9. EUPHORIA

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- C'est bien moi, répondit-il.

Sa voix. Il avait oublié la voix de Gabrielle. Son timbre brisé, son assurance désarmante. Une voix froide, prête à geler.

- Tu profites de ta soirée ? Dit-il un peu plus fort pour se faire entendre malgré la
musique.

Gabrielle le fixait, scrutatrice, consumant le joint qu'elle avait dans la main, une ébauche de sourire au coin des lèvres, avant de le tendre à Eliott qui accepta.

- Plus ou moins, sourit-elle en le regardant fumer.

- Pourquoi ? S'enquit-il en fronçant les sourcils. Tous tes potes sont là non ? J'ai croisé Camille tout à l'heure.

Gabrielle se leva du siège où elle était assise, vêtue d'une robe d'un blanc immaculé, à l'image de sa peau diaphane. Elle ralluma le joint qu'Eliott venait de lui rendre. Bien qu'elle se trouva juste sous ses ses yeux, la réalité de Gabrielle demeurait impalpable.

- Pour être tout à fait honnête ce genre de soirée me fait royalement chier, éluda-t-elle
d'un ton empreint de lassitude et de tristesse.

- Tes parents ne sont pas là ?

- Ma mère est à l'hôpital et mon père en voyage... répondit-elle en écrasant le joint dans un gobelet de la terrasse.

Eliott y voyait un peu plus clair. Il n'osa pas lui poser de questions à propos de l'hospitalisation de sa mère.

- Il croit qu'il peut m'acheter avec son argent. Il croit qu'il peut acheter tout le monde,
qu'il peut m'acheter moi, lâcha-t-elle, désabusée, presque pour elle-même.

- Ton père ?

Gabrielle le fixa presque aussitôt. « Solal a dû lui en parler » pensa-t-elle. La jeune fille se contenta d'un sourire amusé, avant de porter son verre ses lèvres, insondable. Il ne savait pas si c'était parce qu'il avait déjà connu des gens comme ça par le passé, ou parce que l'effet de la drogue commençait à faire son effet, mais Eliott pouvait voir Gabrielle danser au-dessus d'un vide absolument immense. La jeune fille tourna son regard vers le parc de la propriété, certainement à la recherche d'un quelconque absolu qui eut le pouvoir de tromper son ennui. Au fond, Eliott songea que des années-lumière le séparait de cette fille.

Indéchiffrable.

Au fond, il ne la connaissait pas et elle non plus. Et pourtant Eliott avait l'impression de déjà la connaître. En un sens, oui, il comprenait. Soudain, les yeux de Gabrielle se reposèrent sur les siens, et il lui sembla qu'elle ne l'avait encore jamais vraiment regardé de cette façon. Son cœur se resserra malgré lui.

- J'ai vu ce que tu faisais. J'aime bien.

- Ce que je fais ? Répondit Eliott sans comprendre où elle voulait en venir.

- Tes photos..., dit-elle en finissant son verre d'une seule traite, continuant à le regarder
du coin de l'œil.

- Merci.

Un sourire gêné germa au coin des lèvres d'Eliott, ses mèches blondes se baladant sur son front balayées par le vent. Il alluma une énième cigarette, abritant la flemme du briquet de la brise estivale avec la paume de sa main, certainement pour reprendre un peu de contenance.

- Et je suis où moi dans tout ça ? demanda-t-elle, une impertinence adorable gravée sur son visage, les yeux incandescents.

C'était la première fois qu'elle le faisait rire.

- Comment ça, « je suis où » ? dit-il faisant mine de ne pas avoir compris.

Un bref moment de latence s'écoula. Gabrielle rit à son tour, le regard espiègle.

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