Chapitre 5

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Laila Boïkova
8 mai 2019, 17 heure 20
Rue de Saint-Pétersbourg

​Je ne réagis pas tout de suite. Ses lèvres étaient sur les miennes et ce n'était pas un rêve, cette fois-ci. Comme dans un film tout s'était arrêté autour de moi, de nous. Je répondis timidement à son baiser. Si timidement que je ne suis même pas sûre qu'elle l'est sentit. Elle se détacha un peu. Je n'étais même pas sûre d'avoir une attirance pour elle, je ne savais plus rien. Je revins sur Terre quand je la vis partir en courant, laissant toutes ses affaires ici.
« -Attend Svetlana ! » Criai-je, mais elle était déjà loin. Je sortis mon téléphone et l'appelai une fois, deux fois, trois fois... Aucune réponse. Je décidai donc d'aller chez elle, de toute façon ses clés étaient avec moi. Je pris toutes les affaires et me dirigeai vers le métro, je crois que c'est le plus court.
Après une heure et demi – le métro a eu un problème technique – j'arrivai devant l'immeuble de Svetlana. D'habitude bruyant, le seul bruit que j'entendais était celui d'un camion de pompier. Je me tournai instinctivement vers le bruit et vis trois voitures écrasées les unes contre les autres, deux brancards avec des personnes dessus. Je montai les neuf étages. Personne. Il n'y avait personne. Peut-être qu'elle n'était pas encore rentrée ? J'ouvris avec grand mal sa porte d'entrée puis je déposais les sacs de vêtements sur la table basse et y laissai un mot :
« Je suis passée pour te déposer tes affaires. Appelle-moi dès que tu rentres s'il te plaît. Nous devons parler.
Laila. »
Après cela je sortis pour rentrer chez moi. Mes vêtements, je l'espère, allaient avoir le temps de sécher en route. Sinon j'allais me faire exécuter par mon père.
Une fois chez moi je me décidai à rappeler Svetlana, elle était certainement rentrée depuis le temps. Ce fut une voix d'homme qui décrocha.
« - Vladimir Vladimirovich Polykof, médecin à l'hôpital Alexandrovska. Vous êtes une proche de Svetlana Victorovna Perova ?
-Effectivement.
-Elle a été hospitalisée suite à une collision entre trois voitures, elle était en plein milieu du passage. Elle est dans le coma.
-Pardon ?!
-je suis navré. Elle est partie au bloc opératoire. Son état est grave mais sa vie n'est cependant pas en danger direct.
-Puis-je venir ?
-Bien sûr. Mais je ne pense pas que vous allez pouvoir la voir.» Je raccrochai sans même donner de réponse et me précipitai dehors, mes parents n'étaient pas là. Dans le bus je me torturai l'esprit. Je décidai d'appeler Florian pour le prévenir :
« -Allô Florian, c'est Laila.
-Oui ?
-J'ai eu un appel de l'hôpital : Svetlana a été percutée par une voiture et est dans le coma.
-Quel hôpital ?
-Alexandrovska.
-J'arrive tout de suite.
-D'accord. A plus tard. » Le trajet passa très lentement mais j'arrivai finalement à l'hôpital après une heure. J'allai à l'accueil.
« -Bonjour, je suis une proche de Svetlana Victorovna Perova.
-Bonjour. Elle est toujours au bloc. Vous pouvez l'attendre là, on vous appellera.
-Merci. » Je partis donc m'asseoir sur les chaises en fer.
Je vis Florian arriver tout essoufflé dans le hall de l'hôpital et je me précipitai vers lui.
« -Tu vas bien ?
-Oui oui, ne t'inquiètes pas. Tu as pu voir Svetlana ?
-Non pas encore, ils sont toujours en train de recoudre ses plaies et de les soigner. D'après le médecin aucun organe vital n'a été touché mais son état est très critique. Elle a une fracture au bras et à la cheville droite. Enfin bref, elle est dans un sale état. » Plus je parlais plus le visage de Florian se décomposait. Après de longues secondes de silence il prit enfin la parole :
« -Qu'est-ce qu'il s'est passé en fait ?
-Je pense qu'elle ne regardait pas la route car trois voitures se sont foncées dedans suite à un problème de feu et Svetlana était sur le passage piéton. Les conducteurs sont aussi bien amochés.
-Donc maintenant on a plus qu'à attendre c'est ça ?
-Mh. »

Les heures passaient très – trop – lentement, dans un silence entrecoupé de cris d'enfants et de sirènes d'ambulances. Il faisait atrocement chaud, je faisais les cents pas en espérant qu'on nous appelle bientôt.
Nous voyions toute sorte de gens défiler, surtout que le milieu de la nuit était arrivé et avec lui tous les accidents de la route causés par un trop taux d'alcool dans le sang. Ce n'est qu'à l'aube qu'un médecin vint nous réveiller.
« -Vous êtes bien les proches de Svetlana Victorovna Perova ?
-Oui ?
-Vous pouvez aller la voir. Je vous préviens elle est dans un mauvais état, cela risque de vous être difficile à voir.
-J'y tiens.
-Moi aussi.
-Très bien. Nous avons pu recoudre toutes ses blessures mais mettre les plâtres est encore impossible : certaines plaies ne sont pas cicatrisées. Dans quelques jours nous pourrons, j'espère.
-Et ses chances de survie ?
-Elle s'en sortira. Je ne sais pas par contre si elle pourra retrouver sa mobilité à cent pour cent. Les blessures sont assez spectaculaires, je vous préviens. » Il s'arrêta devant la porte numérotée deux-cent-vingt-et-un. « Une seule personne à la fois.
-Vas-y Laila.
-Merci. » Soufflai-je à l'intention de Florian avant d'entrer dans la chambre. Elle était plongée dans la pénombre mais je pouvais quand même la voir, voir son corps recouvert de blessures, de point de suture. Je failli vomir à la vue de toutes ces plaies. Je ravalai mes larmes et m'assis au chevet de Svetlana. Je pris sa main dans les miennes et la serra.
« -Je suis désolée de ne pas avoir réagis. J'aura dû dire quelque chose mais j'en étais incapable. » Je fis une pause. « Tu ne me rends pas indifférente, en réalité tu me fais beaucoup d'effet. Est vraiment de l'amour ? Je n'en ai aucune idée. L'amour est un fruit qui se cultive doucement, il faut le chouchouter, il n'est pas directement à maturité. Mais quand tu m'as embrassée j'ai sentis quelque chose que je n'avais jamais ressenti auparavant. C'était puissant et délicieux. J'aimerai tellement recommencer. Mon Dieu Svetlana je t'en supplie, réveille-toi. » J'éclatai en sanglots avant de sombrer dans un sommeil sans rêves. Ce fut Florian qui me réveilla.
« -J'ai dormi combien de temps ? » Demandai-je, encore un peu dans les vapes.
« -Trois heures, il est neuve heure. Rentre chez toi je vais te remplacer.
-D'accord merci beaucoup de ton soutien.
-C'est normal. Tu as cours ?
-Que cet après-midi, de toute façon je dois rentrer chez moi pour prendre mes affaires et puis me doucher aussi parce que là c'est une catastrophe.
-Je confirme oui. » Nous rigolâmes un peu mais la fatigue s'entendait dans nos voix et se voyaient dans nos gestes.
« -J'y vais. Je viendrai peut-être ce soir.
-Je vais demander au médecin de me prévenir s'il y a du nouveau pour que tu ne sois pas dérangée en cours.
-D'accord, envoie-moi un message quand même. A plus tard.
-A plus. » Je sortis de la chambre puis de l'hôpital et partis vers le bus pour rentrer chez moi.
Une heure plus tard j'ouvris la porte de mon grand appartement ; personne heureusement. J'enlevai mes chaussures et partis dans ma chambre. Je fis mon sac, fixai mon réveil pour midi trente et m'endormis.

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