« Complètement entouré de cours d'eau, le camp se trouvait dans un terrain marécageux, si bien que le paludisme y régnait continuellement. Birkenau constituait le camp central d'une trentaine d'autres camps de la Silésie et de la Pologne et fournissait de la main-d'œuvre à ces camps pour alimenter en hommes les mines de charbon et les usines de guerre. En échange, Birkenau recevait les inaptes au travail de tous ces camps et se chargeait de les faire disparaître à tout jamais. »
Je me sentis tiré, avant d'être violemment projeté contre les parois de ce qui ressemblait à une cave. Cherchant à identifier les lieux, je dus attendre que mes yeux s'adaptent à la très faible luminosité de la pièce, avant de reconnaître l'une des nombreuses maisons vides qui peuplaient la ville. Pourquoi Natsu nous avait-il jetés là-dedans ? Comptait-il nous garder prisonniers en attendant les renforts ou exauçait-il ma prière ?
Ayant confiance en lui, malgré moi, me doutant bien que mon jugement était biaisé par le simple fait qu'il m'est sauvé la vie. Je fis quand même signe, à mes amis de me suivre derrière le plan de travail de la cuisine. Ainsi, nous serons dissimulés, au moins pour un temps. Quand tout le monde fut regroupé, mon père me saisit, me serrant fortement contre lui. Tout son désespoir transpercé dans cet acte. Je resserrais alors à mon tour l'étreinte. Lui déclarant mon amour en silence.
- Lucy... Je rêve ou t'as demandé à ce soldat de nous aider ? Interrogeait Mirajane, perplexe.
- Je...
Jamais je ne finis ma phrase, des voix se firent entendre depuis l'extérieur, nous murant dans le silence le plus total. J'entendis Levy étouffer un piaulement en s'enfouissant dans les bras de sa mère. Tremblante, le cœur battant à mille à l'heure, je priais le ciel. Soudain, on entendit un autre soldat s'adresser à Natsu. Lui demandant ce qu'il faisait. Par pitié, Natsu ne dit rien, ne nous dénonce pas.
- Je vérifie les maisons vides comme vous me l'avez demandé. Répondit-il sur un ton hargneux que nous ne lui connaissions pas mon père et moi.
- Et alors ? S'empressa l'autre, à la voix plus grave. Je remarquais alors pour la première fois que Natsu ne portait pas l'accent allemand.
- Si je suis seul, ça veut dire quoi à votre avis ?
J'étouffais un soupir de soulagement. Dieu merci, il n'avait rien dit. Il ne nous avait pas jetés ici afin de mieux pouvoir nous vendre. Il l'avait fait pour nous cacher. Je ne pus réprimer un sourire de joie sur mon visage, avant d'entendre un violent coup. La porte tremblait sous le poids du corps qu'elle venait de recevoir, envoyant ses vibrations jusqu'à nous. La crainte nous gagnant à nouveau, on se serrait encore plus les uns contre les autres. Attendant la suite des événements.
- Je te rappelle que tu me dois le respect ! S'époumonait le soldat allemand se trouvant face à Natsu. Franchement, je ne te comprends pas. S'adoucit-il avant de poursuivre un air sarcastique certainement collé au visage au son de sa voix. Tu devrais être fier que toi et tes semblables ayez été enrôlés afin de servir notre cause.
- Fier ? Vous nous avez obligés en menaçant nos familles. Cracha la voix de Natsu.
- Exactement, tu devrais être fier de servir le grand führer. Et justement puisque tu en parles... Manque-moi encore une seule fois de respect et je te promets qu'il en est fini de ta famille. Et estime-toi heureux, la majorité de tes camarades sont sur le front soviétique. Alors à l'avenir, si j'étais toi, je me montrerais un peu plus respectueux, l'Alsacien ! Frappé de ses poings et de sa voix acerbe l'autre.
J'étouffais un cri de tristesse, plaquant ma main sur ma bouche. Si au départ le début de la conversation m'étonnait de par son contenu et la façon dont Natsu lui répondait, je comprenais désormais. À vrai dire, je comprenais tout. C'était ça la pièce manquante au puzzle. Tout ce mystère autour de sa personne, son comportement étrange, son mal-être. Natsu n'était pas comme eux. Il n'était pas un vulgaire soldat allemand. Non. Il était un de ces Alsaciens et Lorrains engagés de force dans l'armée d'Hitler. Des larmes de compassion brouillaient ma vision. Quand je pense à quel point nous avons été abjectes avec lui, surtout moi.
Soudain, on entendit la porte s'ouvrir. La voix de Natsu perça l'obscurité, nous révélant que la voie était libre, qu'il les avait envoyés vers le centre, loin du port. Il avait deviné où nous allions ?
Lentement, notre petit groupe se relevait. Tous sans exception le fixaient, le regard vide. Le choc de la découverte nous laissant sans voix. Sa lèvre inférieure, saignée, certainement coupée par l'un des coups que lui avait affligés l'autre soldat. Une peine immense m'envahit, à tel point que j'eus envie de le prendre dans mes bras. Mais je n'avais pas le temps pour ça, nous devions mettre Levy et sa famille en sûreté.
On passait devant lui, chacun d'entre nous lui lançant un regard plein de gratitude. Le père de Levy prit même le temps de s'arrêter pour le remercier. Pendant que moi, je le fixais, attendant avec impatience ce soir, afin que l'on ait une discussion.
Très vite, on se remit en marche, sous les yeux ébahis des rares citoyens debout à cette heure-ci. Tous sans exception venaient d'assister à l'altercation entre Natsu et le soldat allemand. Je sus alors que très rapidement, la nouvelle allait se répandre telle une traînée de poussière dans la ville.
Néanmoins, pas le temps de s'attarder sur son cas. J'aurais tout le temps pour ça plus tard, pour l'instant, seule la survie de notre amie comptait. Confiante, dans les informations données par notre soldat aux cheveux roses, je ne restais pas moins sur mes gardes. Comme nous tous. La même sensation qu'un peu plus tôt me saisit et j'eus l'impression de jouer au jeu du chat et de la souris, en version satanique. Nous étions les souris et si jamais un seul des chats nous attrapés, on pouvait dire adieu à notre vie.
Et alors que je retenais mon souffle depuis plusieurs minutes, que le seul bruit qui me parvenait distinctement était les battements effrénés de mon cœur. On vit enfin le port se dessiner sous nos yeux. Un besoin urgent de courir se fit ressentir. Mais l'on prit sur nous marchant le plus calmement possible afin de ne pas éveiller les soupçons. Quand enfin, on rejoignit les parents d'Erza et le marin qui se chargeraient de les amener, l'on dut retenir une exclamation de joie de franchir la barrière de nos lèvres.
Fous d'inquiétude, les parents d'Erza se jetaient sur leur fille, l'embrassant. Nous, demandant où l'on était passé, ce qui nous avait pris autant de temps. Mon père leur racontait alors l'acte héroïque du soldat qui vivait chez nous depuis désormais plusieurs mois déjà. N'en revenant pas, ils nous demandaient de le remercier pour eux.
Le temps des adieux était venu. Levy se trouvait là, devant nous, prête à partir, ses parents derrière elle. Ils allaient enfin être en sécurité. Mais même si cette perspective était réjouissante et qu'elle nous remplissait de bonheur. On n'en était pas moins triste. Une amie s'en allait et ce peut être à tout jamais. Bien qu'elle nous promette de nous écrire, jamais ce ne sera pareil. Elle ne sera plus là face à nous et personne n'était dupe. Si jamais ses lettres partaient, il y avait peu de chance pour qu'on les reçoive. Les nazis surveillaient absolument tous nos faits et gestes.
La serrant une dernière fois contre moi, je profitais de sa présence si essentielle à ma vie. Pleurant son départ, je pleurais aussi de soulagement. Elle allait vivre et au fond c'est tout ce qui comptait. Levy pleurait aussi, nous serrant chacune notre tour dans ses bras frêles, meurtrie par déjà deux ans de malnutritions. Elle nous remerciait chacun notre tour, pour tout ce que l'on avait fait pour elle, pour avoir risqué notre vie aujourd'hui. Elle s'excusait auprès de moi, me disant à quel point elle était désolée de ne pas m'avoir cru quand je lui disais que Natsu était différent. Mais qu'importe, personne ne pouvait savoir, pas même moi. Alors jamais je ne lui en voudrais. Tous ces doutes, ces peines étaient justifiées et rien que le fait de savoir qu'elle allait à nouveau briller comme avant me remplissait de joie. Même si cette fois, ça sera sans nous.
Notre dernier au revoir fait, chacun reprit le chemin de sa maison, le cœur lourd d'avoir laissé partir une amie. Avec cependant un sourire aux lèvres, l'impression d'avoir accompli quelque chose de bien en ce bas monde, nous inondant de fierté. Nous donnant presque envie de rire au nez et à la barde des Allemands. En arrivant chez nous, mon père et moi nous regardions, nous mettant d'accord pour parler à notre invité désormais.
Seulement, quand le soir vient, Natsu ne prit même pas la peine de s'arrêter pour manger, alors que nous l'attendions à table comme tous les soirs. Non, ce jour-là, il grimpait directement dans sa chambre, une main posée sur le torse. Intriguer et quelque peu inquiète que l'un des SS l'ait découvert et s'en sois encore plus prit à lui, ou pire à sa famille. J'envoyais un message muet à mon père, avant de le rejoindre dans sa chambre.
Hésitante, quant au comportement à adopter, je soufflais un bon coup, avant de pénétrer dans la chambre après avoir reçu son autorisation. Un plateau-repas dans les mains, je dus me retenir de ne pas le lâcher en voyant la blessure qu'il avait au torse.
- Ne t'en fais pas, personne n'est au courant pour toi et tes amies. M'informait-il un rictus douloureux au visage.
- Comment t'es-tu fait ça ? Repris-je, toujours autant peiné par sa plaie.
- Oh ! Ça, ce n'est rien... Disons juste qu'il n'y est pas allé de main morte ce matin et en bougeant ça s'est rouvert.
N'écoutant plus son petit discours, je lui déposais son repas dans les mains, avant de sortir précipitamment. Fouillant dans la salle de bains cherchant, notre nécessaire de soin. Je ne reviens que quelques minutes plus tard, les mains chargées de compresses, bandages et tout autre truc du genre. Surpris, il releva la tête, stoppant son repas, qu'il déposa sur la table de chevet.
Timide, je m'approchais de lui. L'interrogeant du regard, je me perdais dans le tourment de ses yeux onyx, cherchant une quelconque appréciation. Finalement, ne voyant pas de mouvement de sa part, je décidais de commencer les soins. Gêner malgré moi, de cette soudaine proximité et surtout de ce contact je rougis. C'était la première fois que je touchais un homme et je devais bien avouer que Natsu était très beau. Et ce malgré son regard torturé.
N'esquissant pas le moindre geste, il me laissait faire, le tout dans un silence religieux. Ne tenant plus, je lui posais la question qui me brûlait les lèvres depuis que j'avais appris qui il était.
- Pourquoi n'as-tu rien dit ? Soufflais-je, accusatrice.
- Dit quoi ? Sorti de sa torpeur mon patient d'un soir.
- Pourquoi tu ne nous as pas dit qui tu étais réellement ? L'accusais-je encore, plantant mon regard dans le sien.
- Qu'est-ce que cela aurait changé ?
- Mais tout ! M'excédais-je. Comment pouvait-il prendre ça comme cela ? Jamais on n'aurait été aussi froid avec toi. On t'aurait soutenu dans cette épreuve.
- Et alors ? Qu'est-ce que ça change, tu peux me le dire ? Je suis comme eux ! Je dois effectuer le même travail. Je dois amener des gens jusqu'à la mort, je dois punir, exterminer. Hurlait-il, l'âme brisée par ses actes commis.
- Mais tu ne le fais pas par choix, tu le fais par obligation. Sans ça, ta famille serait morte. Criais-je à mon tour, espérant lui faire entendre raison.
- Peut-être, mais cela ne change pas ce que j'ai fait... Ton amie est la seule que j'ai pu aider, tous les autres...
Les larmes perlaient à nouveau au coin de ses yeux et je fus profondément touché par sa détresse. Ayant fini mes soins, je reposais ma boîte à pharmacie, avant de lui prendre les mains. Le surprenant, il émit un petit sursaut, relevant sa tête vers moi, j'en profitais pour planter mon regard dans le sien. Souhaitant donner plus de poids à mes paroles.
- Tu n'es pas comme eux Natsu. Tu n'as rien à voir avec eux... Tu es une victime de guerre. Affirmais-je, achevant ces dernières résistances.
Je ne sus exactement ce que mes paroles produisaient en lui, mais j'eus l'impression de le libérer d'un poids, d'un fardeau lourd comme le monde. Lui redonnant peut-être une vague estime de soi. À l'image de nous tous, Natsu était un être brisé par le conflit. Torturer jusqu'aux tréfonds de son âme, il se sentait affreusement seul. Je me promis alors qu'il ne le serait plus. Tant qu'il vivra chez nous, je serais là pour lui, parce que désormais je le comprenais. Désormais, je n'avais plus peur de ce que je ressentais.
Et quand il me prit dans ses bras, soufflant mon prénom telle l'expiation, je le laissais faire. Tout comme je me laissais entraîner sur le lit, où il se blottit contre moi, cherchant à cacher ses larmes dans mon cou. Comme il l'avait fait dans la cuisine. Inversant les rôles, je passais ma main gauche dans ses cheveux, cherchant à l'apaiser, comme on apaiserait un enfant. Mon autre main se posait sur son torse, s'emmêlant dans la légère toison corail qui l'ornait. Apaiser, je finis par m'endormir à ses côtés. Faisant pour la première fois une nuit sans cauchemars depuis mon agression.
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Fruit de guerre
FanfictionReposte d'une de mes anciennes fanfiction que j'aime beaucoup, elle date d'il y a quelques années mais je l'aime toujours autant. 1940, la France a perdu, elle est vaincue par les forces allemandes. Mon père et moi devions nous plier aux nouvelles r...