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    Le sommeil me fuyait. Dans ma tête, un flot incessant de pensées s'engouffrait, créant un vacarme insupportable. Je revis sans cesse nos actes dans ce parc. À chaque reconstitution de la scène, je ressentais à la fois honte et plaisir. J'avais cédé à mes désirs, succombant à ma faiblesse humaine. 

    En réprimant mes envies et mes émotions, j'avais agrippé cette perche tentante. Mes pulsions s'étaient libérées sans réfléchir, et je ne pouvais plus nier que j'avais aimé ça. Mais au-delà de cela, l'idée d'avoir agi ainsi dans un lieu public me mettait profondément mal à l'aise, imaginant que n'importe qui aurait pu nous surprendre, voire me reconnaître. Finalement, je me suis endormi, laissant derrière moi ces pensées, sans me soucier de ce que l'avenir me réservait.

    Au moment où je m'éveillai, la place à côté de moi était encore froide. J'en conclus que Yoongi n'était pas rentré chez lui cette nuit-là. Un soupir m'échappa tandis que je vérifiais l'heure. C'était un dimanche, précisément neuf heures moins dix. Je me rappelai de la demande, ou plutôt de l'injonction de ma mère. Son message était rédigé de manière à ne nécessiter aucune réponse, avec l'heure et le lieu indiqués comme si ma présence était inévitable. Le rendez-vous était fixé à dix heures pile. Malgré tout, ma curiosité l'emporta, et je décidai donc de m'y rendre, bien que mes mouvements étaient lourds, comme si je m'en allais droit en enfer. Il faut dire que c'était un peu le cas.

    Alors que l'horloge sonnait dix heures, je me rendis au café où nous nous étions retrouvés la dernière fois. À mon arrivée, ma mère était là, arborant toujours la même élégance et l'attitude qui me désespérait. Elle portait une robe assortie à une veste de grande marque et tenait fermement son sac à main de grande valeur. Quand nos regards se croisèrent, elle me fit signe de m'asseoir, portant une expression cinglante. J'exprimai délibérément ma désapprobation à travers mon regard et pris place brusquement.

- J'ai ouïe dire que Yoongi te trouvait étrange ces derniers temps.
- Et donc ? Enchéris-je en essayant de garder constance, malgré le stress apparent, Ce n'est pas comme si je n'étais pas Jihyun, fis-je en accentuant la négation.
- Je voulais m'assurer que tout se passait pour le mieux, S'exprima-t-elle, sirotant sa boisson comme une femme de bonne famille.

    Cela m'agaçais.

- Si tu veux savoir si j'ai l'attention de tout lui révélé, oui, Me risquai-je à répondre.

    Elle arqua un sourcil puis le fronça, esquissant un sourire amer. Posant sa tasse avec calme, elle me scruta profondément. À travers ses yeux, je sentais son désir de décrypter mes pensées, de trouver le moindre indice pouvant ébranler mon souhait. Pourtant, ma détermination était inébranlable, même si sa réalisation n'était pas prévue pour aujourd'hui. Je n'avais aucune réticence à lui divulguer mes intentions ; au contraire, je désirais la défier. Je voulais qu'elle comprenne que je changeais progressivement, que ma docilité passée s'estompait. Cependant, elle sourit. Une réaction qui me déstabilisa, soulevant de nombreuses questions dans mon esprit.

- Je m'y attendais.

    C'est maintenant à moi de renforcer mon expression. Je me sentais de plus en plus désorienté, l'atmosphère austère laissant place à une pression insaisissable qui me serrait la poitrine. La peur me gagnait.

- Je te connais mon fils, je sais exactement quel genre de personne tu es. C'est déjà surprenant que tu aies franchi cette limite, même par cupidité. À présent, tu es enchaîné à ta propre décision. Tu n'es pas fait pour manipuler les autres, tu es bien trop doux. Cependant, tu as oublié un détail crucial quand tu as fais ce choix. Tu l'aimes, et c'est ta vulnérabilité, mais c'est aussi ma puissance.

    Bien que je tiquais à la mention de "fils", j'avalais tant bien que mal ces mots aussi véridique que la turpitude dont j'étais l'auteur.

- Je n'ai pas besoin de savoir quand tu franchiras le pas. Le simple fait que tu sois si prévisible me suffit. Mon but n'est pas de te faire du mal, j'ai un tout autre objectif qui dépend de ta situation actuelle.
- Et quel est cet objectif ? demandai-je.
- Ce n'est pas une information dont tu as besoin. Sache seulement que si Yoongi découvre la vérité, la douleur ne sera pas uniquement aussi insupportable que tu l'imagines, mais des conséquences bien plus importante également, affirma-t-elle avec conviction.
- Que veux-tu dire ?
- On ne peut pas le savoir avant d'avoir essayé, dit-elle d'un ton malicieux.

    La conclusion de cette conversation me laissa bouche bée. Aucun mot ne put sortir de ma bouche. Mon esprit était dans le chaos. Ce rendez-vous n'avait pour seul but que de m'assujettir à sa volonté, de me mettre en garde. Jusqu'à présent, elle m'avait seulement imposé certaines limites, me laissant une illusion de liberté. Désormais, j'étais réduit à l'état de pion qu'elle manipulait à son gré. Peut-être l'avais-je été depuis le début, mais il avait fallu qu'elle me le dise pour que je le réalise. J'étais complice de ses ambitions, imaginant les sombres desseins qu'elle tramait. Quand elle eut fini sa boisson, elle se leva, signifiant ainsi la fin de notre rencontre. Rassemblant ses affaires, elle partit, un sourire satisfait étirant ses lèvres, tandis que je restai là, figé. Le murmure régulier du café s'éteignit progressivement alors que je m'évadais mentalement de cette réalité. Finalement, je me levai et sortis, retrouvant un monde dehors désormais glacial. Le ciel était plombé et la pluie commença à tomber. Les gouttes s'écrasaient de plus en plus fort, imprégnant mes vêtements jusqu'à me rendre malade. Mais à ce moment précis, tout ce qui m'importait était de rentrer chez moi. Cependant, tandis que je marchais d'un pas las, je me questionnais, pourquoi ? À quoi cela servirait-il ?

    J'étais en train de me détruire, totalement soumis à l'autorité de ma mère. J'avais été trop crédule. Ce que je pensais être un rêve devenu réalité s'était transformé en un cauchemar. À chaque prise de conscience, je me réfugiais derrière de minces excuses. Malgré mes promesses, je ne savais plus si j'aurais un jour le courage de faire le pas. À ce moment-là, la terreur me submergea.

    J'étais trempé de la tête aux pieds, mon visage était complètement inondé. Je ne pouvais plus distinguer la pluie de mes larmes.

    Après m'être légèrement calmé, la douche froide m'ayant un peu aidé à clarifier mes pensées, je franchis le seuil de la porte. Je me demandais si Yoongi était rentré, mais la vue de ses chaussures me donna la réponse. Je ne savais pas combien de temps j'avais erré dehors. J'espérais qu'il ne se soit pas trop inquiété. J'enlevai ma veste que je suspendis, puis rejoignis le salon où Yoongi semblait m'attendre fermement, d'après sa posture sur le canapé. Il paraissait absent, des traits tendus marquant son visage. Il sembla revenir à lui lorsque je m'approchai.

- Oh... tu es rentré depuis longtemps ? L'abordai-je.
- Tu peux me dire ce que tu fichais ?
- J'étais dehors... Hésitai-je.
- Ne tourne pas autour du pot !

    Son ton m'avait donné des frissons. Il était furieux. Mais pourquoi ? Était-ce encore en rapport avec ce Jungwon ? Ou avait-il d'autres soupçons en tête ?

- Tu es encore en contact avec cette femme ?!
- Cette femme ? Tu veux dire ma mère ? Fis-je interrogé.
- Donc tu l'admet ?
- O-On s'est juste rencontrer par hasard... Me justifiai-je en essayant de détendre l'atmosphère.
- Bien sur, et tu prends tranquillement le thé avec elle ? Tu me prends pour qui ? Haussa t-il le ton.
- Y-Yoongi calme toi... essayai-je.
- Me calmer ? Tu revois cette vipère après tout ce qu'elle nous à fait endurer et tu me dis de me calmer ?
- Je suis désolé, je ne le ferais plus ! Exclamai-je en voulant le rassurer mais il m'évita.

    Expirant profondément, le découragement se peignant sur son visage, il poursuivit son récit.

- C'est toujours la même chose avec toi, pourquoi est-ce que ça doit se passer comme ça ? Même le jour de l'accident tu-

    Bien que la fin de sa phrase ait capté mon attention, suscitant ma curiosité quant à ce qu'il s'apprêtait à divulguer, il s'interrompit, renonçant a continuer. Suite à court instant de silence, il se prononça.

- Laisse tomber, ça mènera a rien.

L'Autre MoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant