PROLOGUE

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     L'été touche à sa fin. Eliott Fernandez s'apprête à quitter l'Espagne pour terminer son lycée en France.

Eliott veut tout. Il veut tout reprendre de zéro. Il a choisi la France parce que c'est là qu'il est né. Mais Eliott ne s'explique pas vraiment son besoin d'exil ; d'où lui vient cet instinct, cette envie du retour, lui qui a toujours avancé, qui ne revient jamais sur ses pas.

Renaître, revoir.

Avec son teint halé et ses traits méditerranéens, Eliott semble tout droit sorti d'une tragédie grecque. Les gens lui trouvent un certain charme la première fois. Mais Eliott semblait agir comme s'il ignorait tout ce qui pouvait se dire. Au fond, tout cela l'importe peu.

    Eliott avait toujours été doté d'un naturel observateur et réservé, sans tomber dans la timidité maladive, et arborait une certaine confiance. A dix-huit ans, il possède un corps élancé et athlétique. La plupart du temps lorsqu'il les laissait pousser, les mèches de ses cheveux blonds coiffés vers l'avant assombrissaient ses yeux - des yeux bleus et profonds comme une mer.

Durant toute sa vie, il avait été obligé de suivre ses parents aux quatre coins du monde : Bogota, Oslo, New-York.

Une vie de voyages.

Ces deux dernières années à Madrid avaient été très difficiles. A part Nadia, Eliott ne s'était rapproché de personne. Lui qui s'était toujours plutôt bien adapté, s'était comme retourné sur lui-même... Il avait rencontré Nadia au début de la Première. Eliott ne savait pas comment définir ce qu'il y avait eu entre eux. Nadia... Celle qui lui avait tenu la main au bord du précipice, lorsque personne n'était là, celle qui l'avait tiré de sa dépression. Même s'ils avaient couché ensemble quelques fois, il n'éprouvait rien de plus qu'une immense affection pour elle. Elle était devenue sa confidente, sa muse quelques fois, lorsqu'elle acceptait de passer sous son objectif. Depuis quelques années, Eliott était passionné par la photographie. Il rencontrait même un certain succès sur internet depuis quelques mois...

Maintenant qu'il avait pris sa décision de partir, il n'arrivait pas à réaliser qu'il allait enfin quitter ses parents pour habiter en collocation dans sa ville natale. Un petit appartement - quatrième étage sans ascenseur - situé au coin de la rue des Antiquaires, non loin de son nouveau lycée. Cette indépendance durement acquise lui paraissait complètement surréaliste. Il ne connaissait ses colocataires que de noms : Alma et Solal. Eliott ne s'attendait pas à grand chose, il verrait bien. Sa candidature pour le Lycée Beauvoir avait finalement été accepté, mais personne n'était vraiment surpris. Élève trilingue, tête de classe depuis le collège, fils d'expatriés, Eliott avait toujours été assez brillant. L'établissement privé était connu pour sa culture de l'excellence et son niveau d'exigence était de notoriété publique. L'élitisme à la française dans toute sa splendeur. Il n'y pensait pas encore. Aux yeux d'Eliott, ça n'était qu'un défi de plus qu'il avait hâte de relever. La rentrée arrivait à grands pas et le Bac avec elle qu'il allait devoir passer à la fin de l'année.

Eliott ouvrit les yeux lentement, ébloui pas le soleil. Il s'était assoupi. Il a négligemment laissé tombé sa tête dans sa main, son bras accoudé au hublot de l'avion. Le jeune homme s'était longtemps demandé s'il était possible qu'un cœur "ne pèse rien". S'il était possible d'ignorer tout affect, de se couper de tout sentiment. Parfois il se trouvait trop dur envers lui-même. C'était dans ces moments-là, où il se voyait de l'extérieur, comme ça, oeuvrer à sa propre destruction, qu'Eliott souffrait le plus. Il va bientôt atterrir... Ce voyage, c'est pour enrayer le disque, déjouer le sort auquel il s'est lui-même condamné...

Un second souffle.

L'INCORRUPTIBLEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant