L'Autre Moi

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    Je me résignais tant bien que mal à me préparer et affronter Yoongi. J'avais conscience que rien ne servirait à fuir et que cela ne ferait que repousser l'inévitable. Mais ce qui m'inquiétais le plus, c'était le fait que Yoongi paraissait vraiment préoccupé par ma situation. S'il était réellement au courant, alors pourquoi semblait-il tant soucieux à mon propos ? Il ne m'était jamais venu à l'idée qu'il réagisse à l'opposer de ce que j'attendais.

    Je m'habillais las, sans assurance. Malgré le désordre vaquant désagréablement dans ma tête, mon corps se mouvait machinalement, sans même faire attention à ce que je faisais exactement. Tandis que mon esprit était occupé à tenter de dénouer la boucle incessante de mes pensées chaotiques, je refermais mon manteau muni de mon sac à main et partis tout droit dans la gueule du loup. Peut-être exagérai-je, mais j'avais conscience de tout le mal que mes mensonges avaient engendré, il n'était qu'une question de temps pour que ce mal accumulé ne nous engloutisse.

    Il était treize heures. Je me retrouvais maintenant devant cette porte immaculée de blanc et il ne manquait plus que j'ouvre celle-ci pour en finir. Mais j'avais peur. Tellement peur. J'eus une soudaine boule au ventre et une affreuse nausée en émergea. Je devinais facilement à quoi je devais ressembler, un visage pâle affubler de cernes pas très ravissants, mes cheveux désordonnés que j'avais coiffés à la va-vite tant j'étais absorbé par mes pensées, ainsi l'expression que j'arborais à deux doigts de pleurer. Mais il en suffit, il fallait que je remette les pendules à l'heure et que je subisse la peine qui m'était destinée.

    Suite à un soupire d'appréhension, je me débarrassais du dernier obstacle qui entravait ma route et pénétrait dans la demeure. À peine avais-je fait un pas à l'intérieur de cette dernière, que le son d'un jeu de piano délicat vint frôler mes tympans d'une douceur inégalable. Celle-ci me commanda indirectement d'en rejoindre la source. 

    Je pouvais discerner à l'ouïe, la façon dont les doigts du musicien effleuraient les touches, et malgré l'échange fluide et bienveillant avec l'instrument, la mélodie était particulièrement sinistre et laissait un arrière-goût amer. L'atmosphère qui s'en caractérisait était d'une profonde solitude et me communiquait une souffrance indescriptible. Arrivé devant le bureau, dont la porte était grande ouverte. Je vis Yoongi mouver ses mains sur le piano à queue dont je me souvenais lors de ma précédente et unique visite en ce lieu.

    Il était différent. Yoongi en était pourtant bien l'auteur, j'en avais la preuve en chair et en os sous mes yeux et pourtant, je n'aurais pu le reconnaître à l'écoute contrairement à l'époque. Je devrais être heureux de l'entendre à nouveau, mais ce ne fut pas le cas. Yoongi avait bien changé ces dernières années, mais je n'aurais jamais pensé que sa relation avec cet instrument qu'il chérissait tant en pâtirait à ce point. Sa maîtrise était certes, d'un niveau que je douterais avoir un jour même en y mettant tous les efforts du monde, mais ce qui en dégageait n'était pas aussi gracieux que pouvait lui prouver ses gestes.

    Sans que je ne m'en rende compte, de légères larmes naquirent au bord de mes yeux et coulèrent silencieusement tandis que mon bien-aimé finit son morceau et dirigea à présent son regard sur ma personne. Il fut surpris au premier abord en voyant mes larmes, mais reprit vite une certaine fermeté, je sentais qu'il était fâché.

- Tu es là, constata-t-il sévèrement.
- Oui, je...

Je ne pu lui faire face plus longtemps et baissa automatiquement mon regard, fixant le sol tel un chien battu.

- Pourquoi t'es-tu enfuis ?
- Je-
- Pourquoi tu ne répondais pas ?
- P-Parce que-
- Pourquoi ?

    Il m'interrogeait sans pour autant me laisser répondre. J'eus l'impression qu'il cherchait plus à se faire écouter qu'à avoir des réponses. Son ton était bas, mais pas calme pour autant. Je pouvais très clairement distinguer les tremblements que ses nerfs, qu'ils retenaient d'exploser, provoquaient à travers celle-ci. Son expression n'en était pas plus accommodante. Il se leva et s'approcha. Malgré la faible proximité, j'avais la sensation qu'il se trouvait à des kilomètres de moi. Je n'osais pas redresser mon visage et je me demandais comment je pouvais encore me tenir debout tant la pression était étouffante. Puis je sentis soudainement des bras m'entourer et me serrer si fort que mon souffle en fut presque coupé.