Chapitre 11

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Cassandre

— Tu es éblouissante !

Le regard appréciateur qu'il m'offre en détaillant ma silhouette me fait rosir les pommettes, puis lorsque ses lèvres effleurent le bout de mes doigts, ma respiration marque un léger temps d'arrêt. Je lance un timide "merci" avant de prendre place dans la voiture, les jambes en coton. Pourquoi me fait-il cet effet là aujourd'hui ? Sans doute parce que cette soirée, je l'ai accepté de mon propre chef, sans pression extérieure et qu'elle ressemble maintenant à un vrai rendez-vous. Légèrement tourné vers moi, la bouche étirée en un sourire des plus charmeurs, Nathan ancre ses yeux d'un bleu profond dans les miens.

— Comment vas-tu ? demande-t-il d'une voix grave aux intonations suaves.

— Je vais bien, merci !

Je sens mes joues me brûler davantage quand sa main se pose délicatement sur la mienne.

— J'avais hâte de te revoir.

La gorge sèche, j'avale difficilement ma salive. Je ne sais pas quoi lui répondre, je suis à court d'arguments valables. Je ne peux pas lui dire que moi aussi, j'avais hâte de le revoir car se serait mentir. Il y a quelques minutes à peine, je me faisais encore la promesse de mettre un terme à ces rendez-vous, mais là, à cet instant, alors que ses deux saphirs me fixent, tout vient de basculer. Pourquoi ai-je l'impression que cette rencontre ne sera pas la dernière ? Peut-être est-ce la façon dont il me dévore des yeux ? Peut-être est-ce le charisme qui émane de chacun de ses pores, le cataloguant dans cette catégorie bien précise d'homme sûr de lui et rassurant ? Il me faut maintenant trouver une échappatoire, histoire d'amener la conversation vers un sujet moins troublant pour moi.

— J'ai très envie de découvrir cet artiste, lancé-je enfin d'un air guilleret.

— Moi qui pensais que tu avais accepté cette invitation pour me revoir, je suis déçu.

Sa moue taquine me vole un petit rire qu'accompagne aussitôt le sien. A chaque rencontre, cet homme me fascine et me montre de nouvelles facettes de sa personnalité, dont l'humour fait vraisemblablement parti. Dois-je m'inquiéter de ce qu'il commence à produire sur mes émotions ? Je ne suis pas venue avec la perspective de tomber sous son charme, mais tout se déroule autrement. Prise au dépourvu de ce petit jeu de séduction auquel il s'adonne, je dévie les yeux de son regard insistant pour me concentrer sur l'agitation qui règne autour de moi. Le centre-ville apparaît alors, beaucoup plus peuplé et vivant que le quartier où siège ma fac. Les bars et restaurants débordent de clients, les magasins aux devantures illuminées se succèdent sur cette grande avenue, tandis que les badauds s'amoncellent sur les trottoirs. La voiture stoppe bientôt devant la Galerie d'Art, un grand bâtiment en briquettes blanches et aux fenêtres en aluminium noir. Comme à son habitude, Nathan, en parfait gentleman, me tend la main pour m'aider à sortir de la voiture puis, sa main posée sur le bas de mon dos, il me guide vers l'immense porte en verre. J'essaie de faire abstraction de cette chaleur qui émane de ses doigts, même à travers mon manteau. Je me gronde alors de me laisser envahir aussi bêtement par cette euphorie passagère. Mais bien vite, je reprends bonne contenance lorsque mes yeux se posent sur les dizaines de peinture qui trônent fièrement sur les murs blancs. Mon esprit critique chasse mon laisser-aller et d'un pas assuré, je m'approche déjà d'une série de tableaux en noir et blanc qui attire toute mon attention.

— Qu'est-ce que tu en penses ?

Sans lever les yeux de ces toiles dont j'admire le coup de pinceau, je lui donne mon analyse telle que je la ressens :

— La façon dont il trace ces traits fermes et solides est intéressante. Tu vois cette silhouette qu'on aperçoit dans la composition, c'est une technique qu'on appelle le cadrage. Les motifs géométriques créent du rythme et permettent d'attirer l'attention sur le personnage, expliqué-je tout en désignant du doigt les éléments de la peinture.

l'emprise des sensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant