Chapitre 1 -✅

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Un mois et demi plus tard, alors que la sœur Albertine se pensait tranquille concernant l'enfant qu'elle avait recueillie, deux coups secs retentirent sur la porte massive de l'orphelinat.

À travers la vitre sale et opaque de l'entrée, on distinguait sans nul doute deux uniformes de policier. La religieuse, avant même d'ouvrir la porte, sut immédiatement que les deux hommes étaient là pour une seule chose, pour l'enfant. Elle repensa au pendentif, caché dans son bureau. Elle connaissait le vrai nom du nourrisson et sa date de naissance.

Essayant de refouler ses pensées, elle s'efforça à rester calme. Il n'y avait aucune chance pour qu'on puisse reconnaître Anne, elle en était persuadée. Elle s'arrêta un instant devant la porte avant de l'ouvrir avec désinvolture, faisant mine de rien.

— Messieurs, que puis-je faire pour vous ? demanda-t-elle poliment.

Les deux policiers ressemblaient à des grassouillets de cuisine. Albertine se détendit, ils n'avaient guère l'air compétent.

— Bonjour, ma sœur, commença un des deux flics. Nous enquêtons sur la disparition d'un nourrisson.

— Oh... Exprima-t-elle simplement comme si la nouvelle l'attristait.

Le policier hocha la tête.

— Oui triste affaire. La disparition a eu lieu début Novembre. L'enfant est une fille âgée de cinq mois, elle a des yeux bleus et des cheveux bruns bouclés. C'est un nourrisson provenant d'un riche foyer. La famille dédommagera quiconque lui rendra sa progéniture.

Un choix s'imposa à la religieuse. Elle pourrait restituer l'enfant en échange d'une belle somme d'argent. Mais comment expliquer la disparition du pendentif, ses cheveux rasés, sa peau infectée et le fait qu'elle n'ait pas alerté directement la police... Non, elle allait mentir.

Dorénavant la place d'Anne serait proche de la misère et en rien dans la soie et les mondanités. Une vengeance personnelle de la sœur à l'encontre des foyers riches qu'elle détestait.

— Une enfant bien née qui disparaît, quelle curieuse affaire... J'ose espérer que vous retrouverez vite ce bébé. En tout cas vous ne trouverez pas de bambin de cette condition ici, je le crains, messieurs.

Le policier regarda son collègue.

— Nous le souhaitons aux parents, ma sœur. Seulement, nous avons ordre de fouiller tous les établissements comme le vôtre. Pouvons-nous ?

Ils allaient visiter les lieux, c'était un fait. La religieuse eut une bouffée de chaleur, mais acquiesça à la requête du policier. Elle ne pouvait pas faire autrement, sous peine de paraître suspecte.

Dans le couloir menant à la nurserie, Albertine frottait ses mains moites sur son habit de nonne. Derrière elle, les deux policiers observaient l'endroit avec un certain dégoût. Une fois devant la porte de la pouponnière, la sœur osa espérer que les cheveux d'Anne n'avaient pas trop repoussé et que l'enfant maudit dormait.

— Messieurs, après vous, dit-elle en leur ouvrant la porte.

Les deux policiers entrèrent. La pièce était grande, mais étrangement vide, seuls les berceaux meublaient le lieu ainsi que deux chaises destinées aux nourrices. La religieuse fit sortir les deux nourricières, espérant de cette façon que les policiers ne leur posèrent pas de question. Les flics observaient chaque couffin un à un : les uns après les autres. Quand un des deux hommes s'attardait un peu trop longtemps, Albertine se sentait palir.

— Ce ne sont que des filles ma sœur ? demanda soudain un policier.

La religieuse répondit promptement :

Les jumeaux Réan - Roman -TERMINÉOù les histoires vivent. Découvrez maintenant