L'heure du Thé

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Ce fut le bruit d'une porte à laquelle on toque, qui sortit Solveig de son sommeil profond. Quelque peu décontenancée, la jeune femme papillonna des paupières, des particules de poussières dorées par la timide lueur solaire matinale, flottant avec délicatesse sous ses yeux. Avec lascivité Solveig étira son corps fourbu, faisant glisser la couverture du canapé sur sa poitrine dénudée.

L'intrus se fit plus insistant.

Solveig roula sur le côté dans un grognement, des cheveux plein le visage. Dans un bâillement, elle poussa sur ses avants bras pour extraire son corps de cet amas moelleux qui l'engloutissait. Son mouvement dérangea Ensio, lequel gronda dans une semi-inconscience nébuleuse. Sans prévenir il attrapa Solveig par la taille pour la tirer contre son flanc. La jeune femme, surprise, ne put résister et fut engloutie par une onde de chaleur réconfortante qui appelait ses pensées à s'éteindre.

- Il y a quelqu'un ?

Le cri vrilla les tympans de Solveig, qui poussa un gémissement vaincu. Repoussant doucement le torse musclé et brûlant d'Ensio, la jeune femme se leva enfin. Avec l'entrain du condamné marchant vers son bûcher, elle se saisit de ses vêtements éparpillés partout, le froid mordant son épiderme la hâtant quelque peu.

Solveig avec reconnu la voix du gêneur. Et c'était bien la dernière personne qu'elle avait envie de voir. Grinçant des dents, elle actionna la poignée, tentant de se préparer mentalement à une altercation certaine.

Un visage joufflu et ridé l'attendait. De fin sourcils gris retracés maladroitement au crayon, accentuaient la sévérité de cette face anguleuse à la chair flasque. Une bouche minuscule constamment pincée par une aigreur continuelle, portait les traces d'un rouge-à-lèvres criard et baveux. Un long et fin cou, qui semblait ne pas être capable de supporter le poids de cette tête continuellement oscillante.

Encore légèrement apathique, Solveig fixait sans vraiment la regarder, la chaînette brimbalante qui retenait les lunettes à double verres de madame Viiyr.

- Enfin ! S'écria cette dernière outrée, avant de bousculer Solveig pour entrer dans sa demeure sans sa permission.

Le coup d'épaule autoritaire ne fut même pas remarqué par Solveig qui avait reculé par automatisme, ses yeux plongés en direction du panorama. De la brume, des nuages, une timide lueur grisâtre, pas de soleil et des lampadaires toujours allumés. Il ne faisait même pas encore jour...

Solveig leva les yeux au ciel, dépitée. Elle devait garder son calme, ne surtout pas s'énerver.

- Comme je m'en doutais tout le monde dort encore dans cette maison !

- Souvent c'est ce qui se passe quand il n'est pas l'heure de se lever, râla Solveig en refermant la porte.

- Oh ! Monsieur Halv, bonjour !

Une excitation fébrile dans sa voix ne dupa pas Solveig, qui leva les yeux au ciel, avec lassitude. Cette mégère adorait les ragots, midi n'aurait même pas encore sonné que déjà tout Merath apprendrait la nouvelle, bien que ce ne soit un secret pour personne.

Solveig espérait juste qu'Ensio avait pris le temps de se vêtir. Tournant à l'angle du couloir, elle avisa le torse musclé qui raviva sa faim. Il avait au moins remis son jean. Son ami lui fit un sourire froissé et embêté, auquel elle répondit par un haussement d'épaule. Tant pis.

Ensio repéra son tee-shirt reposant sur la plante verte du salon, et s'en saisit prestement, ne pouvant s'empêcher de se demander comment il avait bien pu atterrir là.

Bientôt la plastique affriolante d'Ensio fut dissimulée à la vue de madame Viiyr qui ne dissimula pas son désappointement.

Face à elle, Solveig et Ensio attendaient, refusant l'un comme l'autre de faire preuve d'hospitalité. Une légère rougeur colora les joues de la vieille dame, qui se racla la gorge, son petit sac imitation cuir couleur violette, pressé contre sa poitrine.

Solveig Ylgr : Empreintes d'Hiver Où les histoires vivent. Découvrez maintenant