l'emprise des sens

Chapitre 10

Cassandre

— Alors, comment ça s'est passé ?

En m'asseyant sur le lit pour retirer ces escarpins qui me broient les pieds, je fais un rapide check up de ma soirée, afin de répondre à Samantha, assise sur son lit, les yeux lourds de fatigue. Je dois avouer que j'ai apprécié ces quelques heures passées avec Nathan. C'est un homme très intéressant qui a su me mettre à l'aise rapidement, me faisant oublier que je n'étais qu'une simple escorte d'un soir. Il me faut rajouter "cultivé" à la liste de  ses innombrables qualités, notre  conversation a été des plus enrichissantes. Non seulement, il m'a présenté à quelques personnes influentes de la ville, mais il m'a également parlé de son travail avec énormément de passion. Par dessus tout, il possède un charme indéniable qui a fait son petit effet sur ma gentille personne. Rien de comparable avec ce que je ressens pour Julian, mais il sait comment user de ses atouts pour éblouir son entourage, en particulier les femmes qui semblent lui manger dans la main.

— Alors ? insiste-t-elle en me voyant cogiter.

— Ça a été ! lancé-je évasivement.

— Tu as passé la soirée avec l'un des célibataires les plus en vue de toute la ville et tu me sors un simple "ça a été".

Elle se cale davantage contre son oreiller, un mouchoir en papier entre les mains et me lance un regard surprit en attendant que je lui détaille avec plus de conviction cette soirée.

— Tout s'est bien passé, la rassuré-je en me tournant vers elle. Nathan m'a proposé de me revoir demain soir, ou plutôt ce soir.

Un coup d'œil vers  l'horloge posée sur la table de chevet m'indique que la nuit est déjà bien entamée.

— Nathan ? s'exclame-t-elle en se redressant légèrement, les lèvres pincées.Tu l'appelles par son prénom ?

— C'est lui qui a insisté. On dirait que ça te choque ?

— Non ! Pas du tout ! C'est juste que je ne...enfin bref, laisse tomber ! affirme-t-elle en reniflant une énième fois. Fais attention quand même !

Son ton soudain plus maternel me donne la chair de poule. M'aurait-elle caché certains détails appréciables dont j'aurais dû avoir connaissance, avant de m'embarquer dans cette histoire ?

— Qu'est-ce que tu veux dire par là ? interrogé-je d'un air suspicieux.

— Rien voyons ! répond-t-elle avec un certain agacement. Tu ne connais pas encore toutes les ficelles de ce métier alors ne te laisse pas manipuler, c'est tout. Certains hommes pourraient profiter de ta naïveté.

Gênée de l'insistance avec laquelle mes yeux la fixent, elle détourne le regard. Je voudrais bien qu'elle me développe l'expression "profiter de ma naïveté", mais je sens qu'elle perd patience. Consciente qu'elle a veillé une bonne partie de la nuit pour attendre mon retour alors qu'elle est souffrante, je décide de me taire et de garder mes questions pour le lendemain.

— Vas te démaquiller ! Tu  trouveras tout ce qu'il te faut dans la salle de bain.Je t'ai préparé un pyjama. Allez dépêche-toi un peu, il est presque deux heures du matin et je suis crevée, conclue-t-elle durement en me voyant lascive sur le lit.

J'obtempère sans discuter, de toute façon, je n'obtiendrais plus rien d'elle. Ereintée par ma soirée, j'ôte à l'aide d'un disque en coton, le maquillage dont Louna m'a gentiment enduit, et qui m'a embellit pendant quelques heures. Je passe le pyjama en soie posé sur la chaise puis, à bout de force,  je m'allonge à côté de Samantha qui me tourne le dos, coupant court à toute ébauche de dialogue. De toute façon, je suis bien trop fatiguée pour entamer n'importe quel sujet de conversation. Mes paupières ne tardent pas à cligner lentement, m'emmenant au pays des rêves où un garçon vêtu d'une chemise noire m'attend patiemment, un sourire charmeur sur les lèvres.