Chapitre 19 - ✅

771 138 134
                                    


— Tout va bien ? demanda Abel en constatant la moiteur de la main d'Anne sur sa peau.

La jeune actrice le regarda et essaya de faire mine que tout allait bien en hochant la tête. L'ambiance de la grande salle de réception avec son marbre froid, son époustouflante luminosité et son silence assourdissant rendait cette leçon stressante.

— Vous savez, c'est normal d'être stressée. Ce qu'on vous demande n'est pas quelque chose d'anodin, expliqua le jeune homme d'un air doux.

Il était clair que ça ne l'était pas. Nulle part ailleurs ne pouvait se passer une chose comme celle-ci. Le destin d'Anne aimait lui jouer des tours.

Anne songea à ses camarades restées dans la crasse de l'orphelinat. Elle mourait d'envie de leur confier son nouveau rôle abracadabrantesque ! Mais hélas, elle se doutait qu'elle ne pourrait pas en leur en toucher un mot. Pourtant, elle aurait voulu leur parler de la gentillesse d'Abel, de ces toilettes majestueuses qu'elle allait porter, du bal auquel elle allait assister... Du moins, elle pourrait en parler à Cosette, seule à seule. Son amie ne dirait rien à personne, elle avait confiance en elle. Il lui tardait vraiment de la revoir. Mais combien de temps durerait la duperie, ça elle n'en savait rien. Sans ses gages, elle n'irait pas loin.

— Excusez-moi, dit-elle en frottant sa main sur son uniforme.

Abel regarda par la fenêtre et annonça après quelques instants :

— Il fait beau dehors. Nous allons continuer cette balade dans le jardin. Je vous apprendrai quelque chose d'utile sur mon frère.

Ils traversèrent le hall à la tapisserie jaune, se dirigeant vers une des deux portes-fenêtres, donnant sur la terrasse attenante au magnifique jardin fleuri. Le soleil était haut dans le ciel et la chaleur était clémente.

— Prenez mon bras.

Anne s'exécuta.

— Bien, ne prenez pas cela comme un exercice, pensez juste à une promenade sympathique.

Ils descendirent les quelques marches de la terrasse et commencèrent leur balade dans le jardin. Abel expliquait à Anne le bon rythme pour marcher. Elle avait tendance à presser le pas un peu trop. Selon lui, elle avait une assez bonne posture, même si elle ne mettait pas assez son buste en avant. La main de la jeune fille, toujours un peu moite, avait cessé de l'être une fois qu'ils aient eu regagné un des bancs près de la fontaine. Le clapotis de l'eau était apaisant.

— Essayez-vous de me ménager parce que votre frère, lui, sera intransigeant ? dit-elle en voulant s'asseoir sur le banc à côté de celui où venait de s'asseoir Abel.

— Asseyez-vous à côté de moi, il faut que vous preniez l'habitude de voir en moi votre égal, expliqua-t-il en joignant le geste à la parole. J'ai deux ou trois choses à vous apprendre sur la façon dont une jeune dame doit se tenir assise.

Anne eu envie de rire, il y avait aussi une posture pour s'asseoir ? C'était vraiment d'un ridicule sans nom.

Le jeune maître reprit :

— Mais dites-moi, j'ai l'impression qu'il ne vous a fallu que quelques semaines pour cerner une partie du caractère de mon frère.

Quand elle fut assise, il lui expliqua comment installer ses jambes (sur le côté). Son dos devait être bien droit. Anne trouvait la position peu confortable, la position assise était faite pour se détendre et non tenir ses jambes de manière parallèle et en biais !

— Alors j'ai raison quand je dis qu'il sera intransigeant ! s'esclaffa-t-elle.

— Tout à fait. Mon frère est très pointilleux, mais il ne sera pas méchant, il sera compréhensif.

Les jumeaux Réan - Roman -TERMINÉOù les histoires vivent. Découvrez maintenant