11. L'ESCALE

33 6 7
                                    


Samedi
10h16

    C'était la fin. Eliott l'a ressenti alors qu'ils se rendaient au café. La soirée était finie, pour de bon. Ses cheveux blonds étaient en pagaille, l'odeur du tabac froid et de l'alcool semblait lui collait à la peau - ses articulations rouillées, la voix cassée... Un épuisement étonnamment satisfaisant. Eliott sourit, sans trop savoir pourquoi. Le groupe n'avait pas échangé un mot depuis qu'ils étaient sortis de la propriété de Gabrielle. Son regard passa des uns aux autres, jusqu'à croiser celui de Solal, qui lui sourit à son tour, d'un regard entendu. Même lui avait arrêté de parler, ce qui n'était pas habituel. Il se remémora le moment où il les avait retrouvé, avec Camille, complètement déchirés dans le salon. C'était con.

    Ils arrivèrent devant la terrasse du café. Pas un chat à l'horizon.

« L'Escale ». Ce nom lui plaisait bien.

Le petit groupe s'installa en cercle sur la terrasse, autour de quelques tables, puis commanda. Solal ne put s'empêcher de faire les choses à sa manière et prit une bière, à la surprise - et au dégoût - du groupe. « Évidemment », pensa Eliott. Il n'y avait que lui pour faire ça.

- Oh ça va, au point où on en est ! Éluda Solal face à l'expression répréhensive qu'affichait Gabrielle.

    La serveuse arriva finalement avec 4 tasses de café, une pinte de bière, et un verre de jus de fruit, des pancakes et une barquette de frites. Gabrielle roulait une cigarette sur la banquette, légèrement en marge, l'air anxieuse, ce qui n'échappa pas au regard d'Eliott. Elle avait mis une veste de costume sur ses épaules, sans en enfiler les manches. Le blond essayait de ne plus penser à ce qui s'était passé la veille sur la terrasse. Ils verraient bien.

- Tu veux rien, Gab ? Demanda Sophia, l'air soucieuse, en passant sa main autour de l'épaule de son amie, préoccupée par son état proche de la léthargie.

- Non t'inquiètes ça va meuf, vraiment, c'est juste... Je peux rien avaler là, dit-elle en passant ses mains sur son visage, épuisée.

    La réunion était improbable. Aussi étrange que chaleureuse, en fin de compte. Personne n'aurait parié sur ces six-là et pourtant... Ils n'étaient pas gênés. Entre deux gorgées de café, Eliott complimenta Sophia pour sa prestation de la veille. Du groupe, elle était celle qu'il connaissait le moins. Elle lui faisait un peu penser à Gabrielle, dans son assurance et sa façon de maintenir le regard, détail auquel il prêtait toujours une attention toute particulière.

- Et ça fait combien de temps que vous êtes potes avec Noé ?

Les principaux intéressés se regardèrent, hésitants. Noé sembla repousser la responsabilité de la réponse sur Sophia.

- C'est mon ami d'enfance, expliqua Sophia entre deux gorgées de café.

Eliott lui épargna d'expliciter davantage. Le silence se fit, personne n'ayant réellement la force de meubler la conversation. Sophia retourna finalement la question à Eliott :

- Et toi tu fais quoi dans la vie ?

- Il est dans notre classe à Beauvoir, il est arrivé à la rentrée So', tu savais pas ? L'informa Noé.

Sophia hocha la tête. Un fin sourire se profila aux coins de ses lèvres, tandis qu'elle observait Eliott du coin des yeux. Puis chacun revint sur ce qu'il avait fait durant la soirée. Eliott se rappelait assez mal de la façon dont s'étaient déroulés les évènements. Du reste, il ne lui restait que des bribes de conversations et de danses assez étranges.

- Mais quand même, vous l'avez pas trouvé un peu bizarre vous cette sangria ? Leur intima Camille. J'suis sure que quelqu'un s'est amusé à mettre un truc dedans, je vois que ça.

- C'est possible, dit Gabrielle qui semblait reémerger. Y'a toujours quelques inconnus qui réussissent à s'infiltrer dans mes soirées.

Le regard d'Eliott croisa le sien. Celle-ci détourna la tête promptement, passant une main dans ses cheveux de soie, l'air de rien.

Fuite en avant.

Le ventre d'Eliott se serra. Une douleur lancinante, inexplicable, lui parcourut le corps. Son cœur s'emballait, tandis qu'il sentait fleurir en lui des sentiments qu'il avait oublié depuis longtemps.

L'INCORRUPTIBLEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant