Tout déterrer

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Solveig avait embarqué Sören avec eux. Elle refusait de laisser le gamin livré à lui-même, ou à quelqu'un d'autre qu'elle. Elle avait remplie des valises, rempli le pick-up de Stevy, prévenu l'école de sa sœur, et avait foncé à Rive où Mama se faisait une joie de les accueillir.

Cela faisait deux jours qu'ils étaient arrivés, et qu'elle tournait en rond. Tout la ramenait vers Tellak, ce qui l'horripilait.

- Mais enfin, Tellak ne fait pas parti de ce fichu poste de police ma parole ! Pourquoi dois-je aller m'adresser à lui?

Rhonja leva les yeux aux ciel pour la énième fois, et passa un appel, soufflant sur sa frange bien trop longue avec exaspération.

- Stevy vient récupérer ta copine, elle m'exaspère ! Il arrive.

Elle fit un geste de la main en direction de Solveig, lui enjoignant de s'éloigner, et lui tourna le dos, sans plus se préoccuper d'elle. Il ne fallu pas attendre longtemps avant qu'un epais bras ne s'écrase sur ses épaules, et qu'une voix grave ne l'arrache à ses pensées.

- Tu ne peux donc pas laisser Rhonja tranquille? Elle a suffisamment à faire avec son aigreur naturelle !

Un charmant doigt dressé lui répondit, tandis que Stevy tirait Solveig vers la sortie.

- Tu m'emmènes où ? Gronda-t-elle

- Ne te fais pas plus bête que tu ne l'es, Sol.

Un regard torve. Un grognement, et ils se mirent en route, en silence, Solveig laissant éclater sa rage contenue. Elle sauta du pick-up avant même que Stevy ne l'eût arrêté et se précipita vers l'immense entrée en bois.
La première chose qu'elle vit fut sa sœur et Sören, concentrés autour d'un jeu de billard.

- On peut savoir ce que vous faites ici, vous ? Stevy tu me les ramènes !

Elke protesta, Sören grimaca, mais déjà Solveig ne les écoutait plus. Elle grimpa les escaliers, et fonça dans son bureau.

Tellak et ses hommes la toisèrent d'un seul et même regard. Regroupés autour d'une carte, ils semblaient en pleine traque.

- Tu nous refais la même, mais cette fois tu attends dehors, gronda Tellak.

Comme hypnotisée, Solveig se rapprocha de la carte, qu'elle ne quittait pas les yeux, faisant le va et vient entre les épingles colorées qui avait été apposées à l'endroit des meurtres. Instinctivement, son doigt se posa à un point précis, et elle y agrafa une épingle violette.

- Ce n'est pas à l'endroit où ont été retrouvés les corps que les crimes ont été commis...

- Non.

Tellak laissa passer un moment, avant de poser la question que tous avaient en tête.

- Pourquoi ce lieu ?

- Là où sont morts mes parents.

Solveig plongea ses yeux dans ceux de Tellak, et se détourna.

- Où vas-tu ?

- Je n'ai toujours pas de compte à te rendre aux dernières nouvelles.

Tellak gronda, tandis que résonnait le rire de Solveig. Elle reviendrait, mais elle ne voulait pas n'être vêtue que de questions, elle avait besoin de réponses, et pas de celles que Tellak avaient à lui apporter.

Son insigne teinta contre la vitre de la pauvre Marianne, qui releva un regard perdu vers elle.

- Solveig ? Que puis-je pour toi ?

- Je veux le registre des naissances de Rive sur les cinq dernières générations. Tout de suite.

- Donne moi cinq minutes...

Marianne revint les bras chargés, et laissa Solveig se perdre dans des noms et des dates, sans plus lui prêter attention. Elle chercha pendant longtemps, sans rien trouver. Puis l'évidence lui sauta aux yeux, Ylgr, n'était pas son véritable nom. Elle chercha dans les actes de mariages et fini par trouver les prénoms de ses parents Ernen et Merim Fifildri.

Solveig ouvrit grand les yeux. Elke était en danger.

Elle en était persuadée. C'était une profonde certitude, bien que rien n'avait encore de logique dans son esprit. Fifildri qui signifiait " Papillon" dans la langue des anciens. Comme le Papillon qui faisait faire des cauchemars à May. Ça ne pouvait pas être une coïncidence.

La sonnerie de Stevy sonnait dans le vide et ni Sören, ni Elke ne répondait au téléphone. Solveig courait à en perdre l'haleine, le sang battant à ses tempes. Elle le sentait, pouvait comme le goûter, sa sœur avait peur. Elle défonça presque la porte d'entrée de Mama, ne s'imaginant pas un autre endroit où Stevy aurait pu les déposer.

La première chose qu'elle entendit fut le bruit haletant d'une respiration sifflante et celui d'un grognement qui n'avait rien d'humain. Solveig déboula dans la cuisine, et se figea. Un loup d'un brun clair lui faisait face, ses crocs retroussés sur ses babines.

Dans un coin de la pièce, Sören s'était accroupi, dissimulé derrière le canapé, alors qu'une grande partie de la pièce avait été ravagée. Le loup se mit à tourner en rond, le ppil hérissé, les yeux fous.

Avec des gestes contrôlés, Solveig se saisit de son révolver, le positionnant lentement devant son visage.

- Sören où est Elke ?

Le loup se figea, gronda, et Solveig fit sauter la sécurité du flingue.

- Non! Fais pas ça, Sol !

Le cri d'effroi de Sören effraya le loup, qui glapit et bondit en avant, droit sur Solveig. Le coup de feu partit de lui-même, et Solveig tomba en arrière, son regard captant celui du félin fortement similaire à celui de sa sœur.

Le corps chaud du loup s'écrasa sur son torse, humide d'un sang qui la recouvrait rapidement. Le hurlement de Sören ne parvient pas à Solveig, accrochée aux poils du loup, qui luttait contre des souvenirs. Elle posa son front contre celui du loup, laissant des larmes lui échapper. Leurs corps avaient été tirés de la voiture par des loups, le jour de l'accident, des loups qui un peu plus tôt se tenaient sur les sièges passagers.

- Je suis désolée.

Solveig serra le corps tressautant d'Elke dans ses bras, totalement hagarde. Elle pouvait ressentir la douleur du loup, sa peur et elle n'en avait que plus mal.

Une main se posa sur ses cheveux, une voix douce s'adressa à elle.

- Laisse-moi m'occuper d'elle mon étoile. Elle risque de se vider de son sang.

Les yeux de Solveig rencontrèrent ceux brillants de Mama. Une assurance sans faille y brûlait, et Solveig la laissa récupérer le corps du loup, aidée par Sören.

Solveig resta un long moment allongée sur le sol, tétanisée, la réalité semblant se confronter aux limites de sa conscience. Elle leva la main devant son visage, observant le sang epais la recouvrant. Elle n'avait pas fini de tout déterrer.

Solveig Ylgr : Empreintes d'Hiver Où les histoires vivent. Découvrez maintenant