Chapitre 1

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Svetlana Perova
Trois heures du matin
Lyon

Voilà. Je fermai mon vieux sac militaire que je traînais depuis 5 ans et fis un dernier tour de mon petit studio pour m'assurer que je n'avais rien oublié. Il n'était vraiment pas grand : une pièce qui faisait office de salon/salle à manger et chambre avec une petite cuisinière. Dans le coin gauche il y avait une petite pièce avec une bassine, un pommeau de douche et des toilettes. La seule fenêtre qu'il y avait était un velux qui se situait au-dessus d'un vieux canapé en cuir marron usagé, qui me servait de lit. Cela faisait deux ans que j'étais parti de chez moi. Le 6 mars 2017. Je venais de sortir de l'hôpital et il y avait beaucoup trop de tension chez moi, j'avais préféré partir avant de refaire une connerie. Enfin. Il était temps que je parte. Je fermai la porte de mon ancien studio et descendis les six étages à pieds. A cette heure les métros n'étaient pas encore en fonctionnement et je pressai le pas pour ne pas me retarder plus que je ne l'étais déjà.

Après une bonne vingtaine de minutes j'arrivai enfin à bon port. Le soleil commençait à se réveiller très doucement alors que je déposais une lettre sous le paillasson de ma mère. Après ceci je descendis dans le hall et m'arrêtais devant l'unique miroir. J'avais des cheveux rose pastel et des mèches améthyste qui s'arrêtaient en haut de mon dos, pour tout maquillage je m'étais simplement mis du mascara. Mes vêtements quant à eux étaient d'une banalité sans égal : un short – je n'aime pas voyager en avion en pantalon – et un chemisier léger blanc. Il contrastait avec mon gros sac militaire c'est vrai, c'est pour cela que j'avais mis un sweat noir par-dessus. Après ce coup d'œil je partis de l'immeuble et pressai le pas pour avoir la première navette. Elle m'emmènera en 30 minutes à l'aéroport.
Pendant que je l'attendais patiemment sur le quai un groupe de jeune légèrement éméchés s'approchèrent de moi.
« -Hé mais c'est pas la suicidée là ? » S'exclama un des garçons en me pointant du doigt.
« -Si c'est elle, t'as raison. On va lui faire un petit coucou. » Ils étaient maintenant qu'à un mètre de moi. Je n'avais pas peur me serrais quand même les poings, prête à taper au besoin.
« -Alors ? Toujours pas suicidée ?
-Ce qui est sûr c'est que je préfère mourir en me suicidant plutôt que de finir comme vous. » Je les regardais de haut en bas avant de leur sourire. La navette arriva et je m'y engouffrai, laissant mes anciens camarades de classe sur le quai. Même si je les trouvais pathétique à se bourrer pour le défi ou pour le style, il m'arrivait de les envier de temps en temps. Parfois je me dis que j'aurai préféré être une jeune fille de 19 ans normale, qui ne se soucie pas de la cruauté du monde. J'aurai aimé danser toute la nuit et sortir de boîte au petit matin avec mes amies, en train de rigoler pour tout et n'importe quoi. Je n'ai jamais eu cette vie-là. Je n'ai jamais eu cette chance-là. Et je ne l'aurai jamais. Je soufflais et m'installais tout au fond. Une fois bien calée je lançai une musique : Nico&Flo. Deux chanteurs russes que j'allais voir en concert dans un peu plus de douze heures et que j'adorais depuis l'âge de 14 ans. Ils avaient 16 ans et c'était au début de leur succès mais, même à l'époque ils avaient un talent incroyable. Je m'emballe un peu. J'avais aussi vraiment hâte de retourner dans mon pays natal, l'excitation vint se loger dans mon ventre rien qu'en repensant à cette terre aux milles souvenirs.

Après ces trente minutes de trajet, de questionnement, de doutes j'arrivai à l'aéroport. Mon avion partait dans deux heures et demi, si j'avais de la chance.
Je me perdis un peu dans cet immense hall, ce dédale de couloirs et arrivai, au bout de dix minutes de marche, à ma porte d'embarcation. Une fois m'être assurée que c'était la bonne je m'assis lourdement sur un siège, à côté d'une prise. Je sortis un livre et me plongeai dans ma cinquième relecture de Michel Strogoff.
Deux heures plus tard et les trois quarts du livre dévorés une voix retentit : « L'avion 1757 en direction de Saint-Pétersbourg est arrivé. Les passagers sont priés de se présenter à la porte d'embarcation numéro 4. Merci. » Je rangeai avec hâte toute mes affaires et me mis dans la file avant qu'elle s'allonge un peu plus. Ce fut à mon tour au bout de quelques minutes seulement. Une fois devant l'hôtesse je lui présentai mon passeport et mon billet, qu'elle prit sans daigner me regarder. Elle me les rendit après une courte vérification et je pus enfin me dire qu'après 8 ans j'allais enfin retourner en Russie. Retrouver ma vie d'avant ; à quelques détails près. Une autre hôtesse – un peu plus aimable – me montra mon siège, qui était tout à l'arrière de l'avion. Je la saluai avant de partir m'installer. Ce soir j'allais à un concert. Et pas n'importe lequel, non. Celui de mes idoles. Je l'attendais depuis que j'avais quatorze ans. Je lançai donc leur musique et me replongeai dans la fin de mon livre pendant que l'avion s'avançait vers la piste de décollage.

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