Chapitre 10

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Florian Markov
10 juin 2019, 23 heure
Gare Ladozhsky


​Kim, Laila, Svetlana et moi attendions patiemment le train. Nous partions vers Salmi pour aller faire de l'exploration dans une gare abandonnée, perdue en plein milieu de la campagne russe, au nord du lac Ladoga pendant trois jours.
Nous avions tous nos sacs de randonnée avec notre nourriture, de quoi se changer et notre couchage. Chacun de nous avions pris de quoi nous exprimer J'avais mon appareil photo car l'endroit promettait un paysage magnifique. Svetlana son carnet de voyage – personne n'avait le droit de le toucher –, Kim de quoi dessiner, Laila ses partitions. On formait une bande unie et pourtant chaque personne avait son caractère, ses habitudes, ses défauts et ses qualités. Nous étions tous différents et cela faisait notre force – même si parfois quelques conflits pouvaient avoir lieu. Le train arriva et nous allâmes nous installer sur une banquette à six.
Laila sortit une couverture et s'emmitoufla dedans avant de sombrer dans un lourd sommeil.
« -Kim, viens. » Fit Svetlana en se levant. Elle avait son air grave, celui qu'elle avait depuis notre retour à Peters'. Qu'est-ce qu'il se passait ?
Ils revinrent quelques minutes plus tard et la seule phrase que j'entendis fut un « merci beaucoup » prononcé par Svetlana.
Puis les souvenirs de la veille revinrent.
​« -Je vais chez ma petite amie, je reviens demain dans l'après-midi » Nicolaï claqua la porte et je me retrouvai enfin seul avec Kim.
« -Tu m'avais promis de m'apprendre à danser le tango ! » Fis-je, tout excité à l'idée de danser avec lui.
« -Allons dans le salon. Je vais t'apprendre des pas simples par contre. »
Cela faisait au moins une heure que l'on répétait la même danse. A la fin Kim rajouta un penché et m'embrassa. J'entendis des clés tomber. Nous nous redressâmes d'un coup ; Nicolaï était en face de nous.
« -Florian ! C'est... c'est pas possible ! Comment tu peux... » Je m'approchai doucement de lui mais il recula vivement. « Ne me touche pas ! Tu n'es qu'un putain de monstre dégueulasse ! Et toi là ! » Il pointa du doigt Kim « Je ne veux plus jamais te voir ici ! Dégagez !! » Sous la peur de la fureur de mon frère je pris la main de Kim et partis précipitamment. « Vous n'êtes que des monstres ! » Entendis-je avant que la porte ne se claque.
Depuis, aucunes nouvelles de Nicolaï. Le problème c'est que nous avions un clip à tourner. Si je n'allais pas lui parler, ça allait être compliqué...
« -Flo, mon amour ça va ?
-Juste la soirée d'hier.
-Je comprend. Viens là. » Il me serra fort dans ses bras. Je me sentais bien là, près de son cœur. Il me protégeait de tous les dangers du monde, il me calmait. Je l'aimais tellement.
​« Nous arriverons dans quelques instants à la gare de Salmi. » Je me réveillai en baillant. J'étais bien sur les cuisses de mon amoureux. Je me redressais avec difficulté. Svetlana avait déjà rangé toutes ses affaires et Laila était en train de le faire.
« -Aller mon petit sucre, faut te lever.
-Mh, laisse-moi deux secondes. » Je m'étirai et commençai mollement à plier ma couverture et à la ranger dans mon sac. Il y avait cette atmosphère si particulière au voyage. Personne ne disait rien, nous étions tous ensommeillé et nos gestes étaient faibles.
Le train s'immobilisa et nous en descendîmes. A peine nos pieds avaient touché le sol que Svetlana alluma sa cigarette. Je voulus lui faire remarquer qu'il était interdit de fumer sur les quais mais me ravisais. Elle s'en foutait de toutes ces lois.
La gare semblait avoir été construite au milieu de nulle part. Nous étions d'ailleurs les seuls sur les quais. Nous partîmes vers le nord. Nous avions entre deux à trois heures de marche et enfin nous serions en pleine campagne russe, loin de tout.
​C'est vers neuf heures que nous entrevîmes un bout de la gare abandonnée. Et après une bonne dizaine de minutes de marche parmi les pins, avec la fraicheur du matin qui commençait à s'évaporer, nous arrivâmes à destination.
Nous trouvâmes sur place la petite gare avec son toit complètement écroulé et surtout la pièce majeure ; un train tout entier presque intact, mise à part la rouille et la mousse qui l'avait rongé.
« -Ça fait combien de temps qu'elle a été laissée à l'abandon ? » Demanda Svetlana, à qui l'effet de la forêt semblait lui avoir fait du bien.
« -Je dirais quarante ans ?
-Ouais pareil. » Nous entrâmes dans le premier wagon et je commençais à prendre des photos. L'endroit était magnifique, la poussière révélait les rayons de soleil et la verdure avait repris ses droits. Elle était partout. Les murs s'étaient un peu écaillés et le sol était jonché de tout et n'importe quoi. Il restait beaucoup de bagages, ce qui me semblait bizarre.
« -Les gars ! J'ai comme l'impression que les gens ont dû quitter précipitamment l'endroit vu le nombre de valises et de sacs.
-C'est pas impossible. Je pense que cet endroit a dû faire partie des heures sombres de l'URSS.
-Y'a peut-être même des documents top secrets ! » S'écria Laila, toute heureuse.
« -On les cherchera t'inquiètes. » Je lui fis un clin d'œil. Svetlana écrivait tranquillement. J'avais remarqué que lorsqu'elle était concentrée elle sortait la langue et plissait son front. Mais surtout son regard changeait. Je ne saurai pas expliquer comment mais il changeait. Elle était comme elle-même, coupée du monde. C'est comme si elle s'enfermait dans un rôle avec les autres... Je capturai ce moment.
« -Hé ! Ne me prend pas en photo, j'étais moche là !
-Mais non t'étais magnifique. » M'exclamai-je en lui montrant la photo.
« -Mouais... » Elle rangea son précieux carnet usé jusqu'à la corde et alla dans la cabine du conducteur. « Florian, viens voir. » Je la rejoignis et elle me montra un calendrier s'arrêtant en mars 1975.
« -Putain le saut dans le passé.
-Certes mais regarde. » Elle me montra une écriture au stylo rouge le vingt-trois. Elle était presque illisible mais on devinait le mot : t-s. Pour tests scientifiques.
« -C'est pour ça que tout a été abandonné. Il devait y avoir un labo ou une connerie du genre par ici et le vingt-trois, des tests – chimiques certainement – ont dû être réalisés et les gens ont dû quittés les lieux précipitamment. » Je regardai Svetlana abasourdi. L'adrénaline d'une telle découverte me parcourra le corps.
« -Les gars venez voir ! » Kim et Laila répliquèrent presque immédiatement. Svetlana leur montra le calendrier et expliqua sa théorie.
« -C'est plausible en plus j'ai entendu parler d'une base scientifique pas loin. » Fit Kim en mettant ses lunettes pour mieux observer le calendrier. Il était très beau comme ça. « Continuons à explorer on trouvera peut-être des trucs plus explicites. » Avant de me remettre en marche je pris quelques photos.
Les sièges en bois avaient tous été envahis par la mousse et le lierre. Le seul bruit que l'on pouvait entendre était celui de nos pas.
​Vers midi nous étions arrivés à la fin du train et ma première carte SD était presque pleine. Nous nous posâmes sur les banquette et sortîmes nos sandwichs.
« -Bon app' les amis !
-A toi aussi. » Je croquais dans mon sandwich et ma faim se calma un peu. Le repas était silencieux. Svetlana regardait presque tout le temps par la fenêtre comme si elle craignait quelque chose. Kim me dévorait littéralement des yeux et Laila mangeait petits bouts par petits bouts en lançant des petits regards soucieux à Svetlana. Tout était calme, reposant. La main de mon amoureux se posa sur ma cuisse et dispersa une certaine chaleur. Je lui souris et l'embrassai délicatement.
« -Je t'aime mon chéri. » Un petit bruit nous fîmes tous tournés la tête vers l'autre côté du train. Nous nous stoppâmes. A deux mètres à peine de nous se trouvait un ours. Il était majestueux, calme et semblait chercher quelque chose. Je pris doucement mon appareil photo et réussi à prendre un cliché avant que l'animal ne parte.
« -On vient vraiment de voir un ours là ? » Chuchota Laila. Nous étions tous étonnés et un peu abasourdi par cette rencontre incroyable.
« -Wow c'était... » Svetlana ne finit pas sa phrase. Personne ne savait trop quoi dire en réalité alors on préférait se taire.
​Le soleil allait bientôt commencé à décliner et nous décidâmes d'installer notre campement. Nous avions décidé de dormir dans le train au cas où il ne pleuve. Après avoir déblayé un peu nous attachâmes nos hamacs et installâmes nos duvets. La nuit risquait d'être un peu froide je rajoutai donc une couverture sur mon duvet. Je fermais les fenêtres – même si l'ancien train avait des trous dans ses murs.
Une fois notre petit coin dodo installé nous sortîmes les lampes, les jumelles et les polaires puis nous partîmes en exploration de nuit. J'avais changé de carte SD. Svetlana écrivait toujours.
Le soleil déclinait doucement, rendant le monde orange et rouge. Les pins verts devinrent noirs dans le contre-jour. Les seules couleurs étaient celles du ciel qui se transformaient petit à petit pour tendre vers du violet, rose et bleu, le dessous des nuages était d'un orange presque fluo très beau et poétique. C'était un vrai tableau. J'empruntai une feuille à Svetlana pour écrire un début de parole.
Nous nous arrêtâmes au sommet d'une petite colline, nous permettant une vue assez panoramique et surtout magnifique. Je pensais que ce genre de petit moment n'arrivaient que dans les films et pourtant...
Le soleil n'était plus visible mais sa lumière nous permit de nous équiper pour l'exploration de nuit.
« -Un jour on ira au bout des rails.
-Elle mènent à Mourmansk.
-Justement, j'aimerai y aller un jour. » Dit Kim en finissait les derniers traits de son dessin.
Nous étions tous les quatre à marcher dans une forêt de pins, éclairés par les toutes dernières lumières du jour, à rechercher l'inspiration. Nous étions tous plongés dans nos pensées et nos réflexions, silencieux. Personne ne savait ce que faisait l'autre et ne s'en préoccupait pas.
La nuit était arrivée et un petit vent se leva, j'enfilai ma polaire.
Vers une heure du matin nous étions retournés à notre campement. Rien n'avait bougé ni n'avait été volé. Je fus rassuré. Nous devions nous lever à trois heure du matin pour aller admirer le lever de soleil. Je grimpai rapidement dans mon hamac après m'être mis en pyjama, me glissai dans mon duvet et fermai les yeux. Kim vient m'embrasser et me souhaiter bonne nuit. J'avais l'impression d'avoir cinq ans mais j'aimais bien. Je souris comme un stupide et l'embrassai en retour. Au loin Laila et Svetlana parlaient de je-ne-sais-quoi. Je pris mon appareil photo que je gardais sur moi et les pris en photo. On n'y voyait pas grand-chose mais je trouvais cela poétique.
« -Dors Florian, tu vas être fatigué demain. » fit Kim en se couchant. Je posai mon appareil photo à côté de moi et fermai les yeux. Un petit vent frais me touchait le visage et je m'endormis.

​« -Florian le soleil va se lever. » Sa douce voix me réveilla calmement. Effectivement il y avait une petite lumière signifiant que le soleil allait arriver.
« -Le café est prêt. » En me redressant je vis Laila, Kim et Svetlana. Elle semblait ne pas avoir dormi. Je m'étirais et sautai de mon hamac pour rejoindre le petit groupe autour de la table du petit-déjeuner.
« -Bien dormi ?
-Tranquille et vous ? » Kim et Laila répondirent à l'affirmative et Svetlana ne dit rien. Mais qu'est-ce qu'elle avait à la fin ? Je fis un signe discret à Kim pour le lui demander et il haussa les épaules. Je décidai dons d'enclencher le plan B.
« -Svetlana ?
-Oui ?
-Je dois te parler tu peux venir s'il-te-plaît ? » Elle acquiesça et nous nous éloignâmes du petit groupe, assez pour qu'il ne nous entende pas.
« -Qu'est-ce que t'as ? Tu es silencieuse et comme ailleurs.
-Je pense juste à mon passé. C'est compliqué.
-Je comprend mais là on est tous les quatre au beau milieu de la campagne russe donc pense au présent.
-Ouais je sais mais...
-Y'a pas de mais. Maintenant tu lâches ta cigarette et tu vas profiter du moment actuel ok ?
-Ok. » Elle sourit sincèrement et nous rejoignîmes le groupe.
« -Aller il faut qu'on se bouge si on ne veut pas rater le lever de soleil. » Déclara Svetlana avec enthousiasme. « Préparez-vous, j'ai quelque chose à faire avant. » Elle partit dans les anciennes toilettes et revint deux minutes après. Les cheveux noirs.
« -Hein ? » Je ne comprenais rien et apparemment j'étais le seul.
« -Pour t'expliquer rapidement Flo, je porte une perruque pour certaines raisons et j'ai décidé que cela devait stopper. Donc voilà.
-J'étais le seul con à pas savoir ?
-Kim est mon ami d'enfance et Laila... comment dire... le sport de chambre.
-Je vois. » J'étais toujours assez surpris par cette nouvelle mais je préférai Svetlana aux cheveux noirs, elle était plus elle-même. Ses cheveux d'un noir de jais parfait s'arrêtaient juste en haut de son dos et étaient naturellement ondulés. Ils étaient très beaux. Ils contrastaient beaucoup avec ses yeux presque violets. Svetlana était lumineuse ainsi. Je pense qu'elle nous a tous aidés à trouver notre chemin. Elle m'a sauvé la vie, elle a remis Kim sur le bon chemin et a sauvé Laila de son père. Alors pourquoi se détestait-elle autant ? C'était une merveilleuse personne. Pourquoi vouloir se faire du mal ? Pourquoi avoir tenté de mourir ? je n'aurai certainement jamais de réponses à ces questions. Au final ça la regardait. Mais elle savait qu'elle pouvait me parler de tout, j'espère. Le gris d'avant jour disparaissait de plus en plus et le monde en couleur apparu. Svetlana écrivait à une vitesse remarquable et du peu que je voyais elle écrivait assez bien.
La luminosité augmentait de minutes en minutes et les premiers rayons commençaient à peindre une lumière de plus en plus jaune, comme de l'or. Ma deuxième carte SD se remplissait à la vitesse de la lumière. Je mitraillai littéralement le bouton, si bien que j'en avais mal au doigt.
Le soleil pointa finalement son bout du nez et la lumière grise partit très loin. Nous nous assîmes et observâmes ce spectacle fabuleux. Le seul bruit qu'on entendait était nos respirations. Svetlana se mit à genoux et pria. Après ce geste religieux, elle semblait plus apaisée, tranquille.
Nous repartîmes trente minutes plus tard, quand le spectacle fut fini.
« -Bon aujourd'hui on cherche ces fameux documents ? » S'exclama Laila, excitée par l'idée.
« -Yep ! »
Arrivés au campement nous rangeâmes un peu et nous partîmes à l'exploration du bâtiment de la gare que nous n'avions pas eu le temps de faire hier.
« -Demain on part à quelle heure ?
-Notre train est à onze heure, donc on va dire sept heures ?
-Donc il nous reste vingt-sept heures, c'est tranquille. » Nous arrivâmes enfin au bâtiment. L'abri de verre des quais était effondré et des racines d'arbres encerclaient les piliers tombés au sol. La mousse s'était immiscée partout et le lierre suivait l'armature en fer du toit de verre. La gare était assez petite et le rez-de-chaussée fut vite fait.
Dans une des salles réservées à l'ancien personnel de la gare nous avions trouvés un escalier et nous le prîmes. En bas il faisait totalement noir. Je me rapprochai automatiquement de Kim.
« -Ne t'inquiètes pas mon petit sucre, je suis là, il ne t'arrivera rien. » Laila et Svetlana étaient passées devant avec les lumières. C'était simplement une salle de machine. Avec un peu beaucoup de machine pour une si petite gare.
« -Les gars... » Svetlana pointa la lampe torche sur une machine qui n'avait rien à faire dans une gare.
« -Le labo... » La meilleure cachette est toujours à la vue de tous. Qui se douterait qu'un labo de chimie communiste se trouvait sous une gare de campagne ? Chaque bruit nous faisait sursauter. On avança doucement et ce qu'on découvrit nous fit des frissons. Des cages où des animaux avaient dû être enfermés ; des plans de travail de chimistes ; des vieilles bouteilles de produits peu rassurants et surtout, plus nous avancions plus des traces de cramé apparaissaient au sol et sur les murs. Après avoir marché même pas deux mètres, les guides stoppèrent net. Svetlana éclaira un énorme trou dû à une explosion. Même le plafond était touché et on voyait presque le jour. Cette vision était clairement terrifiante. Après que j'ai pris plusieurs photos nous continuâmes le tour du labo. C'est tout au fond que nous trouvâmes des papiers. Dont un télégramme :
« Arrêtez les tests stop lieu insécurisé stop dangereux stop risque de mort stop » Le télégramme datait du vingt mars.
« -Les scientifiques n'ont visiblement pas tenu compte de cet avertissement...
-Mais pourquoi la date sur le calendrier ? Dans une cabine de conducteur ?
-Je t'avoue que je n'en sais rien.
-Nous devrions remonter. Cet endroit me fout la chair de poule. » Déclara Laila qui s'était également agrippée au bras de Svetlana qui ne semblait pas très sereine également.
« -Tu as raison. » Laila reposa le télégramme et nous nous dépêchâmes de remonter et de nous réfugier dans le train.
« -Récapitulons. Dans la cabine du conducteur on a trouvé un calendrier avec écrit pour le vingt-trois mars 1975 tests scientifiques. Ce qui pourrait signifier que le personnel de gare était au courant qu'un labo vivait en dessous d'eux.
-Ensuite on trouve un laboratoire complétement abandonné et en ruine avec tout l'équipement et les produits chimiques sur place. On découvre une explosion et un télégramme qui dit que les tests sont dangereux et qu'il faut partir du laboratoire.
-Les scientifiques n'ont apparemment pas respecté cet ordre et ont continué les expériences.
-En fouillant le wagon j'ai vu plusieurs billets datés au vingt-trois mars. » Intervint Kim.
« -Donc la vie ici s'est arrêté le vingt-trois. A cause de l'explosion. Mais est-ce que c'est une erreur d'un des chimistes ? Une expérience prévue ?
-C'était certainement un truc prévu car les employés connaissaient la date.
-Peut-être que c'est un coup des américains ? Un infiltré ou même un anti-communiste ? » Fis-je remarquer. J'adorais les énigmes du passé comme ça. Je voulais découvrir la vérité. Le bruit de voiture nous stoppa. On se regarda tous. Et dans un silence nous remballâmes nos affaires. Kim nous montra une trappe qui menait sous le train. On y passa un par un. D'après les bruits c'était certainement l'armée. S'ils nous trouvaient nous étions vraiment dans la merde.
Les bottes militaires tapèrent violement sur le sol, plus les bruits se rapprochaient plus les battements de mon cœur s'accélérèrent. J'entendis des brides de discussion entre deux militaires.
« -R.A.S ici aussi. Il n'y a personne.
-J'espères bien. Faudrait vraiment qu'ils vident cette gare de leurs documents top secret parce que c'est chiant de se déplacer à chaque fois que les détecteurs de mouvements se déclenchent. Et puis les docs datent du milieu de l'URSS, on s'en fout. Franchement ceux qui viennent ici c'est pour le train surtout.
-T'as raison. Non ce qu'il faudrait vraiment vider c'est Tchernobyl. J'aimerais bien savoir ce que Pripiat abrite comme infos top secrètes.
-Parle moins fort, si le chef nous entend on est mort.
-Le chef il pense comme moi : on a déjà eu cette discussion lors de notre explo'.
-Ce soir on va au bar Chez Lénine ?
-Ouais. » Les pas s'éloignèrent et après une bonne vingtaine de minutes nous entendîmes les voitures partirent. Nous attendîmes encore une bonne heure je pense. Nous étions trop terrorisés pour oser bouger ne serait-ce que le petit doigt.
« -Il faut qu'on parte d'ici. S'il y a des détecteurs de mouvements ils vont revenir dès qu'on va bouger.
-Je pense que c'est plus dans le labo mais c'est plus sécurisé de partir. » Nous rampâmes sous le train et partîmes en courant, au ras du sol presque.
Pendant dix minutes nous avancions sans trop savoir où nous allions.
Nous nous stoppâmes épuisés. Après avoir repris un peu notre souffle nous explosâmes de rire.
« -Oh putain c'était incroyable ! » S'exclama Svetlana en s'allongeant.
​Le soir était vite arrivé et nous installâmes notre campement. Demain une grosse marche nous attendait. Un court repas ingéré et nous nous couchâmes avant le soleil.
« -Bonne nuit les gars, j'vous aime fort. » Fit Svetlana.
« -Moi aussi je vous aime. » J'éteignis ma lampe frontale et recouvrai mon visage de ma couverture avant de partir dans un lourd sommeil.

​Nous marchions depuis au moins une heure trente et la fatigue des derniers jours se faisait ressentir. La gare de Salmi n'était plus qu'à une heure d'après Kim. J'espère car j'en pouvais plus.
Sur le chemin les thermos de café se vidèrent très vite. Si bien qu'enfin arrivés à la gare, elles étaient toutes vides et le train venait d'arriver.
Nous nous écroulâmes littéralement sur les banquettes. Les gens autour de nous nous regardaient assez bizarrement mais à ce moment tout ce que je voulais était un lit douillet. Je décidai de fermer les yeux, aillant huit heures devant moi. Je pense que le reste du groupe m'imita.

​Le retour à la maison me stressa énormément. Quand je poussais la porte je compris qu'il n'y avait personne. Kim était resté chez lui, c'était mieux. Je mis mes affaires sales dans la machine à laver et fonçai à la douche.
L'eau chaude sur ma peau me fit un bien fou et la crasse amassée des trois derniers jours partit très vite. J'éteignis l'eau après trente minutes de plaisir et m'habillai d'un jogging et d'un sweat. J'entendis la porte se fermer. J'allai à la rencontre de mon frère.
Lorsqu'il me vit il m'ignora en premier puis je lui barrai la route pour le forcer à me regarder.
« -Il faut qu'on parle, Nico.
-C'est toi qui est parti. » Nous nous installâmes dans la cuisine et je pris une inspiration.
« -Ecoute. J'aime Kim et il m'aime. Ok on est différent mais certainement pas des monstres. Je n'ai pas décidé de qui j'allais aimer mais ce n'est pas une maladie ni une malédiction ou je-ne-sais-quoi. Je peux comprendre que cela t'est surpris mais tu ne peux pas me rejeter simplement parce que mon cœur aime les hommes.
-Tu es mon frère, je ne vais pas te rejeter. Il faut accepter les autres et leurs différences. Mais sache que si je revois ce Kim ici je ne réponds plus de rien ok ?
-Ok.
-Aller, il faut qu'on prépare le tournage du clip. On part dans une semaine. » Nous nous installâmes à notre bureau dans le salon et commençâmes à récapituler tous les plans à faire, où sera placer les caméras, leurs mouvements etc. Tout cela nous occupa jusqu'au soir. Cela m'avait fait du bien de partager un moment comme ça avec mon frère. Depuis trois mois environ on ne partageait plus rien. J'écrivais les musiques de mon côté tandis qu'il travaillait pour devenir ingénieur ou je ne sais quoi.
Nous étions en train de manger des pâtes lorsque mon frère lança :
« -Je sais que ça t'attriste que je veuille arrêter la musique mais j'ai plus la motivation et je pense qu'on ne pourra pas en vivre très longtemps. Le succès est éphémère sur internet.
-Je comprend mais essaie de d'investir un peu pour les dernières musiques. Pas forcément pour moi mais pour nos fans.
-Je vais essayer. Et tu comptes faire quoi ?
-Je ne sais pas. » La discussion s'arrêta là. Mais une autre plus gênante démarra.
« -Comment vous faites entre hommes ?
-Hein !? » Je faillis m'étouffer avec ma coquillette.
« -Bah pour...
-Va regarder sur internet ! Je n'ai pas envie de te parler de ça !
-Calme-toi c'était une question.
-Bah c'est très gênant comme question. Surtout après ce que tu m'as dit... » Nous ne nous parlâmes pas pendant un long moment.
« -Il faudrait qu'on se refasse un truc entre frère. » Je voyais bien qu'il essayait de se racheter mais il m'avait pas mal énervé, je préférais m'en aller avant de partir dans les tours.
« -Ouais. » Je posai mon assiette dans l'évier et partis dans ma chambre.
Pendant toute la nuit je traitai toutes les photos prises durant notre exploration. Sur l'une d'elles on voyait le carnet de Svetlana. Ce que je réussis à lire me fit peur. Une citation de Tolstoï il me semble – je n'avais pas une grande culture générale. Et on voyait clairement la phrase : « je voyais que, devant moi, il n'y avait que la mort ». Pourquoi avait-elle noté cela ? En dessous on pouvait voir beaucoup d'annotations que je n'arrivais pas à lire. Je me rendis compte que je rentrais dans son intimité, je supprimai donc la photo.

​Le départ pour le tournage était vite arrivé et les filles étaient venues nous dire au revoir. Je l'avais dit à Kim la veille pour ne pas qu'il croise mon frère.
« -Bon tournage les gars, j'espère que vous allez bien vous amusez. J'ai hâte de le voir ! » Laila était toujours heureuse. Elle me fit un gros câlin.
« -T'inquiètes je vais bien m'éclater ! » Je lui fis un clin d'œil. Svetlana s'avança vers moi et me serra fort contre elle.
« -Ecoute-moi bien. Ne laisse personne te marcher dessus ok ? Tu es fort et intelligent. Encule tous les rageux – fais gaffe Kim est très jaloux – et fous-toi du regard des autres. Promets-le-moi.
-Je te le promet mais...
-Je t'aime très fort Flo. Merci pour tout ce que tu as fait. N'oublie pas, tu es une personne formidable.
-Moi aussi je t'aime Svetlana. » Elle me serra encore plus fort avant de se détacher de moi. J'étais décontenancé par ce petit dialogue chuchoté. J'embrassai une dernière fois Laila et Svetlana puis je rejoins mon frère dans le van loué pour l'occasion.
« -J'ai une question.
-Je t'en prie.
-Svetlana et Laila sont en couple ?
-Heu... oui mais comment...
-Je ne vais rien dire. C'est juste que ça se voit. » Puis plus rien.
Ma dernière discussion avec Svetlana me tournait dans la tête. Et si c'était la dernière discussion que j'aurais avec elle ? Mais non pourquoi ferait-elle ça ? Je décidai de lui envoyer un message.
Svetlana s'il-te-plaît tu es une personne formidable. On t'aime fort. Ne fais rien que tu pourrais regretter.

Ne t'en fais pas Flo. Toi aussi tu es formidable.

Je fus un peu rassuré mais un doute s'était installé dans ma tête. Et si ?...

​Une pause entre deux plans à tourner. Nous étions le vingt-quatre et dans deux jours nous devions retourner à Peters'. Depuis deux jours je n'avais aucune nouvelle des filles. Je décidai donc d'appeler Laila.
« -Allô, Laila ? » J'entendis des sanglots.
« -Flo... Rentre. S'il-te-plaît...
Il s'est passé quoi ??
Je... » Ce que j'entendis ensuite me glaça le sang... Non ce n'était pas possible... J'avais mal entendu... Je raccrochai et tanguai. Nicolaï se précipita vers moi.
« -Qu'est-ce-que tu as Flo ?
-Svetlana... »

4440 mots

Franchement je me suis éclatée à faire ce chapitre, jsuis partie dans un délire espion, mystère de l'URSS x) petit suspens à la fin qui fait plaisir aussi :) en vrai je suis sadique.
Je vais poster les 3 derniers chapitres dans les prochains jours et cette aventure avec vous se finira....

Bises
Rose

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