Après la réunion désastreuse du matin, et près de dix heures passées à lire des rapports, écouter des rapports, regarder des captures holo expliquant le détail de rapports, j'avais une migraine carabinée et une envie folle d'attraper Dravenn, de le renverser sur mon lit, et de m'endormir sur lui. Même mes fantasmes étaient déprimants...
Malheureusement, le travail était loin d'être terminé et nous aurions pu rester là trois jours sans venir à bout de toutes les informations qui nous arrivaient des différents organismes ayant rejoints l'enquête. Nous n'avions jamais collaboré avec autant de personnes en même temps et nous étions littéralement submergés.
Vers dix-huit heures, l'accueil des locaux réservés aux usagers nous fit appeler, Dravenn et moi. Je fus ravi de cette distraction et de cette occasion de nous dégourdir les jambes, jusqu'à ce que j'aperçoive les parents de Béryl dans le hall. Dravenn jura entre ses dents. Les deux hommes nous agonirent d'insultes, puis nous accusèrent d'avoir enlevé leur fils et de leur avoir menti. La deuxième partie était vraie.
― Je ne faisais que protéger la volonté de votre fils, dit platement Dravenn.
Le père éromène de Béryl éclata de fureur et réclama de voir son fils. Ma compassion pour ces parents terrifiés s'arrêta là, parce que je compris qu'aussitôt que nous leur aurions permis de retrouver Béryl, ils le feraient marquer. Dravenn était prêt à s'engager dans une longue discussion avec eux pour les apaiser et les convaincre d'attendre. Moi j'avais épuisé mes ressources de patience et je les fis reconduire à la sortie par des miliciens après leur avoir rappelé que leur enfant était majeur et refusait de les voir pour l'instant.
Ils seraient bien assez satisfaits s'il n'y avait finalement pas de remède et qu'il fallait marquer Béryl. Leur état d'esprit sapait ma compassion.
Au moment où nous fûmes débarrassés du problème, qui ne se laissa pas mettre à la porte si facilement, on nous réclama de toute urgence dans le bureau de Qeithar. Dravenn parvenait à maintenir sur son visage un masque de contrôle et de calme tout professionnel – impressionnant dans cette situation – que je ne pouvais pas du tout imiter. Je devais ressembler à n'importe quelle grosse brute à bout de patience, fatiguée et énervée.
Cependant, lorsque nous arrivâmes dans le bureau de Qeithar, je compris que j'allais devoir encore prendre sur moi. Plusieurs personnes que nous avions vues à la réunion du matin arrivèrent en même temps que nous, le général Zedrac nous précéda et échangea un regard appuyé avec Qeithar.
Dans le bureau, l'opacité des fenêtres avait été réglée au maximum, plongeant la pièce dans le noir, et contre le mur du fond était projetée une chaîne publique, reconnaissable à son sigle. L'image, cependant, ne ressemblait en rien à une émission officielle.
― Quelqu'un revendique l'attentat ? murmurai-je.
Qeithar hocha la tête.
― C'est sur toutes les chaînes.
Dans la très courte expérience que nous avions sur Dysis des cas de grand banditisme, les enregistrements holographiques des criminels étaient envoyés directement à la Milice qui décidait ou non, avec l'accord du gouvernement, de les diffuser. Pirater toutes les chaînes publiques était un tour de force qui révélait les moyens d'une grande organisation ainsi que la volonté d'être vus et entendus par chacun.
Des images officielles de l'attentat de la veille apparurent à l'image alors qu'une voix de synthèse parlait, je pris le discours en route :
― ... les attentats dont ont souffert les éromènes au cours des jours précédents. Ce drame humain sans nom, nous l'espérons, sera le dernier de notre temps. Aussi barbares qu'aient été nos actions, elles étaient malheureusement nécessaires. La souffrance révoltante à laquelle vous avez tous pu être témoins, n'est qu'un infime fragment de l'immense injustice subie par les éromènes, chaque jour, au sein de chaque clan et dans l'intimité de chaque foyer.
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Les Confins - 1. Dysis
Ciencia FicciónAzthar est lieutenant dans la Milice de Dysis. Il vit seul, a plus d'amants par semaine que d'heures de sommeil par nuit, et fantasme secrètement sur Dravenn, son collègue. Dravenn, lui, protège un secret bien plus inavouable et reste prudemment à l...