3. NOÉ EVANS

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    Le lundi de la rentrée des classes arriva presque tout de suite. Les Terminales du lycée Beauvoir étaient « priées de se rendre dans le hall de l'établissement à 8h00 » pour la découverte de leurs classes, suivie de la sempiternelle présentation de rentrée. Eliott fit ce premier trajet en compagnie de Solal dont le changement d'attitude le surpris un peu. Loin d'avoir perdu en enthousiasme, celui-ci lui parut plus sérieux. Comme s'il s'était volontairement mis une gifle mentale pour se mettre dans la peau de l'étudiant studieux. Pour cette rentrée, Eliott avait coiffé ses cheveux comme d'habitude, avec une raie au milieu, laissant retomber ses mèches blondes sur les coins de son visage. Il portait son collier favori, au bout duquel était accroché une pièce d'argent sur laquelle on avait sculpté, dans une demi-lune, un angelot, carcan sur le dos, brandissant un arc muni d'une flèche. Encore plus qu'à l'accoutumée, le jeune homme était aussi attirant qu'élégant, vêtu d'un pantalon gris, et de sa veste en jean bleue ciel ouverte sur un tee-shirt blanc. L'insupportable beauté des gens qui ne savent pas à quel point ils le sont. Une beauté qui ne veut rien, une beauté qui se regarde. C'est ce que Solal pensa ce matin-là, en voyant Eliott marcher à ses côtés, comme si de rien était.

     Après avoir péniblement gravi les escaliers de la colline du Parnasse, ils arrivèrent devant la porte imposante du lycée Simone de Beauvoir. Une porte rouge, immense, comme l'entrée d'un temple grec, au fronton imposant où se lisait l'inscription « Sapere aude ». Comme si la façade les eût défié du haut de sa grandeur, prête à les écraser. Dès qu'il en franchit le seuil, Eliott ne put que s'émerveiller face à la splendeur du lieu. Une cour carrée faisait face à l'entrée, entourée par un préau soutenu par des colonnes de marbres, et coupée en croix par des chemins pavés la divisant en quatre petits jardins jonchés de fleurs. La statut d'un homme en dominait le centre, dont il reconnut presque immédiatement le visage familier de Victor Hugo, semblant fixer de ses yeux les élèves attroupés en masse autour de la cour. Eliott était tout simplement ébloui par l'architecture ancienne du lieu, ne sachant plus très bien s'il se trouvait dans un monument historique ou dans son nouveau lycée. A la vue de son colocataire désorienté, Solal l'attrapa par l'épaule pour le guider jusqu'à ce qui semblait être le hall principal du lycée. Ils rejoignirent alors l'ensemble des élèves regroupés face à un impressionnant escalier de marbre qui se divisaient ensuite en deux escaliers qui partaient à droite et à gauche. De tous les lycées qu'il avait vu de sa vie, Beauvoir était sans aucun doute le plus majestueux d'entre tous. Il ne prêtait pas attention aux autres élèves, trop captivé par la richesse des détails des plafonds et des murs de la bâtisse qui semblait avoir bien vécu. Eliott réalisait seulement maintenant la chance qu'il avait d'avoir été pris dans ce lycée. Il réalisait d'autant plus, en observant tous ces lycées qui semblaient tous plus talentueux et intelligents les uns que les autres, ce que représentait réellement le prestige associé au nom de Beauvoir.

- Podrías haberme dicho que recibí mi carta para Poudlard, marmonna Eliott en
rêvassant, sans vraiment réaliser qu'il avait parlé espagnol, ce qui provoqua l'hilarité de Solal qui essayait de leur frayer un chemin vers le tableau où figuraient les listes des classes.

- Je crois qu'on est dans la même classe mec, annonça Solal en regardant Eliott avec un regard rempli d'étincelles. Décidément, on ne se quitte plus Fernandez ! dit-il sur un ton irrésistiblement drôle et qu'Eliott connaissait déjà par cœur.

- Carré ça ! Répondit ce dernier en claquant sa main d'un geste complice.

Solal demeura un instant les yeux rivés sur la liste des noms de leur classe, la TL3, sans doute pour voir s'il en connaissait certains. Ils montèrent ensuite les grands escaliers de marbre du hall et tournèrent du côté gauche. Eliott suivit Solal comme son ombre, qui connaissait les lieux comme sa poche, s'arrêtant çà et là pour saluer des connaissances.

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