Chapitre 2

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TW : mutilation, drogue, alcool, envies suicidaires

Svetlana Perova
9 avril 2019, 20 heure 30
Appartement de Svetlana

Deux jours que le concert était passé. Deux jours que je n'avais pas bougé de mon lit. Quand je suis rentrée chez moi j'ai regardé les photos et vidéos du concert et depuis je n'ai ni bu, ni mangé, ni dormi. De temps en temps je regardais par la fenêtre les oiseaux se poser sur son rebord. Parfois la musique de mon téléphone se coupait par laisser place à ma sonnerie d'appel. C'était toujours Laila. Je n'avais pas la force de répondre. L'espoir que j'avais ressentis à l'arrêt de bus s'était volatilisé à peine m'étais-je écroulée sur mon lit. Avais-je vraiment envie de mourir ? Et surtout ainsi, morte de soif dans son lit ? Pas très glorieux. Simples questions qui me sauvaient régulièrement la vie. Je me levai donc, ayant décidée de ne pas rencontrer la mort ainsi et me dirigeai en direction de la salle de bain. Je me regardai un instant dans le miroir : je faisais peur. Le mascara que je m'étais appliquée deux jours auparavant me faisait des yeux de panda, mes cheveux étaient emmêlés et on pouvait voir la trace de mes larmes sur mes joues. Je me déshabillai et allumai l'eau, froide sans surprise. Après cette douche de 20 minutes – les réflexions sur la vie prennent beaucoup de temps – j'en sortis.

Une fois habillée d'un tee-shirt blanc et d'un short en jean bleu clair je pris mon argent, mon portable et ma petite boite en métal que je fourrai dans ma poche avant.
​J'entrai dans le premier supermarché que je croisai et me dirigeai vers le rayon le plus intéressant du magasin : les alcools. Je pris deux bouteilles de vodka et allai vers les caisses.
-Carte d'identité s'il vous plait. Me dit froidement le caissier. Je lui tendis et il l'inspecta quelques secondes avant de scanner mes deux achats. Je payai et sortis du magasin puis du centre commercial. A côté de la station de métro il y avait un tabac, je m'y engouffrais.
-Bonsoir. 4 paquets de cigarettes s'il vous plait.
-571 roubles s'il vous plait. Je lui tendis deux billets et lui mes paquets de clopes. Après cet achat je me dirigeai enfin vers la station de métro et m'y engouffrai. J'avais presque oublié la propreté et la beauté des lieux. Même si cette station n'était pas touristique elle dépassait les plus belles stations de Lyon. Je fis la queue devant les guichets, il fallait que je recharge ma carte. Arrivée au guichet je présentai ma carte.
-Mon dieu mais ce ne serait pas ma petite Svetlana ? S'exclama la vielle dame.
-Olga ! Je ne vous avais pas reconnu ! Comment allez-vous ? J'avais des larmes d'émotions aux coins des yeux.
-Comme d'habitude, toujours avec Piotr. Mais et toi ? Cela fait 8 ans que je ne t'ai pas vu, ni ta sœur. Je lui tendis ma carte et elle la rechargeait.
-Et bien nous étions parties en France mais je suis revenue, seule.
-Je vois. Comment va ta sœur ? Hélène c'est ça ? Je ne m'en rappelle plus je commence à me faire vieille, mais toi je n'aurais pas pu t'oublier. Elle me fit un clin d'œil amical et je lui répondis par un franc sourire.
-Elle va bien, enfin je crois. On ne se parle plus tellement. Je payai ma carte.
-Mh. Et bien il faudra que tu me racontes tout ça autour d'une bonne tasse de thé.
-D'accord on s'organisera ça. Ravie de vous avoir revue Olga. A bientôt. Elle me salua et je partis. Cette brave dame ! C'est vrai que je n'avais pas eu le temps de la prévenir de notre départ. Chaque jour, quand j'allais à l'école, je la voyais et, comme ma mère rentrait tard je l'attendais dans son guichet. C'était vraiment une personne en or. J'entamai la longue descente en escalateur qui durait une minute cinquante exactement.

​Après une demi-heure de transport je sortis enfin à l'air libre. Je me dirigeai d'un pas tranquille vers un des nombreux canaux de Saint-Pétersbourg. Après un kilomètre environ de marche je trouvai enfin ce que je cherchais : un escalier qui menait à une petite plateforme en béton, presqu'au ras de l'eau. Je m'assis en tailleur sur son bord et enlevai mes chaussures. Pendant de longues minutes je contemplais l'eau, son mouvement, le reflet de la ville et de ses lumières. L'agitation de début de soirée emplissait mes oreilles, me calmait. Le soleil commençait à décliner mais les couleurs orangées n'étaient pas encore présentes. Je fermais les yeux un instant, pour pouvoir profiter de cette ville, de son agitation journalière. Je ne pensais plus à rien, juste au vent fouettant doucement mon visage, aux odeurs de cuisines lointaines qui chatouillaient mes narines, au bruit des pas des passants, aux cris heureux des enfants, aux discussions quelconques des adolescents qui parvenaient jusqu'à mes oreilles. Tout ceci occupait mon esprit qui arrêta de divaguer et de se poser mille et une questions sur la vie. Ce petit plaisir que je ne m'étais pas accordée depuis trop d'années. Je l'avais oublié, j'avais oublié le monde entier, trop occupée à me morfondre sur mon sort, à me poser des questions auxquelles même toutes les nuits blanches du monde n'apporteraient point de réponse. J'avais oublié de vivre.

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