Chapitre 1

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Après avoir passé deux mois à chercher mille solutions introuvables, à imaginer qu'un miracle puisse tomber du ciel et me sauver de la situation, j'ai finalement accepté mon sort et rendu les clés au propriétaire. Fini l'appartement qui renfermait tous mes souvenirs de fille indépendance, je dois retourner chez mon père. Incapable de payer le loyer seule et sans vrais revenus décents, je n'ai eu d'autres choix que de faire des bagages. Le marché de l'emploi est saturé et malgré mes nombreux envois de CV dans toutes les entreprises pas trop éloignées, je n'ai été retenu nulle part. Encore pour un ultime tour du destin.

Karma de merde.

J'ai tout empacté, tout rangé et effacé la moindre trace de mon passage dans cet appartement qui m'a vu dans tous mes états pendant cinq longues années. Le dernier tour de clé m'a achevé. J'ai tout perdu, encore une fois et je suis de retour là où tout a commencé.

Je me retrouve bloquée face aux marches, incapable de continuer mon chemin. Jamais, je n'aurais pensé revenir chez mon père dans ces conditions. Une part de honte s'installe en moi. Comment lui expliquer qu'à vingt-quatre ans passés, je dois retourner chez papa car je suis incapable de gérer mes affaires comme une grande fille ? ou plutôt comment lui expliquer que je suis toujours trop sensible et incapable de me forger une armure ? Mes sentiments ont pris l'ascendant sur ma raison. J'avais besoin de mon travail, du moins jusqu'à ce que je trouve autre chose mais je n'ai pas pu serrer les dents. J'ai cédé face aux réflexions sexistes de mon patron et je l'ai laissé me virer. Pareil pour Célestin, je n'ai pas réussi à faire preuve de caractère, je l'ai laissé me jeter. Et mon appartement, n'en parlons pas. Je n'ai même pas été capable de le garder.

Devant l'entrée, je n'en mène vraiment pas large. Il me faudrait un shoot de courage ou d'adrénaline pour avancer. Non pas que mon père fasse particulièrement peur ou soit tyrannique, seulement mon malaise grignote ma dignité à chaque seconde et si j'écoutais ma lâcheté, je partirais en courant. C'est ce que je ferais très certainement si je n'étais pas entourée par huit valises toutes plus grosses que moi.

Sûrement alertée par mon arrivée, la concierge arrive, le regard curieux. Le spectacle que je lui offre ne doit guère être reluisant pour qu'elle me dévisage ainsi. Apparemment, elle n'a pas dû voir beaucoup de fois des jeunes adultes retournés chez leurs parents alors qu'ils sont déjà entrés dans la vie active.

— Adèle ? Allez-vous bien ? Vous êtes aussi pâle qu'un linge. Voulez-vous vous asseoir quelques instants ? Me propose-t-elle gentiment.

— Ça va aller Madame Ponvellier, c'est juste mon magnifique teint légué par mes ancêtres du Nord.

— Je ne préfère pas vous laisser, voulez-vous que j'appelle votre père pour qu'il vous aide à monter ?

— Non ce n'est pas la peine. Je veux lui faire une surprise.

— Bon si vous le dites. Mais quand même, je vais vous aider. Donnez-moi vos paquets je vais les mettre dans l'ascenseur.

Malgré mes protestations, la concierge fait la sourde oreille, m'arrache mon attirail et me pousse doucement mais fermement à l'intérieur. Je la remercie une dernière fois avant que les portes ne se ferment. Si je ne la connaissais pas, j'aurais été persuadée que son regard n'était que bonté. Or, je la côtoie depuis assez longtemps pour savoir que ce n'est que de la pitié. Cette vieille canaille est aussi perspicace qu'un vieux sage. Elle a dû comprendre à ma tête de momie la réalité derrière mon sourire de façade. Si je ne suis même pas assez bonne pour cacher mes émotions devant une concierge, je ne donne pas cher de ma peau face à mon père.

L'ascenseur s'élève vers mon étage dans le plus grand des silences. Je m'adosse contre la paroi et me risque à jeter un regard dans le miroir à ma gauche. J'en sursauterais presque. J'ai une mine à faire peur, des cernes violacés se sont incrustés sous mes yeux rendant la couleur de mes iris ternes et tristes, ma pâleur accrue et mes joues creusées combinés à mes cheveux hirsutes ne me rendent vraiment pas belle. Bien au contraire. Au concours de Miss Moche, j'aurais toutes mes chances. Pas vraiment glorieuse comme couronne.

À L'AUBE DE NOS SECRETS II TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant