Chapitre 10

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Comme je l'ai pressenti et heureusement pour moi, il ne s'agit pas d'un dîner en tête à tête mais bel et bien d'une large invitation. Plus de huit couverts et sept silhouettes s'y trouvent déjà. Génial, je suis la seule en retard. Je suis docilement le serveur, un sourire crispé aux lèvres. Pour m'achever une fois de plus, je reconnais allègrement le profil du photographe. De mieux en mieux. J'ai l'impression qu'à chaque pas que je fais, je chaque sortie, je tombe sur lui.

— Madame Epimoni, je suis ravie de votre présence, me salue le capitaine.

— Je vous remercie pour votre invitation.

— Le dîner était prévu à 20h précise, siffle un homme à côté.

— Oui pardonnez-moi, j'ai perdu toute notion du temps sur le pont, mens-je.

Cette excuse bidon est bien plus acceptable que la vérité. Comment leur dire que j'ai perdu pratiquement deux heures dans les essayages de mes petites culottes.

— Oh vous savez, je trouve que la ponctualité peut être harassante, reprend le capitaine en m'envoyant un clin d'œil de soutien.

Élégamment, le serveur tire ma chaise.

Ok, il n'est vraiment pas question de faire une gaffe. Dos droit et sourire distingué.

La discussion reprend et je suis définitivement perdue. L'économie de marché et l'inflation des prix me perdent. Je ne sais plus du tout où me mettre, noyer mon désespoir dans le champagne n'est pas la meilleure des idées, sauter sur le plat est impossible car il n'est pas encore servi et écouter la conversation va à coup sûr me donner la migraine. Cette soirée ne promet rien de bon.

— Je ne vous avais jamais vu auparavant, je veux dire à cette table, interrompt le même homme que la dernière fois.

— C'est ma première invitation.

— Que faites-vous dans la vie ?

Mauvaise question, très mauvaise question.

À première vue, je devine très facilement que je suis entourée des plus grands hommes d'affaires de France. Leurs costumes puent l'argent à plein nez et leurs attitudes narcissiques polluent l'air. Malgré mon double diplôme qui m'a fait suer et dont je suis très fière, avouer que je suis sans emploi après mon renvoi, me hérisse le poil.

C'est parti pour un deuxième mensonge.

— J'ai quitté mon précédent emploi pour de nouveaux horizons, affirmé-je.

— Étonnant cette logique. Permettez-moi de vous demander dans quelles branches travailliez-vous auparavant ?

— J'étais chargée de communication numérique.

— Dans quelle boite ?

— Une petite société en région parisienne.

— Et quel était ce nom ? Ajoute-t-il piqué par une curiosité malsaine.

— Je préférais taire le nom. Je n'ai que peu de bons souvenirs alors autant ne pas faire trop de pub.

Cette fois, la conversation prend un tournant qui ne joue pas en ma faveur. Tous les regards sont tournés vers moi et ça me rend mal-à-l'aise. Bon dieu, que je déteste être au centre de l'attention.

— Que vous est-il arrivé pour que vous ayez une telle froideur envers cette entreprise ? Se moque l'homme.

Est-il vraiment assez idiot pour ne pas comprendre qu'il me dérange avec ses questions ? Malgré mon regard noir et mon attitude des plus distantes, il ne semble toujours pas comprendre.

À L'AUBE DE NOS SECRETS II TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant