La Mjolk et le Brauo

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Merath était un village extrêmement petit. Perdu au milieu d'une forêt immense paraissant l'encercler, il frôlait de quelques mètres les bords d'une rivière isolée. Les villageois se connaissaient tous et avaient grandis ensemble pour la plupart ; les histoires d'autrui se mêlaient et s'entremêlaient, pour qu'en finalité tous se soutiennent lors de situations désespérées.

Ainsi à la mort de leurs parents à Elke et Solveig, leur solitude avait été chassée par la présence constante de personnes chez eux, tous ayant une bonne excuse à leur offrir ne sachant dissimuler cette volonté de les soutenir.

En âge pour s'affirmer légalement, Solveig du haut de ses seize ans, avait pu obtenir son indépendance en démontrant un caractère d'une grande maturité au sérieux intraitable. Elle avait respecté la seule condition stipulée et avait accueillie une nourrice pour l'aider à prendre soin d'Elke qui n'avait alors que cinq ans. La vie ne les avait pas épargnées, mais dans cette épreuve elles s'étaient découvert une nouvelle famille et jamais sœurs n'avaient partagé une telle complicité.

Les dossiers s'empilaient sous les yeux de Solveig. Ce n'était que de petites affaires désuètes portant sur les affres auxquels devaient faire face certains villageois. La majorité étaient des plaintes concernant des larcins de piètre envergure, des querelles de territoires comme celles entre madame Mjolk la laitière qui aurait outrepassé les limites de Monsieur Brauo, en ne respectant pas les territoires commerciaux, le sien débordant sur celui du pauvre boulanger.

Solveig soupira. Elle adorait son métier, aimait à rendre à ses semblables un peu de ce qu'ils avaient pris soin de leur offrir à elle et à Elke. Pourtant, c'était en des jours comme celui-ci que l'ennui et l'irritabilité la rongeaient de l'intérieur.

La tête renversée en arrière elle mâchouilla son stylo, rêvant d'adrénaline, de frissons et d'effroi. Rien ne pouvait alors la rendre plus vivante.

Une vive tape sur ses chevilles croisées la tira de ses pensées, et elle s'empressa de retirer ses bottes crottées de son bureau, son supérieur la toisant avec mécontentement.

- C'est comme ça que tu travailles Solveig ? En t'efforçant à être d'une inutilité remarquable...

Se mordillant la lèvre, Solveig retint de justesse son insubordination débordante, se contentant de baisser les yeux. Hatr observa autour de lui avec concentration, grinçant des dents d'exaspération :

- Il est passé où ton fidèle compère ? J'aurais besoin que vous alliez à Rive pour moi.

Solveig releva la tête avec vivacité, ces prunelles obsidiennes pétillant d'excitation. La neutralité par laquelle elle s'efforçait à figer son visage ne pu camoufler son entrain à Hatr, lequel dissimula son attendrissement quasi paternel par un ton bourru :

- Il nous manque des munitions. Prends-en suffisamment pour tenir au moins un mois. Kalej m'a dit qu'ils avaient reçu de nouveaux jouets, jettes-y un œil, voir s'il y a de quoi s'amuser un peu.

- Pour l'essai j'en prends combien ?

- Trois.

Un pour Hatr. Un pour Ensio. Un pour elle. Solveig sourit, elle n'avait pas besoin qu'il le lui précise. Elle hocha la tête.

- Il faudrait refaire un plein de gilets-pare-balles aussi, et un stock de lampes poches. On est en rupture.

- Ce sera tout ?

- Ouais. Et pense à lui ramener son pick-up. Stevy a fini les réparations. Fais-lui le plein au passage, s'il te plaît.

- Je m'en occupe !

Solveig Ylgr : Empreintes d'Hiver Où les histoires vivent. Découvrez maintenant