Chapitre 11

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-Tu ne t'en vas pas ?

-J'ai réussi à prendre mon week-end.

Comme bien des fois, Dabi se tourna vers la fenêtre mais dans ses yeux Alexander percevait l'appel du vide.

Alexander remplit les deux assiettes attablé avant d'appeler Dabi. Prévention pour un potentiel suicide.

-Je vais faire les courses ce matin.

Des caleçons à acheter.

-J'essaierai de rentrer avant-

-Qu'est ce que c'est que ça ?

Dabi avait posé la question en noyant sa cuillère dans la mélasse blanchâtre que lui présentait son assiette.

-Du porridge.

-C'est pour te venger de ce matin ?

-La tentative de meurtre ? Je m'en suis remis. Fit Alexander en prenant une bouchée de l'avoine au lait. Mais c'est gentil de t'en soucier.

-Je ne m'en soucie pas. Après ce qui s'est passé. Je m'attend à ce que tu me rende la pareille.

-Serait-ce du remord ?

-Non. Pas avec la tête que tu as faite ce matin.

Crispation de la main sur les ustensiles.

-Mange. Dit finalement Alexander. Ca va être froid.

-Pas question que je mange cette merde.

-Cette merde. Comme tu l'appelles. Est un repas consistant et nutritif. Tu ne voudrais pas sauter le plat le plus important de la journée. Dans ton état ce ne serait pas prudent.

-Ce n'est pas comme si j'étais en danger de mort.

Leurs regards se croisèrent. Une seconde, un instant fila.

Il est vrai qu'il ne semblait pas y avoir eu de complications ces premières semaines, et le risque d'infection était toujours présent mais Dabi semblait aller mieux. Physiquement parlant du moins.

A cette allure, le réfugié serait guéri dans seulement quelques jours.

-Impressionné ?

Alexander sortit de ses songes. Dabi l'observait. Une main tenait sa cuillère tournoyant dans la bouillie de céréale, l'autre soutenait son visage. Où se traçait un sourire, mince, imperceptible. Vaniteux.

-Un peu plus chaque jour.

Dabi arqua des sourcils.

-Pour ma part. Il y a bien longtemps que tu ne me surprends plus. Fit Dabi s'abreuvant du doux café matinal.

Alexander se retourna, ses lèvres traçant un sourire charmé. Provocateur.

-Il ne se passe pas un jour sans que je ne te déshabille mentalement.

Dabi en cracha son café.

-Quand tu auras fini de gâcher le café. Dit Alexander, impassible. Tu finiras ton assiette.

-Tu penses toujours que je vais toucher à ce truc ?

-Oui. Parce que c'est bon pour toi.

Duel de regards. Alexander saurait jouer à ce jeu toute la journée.

-Bien. Abdiqua Dabi.

Et ainsi, le balafré permuta l'assiette du policier avec la sienne.

Sourire en réponse. Toujours sous les yeux du criminel Alexander saisit le plat pour ensuite jeter le tout à la poubelle.

Une trentaine de piments gaspillés. Quel gâchis.

***

Quand il revint des courses, Alexander était comme un enfant à qui le père Noël avait offert sa grâce. Il n'avait pas trouvé les sous-vêtements. Il avait bien mieux.

Dabi était dans le salon, à fixer le plafond sur le canapé. Dans un élan à la fois magnanime, et à la fois dans l'optique de diversion, Alexander lui tendit une tablette nouvellement achetée.

-Tiens, amuses toi bien.

-Je ne suis pas un gamin. S'indigna Dabi.

-Tu es sûr ? Sourit Alexander en fermant la porte de la salle de bain.

Parce que moi je le suis.

Il sortit de son sac de course l'instrument de son vice : une teinture de cheveux. Rose.

Et inflammable.

Alexander prit l'autre flacon noir, vidant son contenu dans l'évier. Sa lèvre tressauta en un ricanement vengeur. Longtemps, il resta dans la salle de bain à accomplir ses plans diaboliques et capillaires.

***

-Je vais me doucher.

-Fais donc.

Dabi délaissa la tablette sur le canapé et s'en alla sans un autre mot. Il était impossible pour Alexander de se défaire du sourire fourbe qui surplombait ses lèvres.

Du moins, jusqu'à ce qu'on toqua à la porte.

En effet, il n'avait rien de drôle à voir Keigo Takami alias Hawks sur son paillasson.

-Salu-

Alexander claqua la porte.

Et il partit illico presto à la salle de bain pour faire part à Dabi de cette visite incongrue.

-MAIS QU'EST CE QUE TU FOU.

Alexander étouffa ses cris on ne peut plus compréhensible sous le rideau de douche. Littéralement.

S'en suivit à une situation des plus cocasses : où Alexander Hunter, policier en chef de la division Alpha, était ventre à terre sur un Dabi dans une baignoire et dont le dernier rempart à la nudité fut l'admirable rideau de douche.

Et en un court instant ni Dabi ni Alexander n'eurent les mots.

Fort heureusement et toujours par la faute du fameux rideau de douche, Alexander ne pouvait percevoir le regard de Dabi car celui-ci étouffait sous le plastique protecteur.

-Pas de geste brusque. Souffla lentement Alexander.

Muscle tendu. Crispation. Anticipation au moindre mouvement.

Alexander tentait désespérément de garder un équilibre. Se tenant au rebord de la baignoire afin de ne pas toucher mais juste effleurer la surface plastifiée, d'un bleu tout aussi plastique.

-Maintenant. Murmura il après un dernier souffle. Écoute moi attentivement. Il y a un flic à ma porte donc tu vas sortir de cette douche. Et je vais faire de même. En premier bien entendu. Mais promet moi de la fermer tout du long.

Il y eut un silence. Alexander le considéra pour un consentement contraint. Il hocha de la tête avant de se lever avec toute la peine du monde. Enfin, et un pied après l'autre. Il parvint à se départir de la baignoire laissant au criminel libre court à ses actions.

Celui ci toujours dénudé sous le rideau de douche se rehaussa tel un automate. Désormais assis, le rideau glissa sur sa peau, découvrant son visage ainsi que son buste.

Ses cheveux étaient encore d'un noir sombre, témoignant qu'il n'avait pas encore essayer la surprise rosâtre d'Alexander. Des gouttes perlaient de son menton. Ruisselait sur son torse cicatrisé. Serpentait le long de ses bras. Quant à ses yeux...

Alexander eut peur de ce qu'il perçut dans ses yeux.

Un malheur n'arrive jamais seul.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant