Solveig Ylgr : Empreintes d'Hiver

Le ventre du loup

Solveig avait les yeux qui la brûlaient. Sur sa feuille blanche, l'encre des mots s'étalait sans discontinue, le tout se floutant à son regard. Une migraine lui battait les tempes, alors que tout son être était contracté.

Un verre que l'on apposait sur son bureau attira son attention. Une main épaisse, un avant-bras musclé, ouvrait le chemin sur le visage d'Ensio.

- Café ?

Solveig bailla sans retenue, tout en se jetant en arrière. Le choc de son dos claquant contre le dossier de son fauteuil, la fit légèrement osciller.

- Il est quelle heure ?

- Vingt-et-une heure.

- Déjà ? Je n'ai pas vu le temps passer...

Hébétée, elle se frotta les paupières, étalant son mascara noir sur sa peau. Quand elle retira ses doigts, une frimousse rougie et froissée de fatigue, fixait Ensio qui la regardait avec attendrissement. Soudain, Solveig écarquilla les yeux, tapa son bureau de ses mains pour se redresser aussitôt.

- Les Heimr ! Je l'ai avait complètement oublié !

Sa précipitation fit trembler la table, sur laquelle le café se serait renverser si Ensio n'avait pas prévu le coup.

- Je me demandais combien de temps il te faudrait pour t'en rappeler.

Son calme éveilla la méfiance de Solveig, laquelle fronça les sourcils. Ensio ne supportait pas de ne pas être à l'heure, il en devenait insupportable. Ce devait d'ailleurs être leur sujet de dispute de prédilection.

- Tu les as appelés hein ?

- Oui. Dès qu'on est arrivé à Merath je les ai prévenus. Je savais que tu te jetterais sur ton rapport sans attendre, et que tu oublierais tout le reste. Du coup ils ont reporté à demain.

- Je suis trop prévisible... C'en est déprimant...

Solveig attrapa le café qui lui était adressé, pour se délecter d'une gorgée brûlante.

- Merci.

Pour le café. De la connaître aussi bien.

Ensio se contenta de finir sa boisson, puis de s'éloigner. Une clope aux lèvres, il regarda en arrière, en direction de Solveig.

- Tu viens ?

Solveig balaya la pièce du regard. Il n'y avait plus personne, si ce n'est eux. Le commissariat était empli d'un vide de vie, et d'un calme coincé sous des tonnes de paperasses. La jeune femme s'étira, un gémissement lui échappant.

- J'arrive.

Elle se saisit du dossier qu'elle avait entamé, attrapa les feuilles qu'avait recracher l'imprimante, enfila sa veste et sortit enfin du commissariat, dont elle éteignit la lumière au passage.

Ensio l'attendait déjà sur sa moto, la fumée de son pot d'échappement s'élevant à la lumière des lampadaires grésillant. Le vent froid happa Solveig qui, accéléra le pas, tout en râlant tout bas. Elle détestait le froid, surtout quand il n'était pas embelli par les charmes d'une neige ubiquiste.

Ses pensées allèrent vers Rive, déjà recouverte de son manteau blanc, où l'air était moins intrépide qu'à Merath et la température plus agréable. Elle avait depuis longtemps, abandonner l'idée de comprendre. Il y avait trop de mystères à résoudre, et celui-ci était loin d'être le plus important.

La moto vrombit entre ses cuisses faisant s'envoler ses réflexions, et naître une impatience exquise, que celle l'habitant à chaque chevauchée de son motocycle. Avec Ensio ils accélèrent sur l'asphalte recouverte d'une fine pellicule d'eau, l'ombre de leur course ondulant à la surface du reflet des lueurs extérieures.