La première perception tangible qui m'atteignit fut la chaleur de Dravenn sous moi, et les contours durs de son corps. Nous n'étions pas morts, et le bâtiment ne s'était pas effondré. Cette journée était plutôt bien partie, tout compte fait.
Je me redressai difficilement, le monde tanguait. Pourtant, Dravenn avait protégé mes oreilles, cela aurait dû atténuer les effets de la secousse. Et lui ? réalisai-je. Rien n'avait protégé les siennes. Je tâtonnais à la recherche de son visage. Mes doigts effleurèrent sa joue rendue légèrement rugueuse par une barbe naissante. Il tourna la tête pour tousser, et je sentis sa main remonter vers son visage pour couvrir sa bouche et son nez, comme s'il se protégeait d'une odeur déplaisante. Je commençai à reprendre mes esprits et me redressai pour ne plus peser de tout mon poids sur lui.
— Dravenn ?
— Tout va bien. Il faut évacuer l'immeuble, Azthar. C'était une bombe au gaz.
Je ne sentais rien, mais même les gaz les plus mortels pouvaient être totalement inodores. Et puisque les murs étaient intacts, que nous n'étions pas blessés, et que nos organes internes n'avaient pas implosés, la bombe au gaz était l'explication la plus plausible, Dravenn avait l'esprit vif.
Je me relevai et l'aidai à faire de même. Au moins, sa mauvaise humeur passagère semblait être retombée. Dans le couloir, plusieurs portes s'ouvrirent.
— Milice ! Evacuez l'immeuble, ordonna immédiatement Dravenn aux gens inquiets qui nous scrutaient depuis leurs paliers. Protégez les éromènes des émanations et sortez en empruntant les issues de secours !
Le générateur d'urgence venait de s'enclencher et la lumière revint dans l'étage. Au même instant, nos renforts arrivèrent par les escaliers d'urgence. Les habitants se précipitèrent dans le couloir en se couvrant la bouche et plusieurs miliciens les guidèrent.
On nous donna des masques, à Dravenn et moi, pour éviter de respirer les gaz et nous fîmes sortir les civils aussi rapidement que possible. Une équipe alla s'assurer qu'il n'y avait pas d'autre bombe dans l'appartement. Ce qui était certain, c'était que notre criminel ne s'y trouvait pas.
Une vingtaine de minutes plus tard, le bâtiment avait été évacué, nous arrivâmes dans la rue baignée de soleil et je réalisai pour la première fois l'ampleur du désastre. Les fenêtres de l'appartement où la bombe avait explosé avaient volé en éclat, et le gaz, apparemment très volatile, s'étaient répandu dans la rue. Des équipes médicales transportaient des éromènes sur des civières. J'aperçus un jeune homme qui se tordait au sol comme en proie à une douleur affreuse, les érastes qui se trouvaient autour de lui étaient impuissants et désemparés. Il y avait des cris de panique, des ordres de boucler le périmètre étaient hurlés par Qeithar, déjà arrivé sur les lieux, et plusieurs vaisseaux de renforts arrivèrent.
Dravenn et moi avions été les plus proches de la bombe pourtant, et nous allions bien, comme était-ce possible ?
— Azthar, Dravenn ! s'exclama le chef de la Milice en nous voyant. Je suis soulagé de vous voir ! Vous n'avez rien ?
Il regarda Dravenn avec insistance, puis me frappa l'épaule dans un geste amical qu'il se permettait rarement.
— L'équipe scientifique vient de déterminer que le gaz était hautement volatile et qu'il touchait seulement les éromènes. Il provoque des crises extrêmement violentes, nous en sommes déjà à vint-deux éromènes en état grave.
Deux miliciens passèrent en portant un homme qui se débattait et hurlait.
— Vingt-trois, soupira-t-il. Cette affaire est bien plus grave que ce que nous pensions, il ne s'agit pas d'un crime isolé, je pencherais plutôt pour une organisation terroriste.
VOUS LISEZ
Les Confins - 1. Dysis
Science FictionAzthar est lieutenant dans la Milice de Dysis. Il vit seul, a plus d'amants par semaine que d'heures de sommeil par nuit, et fantasme secrètement sur Dravenn, son collègue. Dravenn, lui, protège un secret bien plus inavouable et reste prudemment à l...