitrine du prince. Elle s'approcha d'eux, s'inclina, et déposa un baiser sur le front de celui qu'elle avait tant aimé. Ensuite elle tourna ses regards vers l'aurore, qui luisait de plus en plus, regarda alternativement le couteau tranchant et le prince qui prononçait en rêvant le nom de son épouse, leva l'arme d'une main tremblante, et... la lança loin dans les vagues. Là où tomba le couteau, des gouttes de sang semblèrent rejaillir de l'eau. La sirène jeta encore un regard sur le prince, et se précipita dans la mer, où elle sentit son corps se dissoudre en écume. »

Hans Christian Andersen – La petite sirène.

*

Les cris des mouettes résonnaient dans l'air marin, de concert avec le bruit des vagues. Une bulle de sérénité semblait toujours entourer cette minuscule plage située à la bordure de la forêt, entre deux falaises.

De retour sur la petite crique, Erik tentait de réparer son navire. La tâche était ardue et prendrait du temps. Mais il était hors de question pour lui de laisser La Lorelei dans un tel état. Il s'était afféré autour de l'embarcation toute la journée, bien décidé à avancer le plus possible. Bien évidemment, il lui faudrait plusieurs jours pour la remettre en état. La coque avait été brisée et de nombreux objets abîmés. De plus, il fallait du bois pour réparer le bateau.

Le faucheur avait délaissé les vêtements de traque officiels pour enfiler un t-shirt blanc large, bien plus pratique pour les larges mouvements qu'ils exécutaient. Ses gestes étaient maîtrisés, précis et il travaillait avec calme. Il ne comptait plus le nombre de fois où après une chasse, l'embarcation avait été endommagée.

Polissant des lattes de bois, son regard dérivait parfois vers Meredith qui l'avait accompagnée et qui l'observait faire en silence, à moitié immergée dans l'eau, avant de disparaître entre les vagues. Il s'autorisait parfois des pauses où il observait la fascinante créature, en osmose avec l'eau alors qu'elle laissait son immense nageoire de sirène émerger, faisant luire ses écailles de suie au soleil. Lorsqu'elle était sous cette forme, Erik ne pouvait qu'admirer la sensualité que dégageait la tueuse des mers. S'il haïssait les monstres marins et surtout les sirènes, il devait reconnaître que Meredith rayonnait plus que jamais lorsqu'elle révélait sa véritable nature.

Alors que le soleil se couchait, lentement, il délaissa son œuvre, la fatigue se pointant. Il avait travaillé tout le jour durant. Erik passa une main sur son front, dégageant ses mèches brune collée à sa peau avant de rejoindre la sirène qui fixait l'horizon, assise sur le rivage, ayant revêtue une forme humaine. L'écume des vagues venait chatouiller ses pieds alors que des écailles apparaissaient de temps à autre sur son corps. Devant elle, l'étendue d'eau se parait des couleurs de l'aurores, mélanges de rouge et de doré, en un spectacle fascinant dont personne ne pouvait jamais de lasser.

Alors qu'il s'asseyait à côté d'elle, Meredith rompit le silence, sans qu'il n'ait besoin de dire quoique ce soit :

« Lorsqu'on est une sirène ou n'importe quelle autre créature marine, l'océan est une partie de nous. Nous vivons grâce à lui. Nous sommes lui et il est nous. Les mystères de ses profondeurs nous sont connus, il n'a pas de secrets pour nous.

Erik esquissa un sourire. Il comprenait la vision de la sirène. Sa voix rauque faisant vibrer sa poitrine, il entreprit d'expliquer son propre lien avec l'océan.

— Je suis un marin. Mon peuple parcourait les mers dès la fin de l'hiver, dès que la glace fondait. Les raids d'été étaient l'occasion de découvertes incroyables mais rien ne surpassait la sensation de voguer sur les flots, du drakkar défiant les éléments. Et les dieux qui veillaient sur nos entreprises...

Les Faucheurs III - Chant MortelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant