Chapitre 21 -✅

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Le temps de réponse du jeune maître parut infiniment très long. En vérité, il avait mis un certain temps à répondre. Peut être de l'ordre de quarante secondes. Mais quand on attend avec impatience une réponse, cela peut-être assurément interminable.

Anne, qui n'avait pas vraiment d'attache pour Arthur, en comparaison avec l'amitié qu'elle sentait naître avec son frère jumeau Abel, se demanda pourquoi la réponse qu'allait lui donner le jeune maître Arthur l'intéressait tant.

Mais si Arthur avait réfléchi aussi longtemps, c'est parce que personne n'avait dû un jour lui poser la question.

— Je ne crois pas que cette question soit nécessaire à votre formation. Et il me semble que vous m'avez déjà posé cette question. Différemment certes, mais vous savez ma réponse, dit-il en remettant sa veste et en sortant de la pièce. Sinon, nous n'en serions pas là.

Anne se demanda s'il avait été sincère. Il avait vraiment éludé la question, sans y répondre vraiment.

— Vous l'aimez donc, dit-elle dans un murmure.

Anne qui ne connaissait rien de l'amour se demanda comment était ce sentiment. Le connaîtrait-elle un jour ?

Le cours de danse était manifestement terminé. Anne put enfin enlever ses nouvelles chaussures, qui au bout d'un moment lui avaient fait mal aux pieds. Elle n'avait pas encore l'habitude de porter ce genre de soulier. Quand elle les déposa dans sa petite chambre de bonne, Marthe vint la rejoindre.

— Anne, je ne t'ai point vue de l'après-midi. Comment ça se passe ? Je ne sais même pas comment qualifier cette chose, dit-elle en faisant une sorte de grimace. Tout s'est bien passé ?

Anne enfila ses chaussures plates et elle poussa un soupir de soulagement. Comment faisaient toutes ces femmes pour porter des tueurs pédestres toute la journée ?

— Je pense que j'ai fait de mon mieux. C'est vraiment dur de jouer les belles dames ! Il y a tellement de règles. Comment arrive-t-on à être soi-même ?

— Je suppose que c'est une habitude à prendre. Je n'en reviens toujours pas ma petite. C'est tellement insensé ce qu'il t'arrive. Je me retiens de le dire aux autres bonnes des environs, dit-elle en regardant vers le ciel. Sais-tu quand la nouvelle bonne arrivera ? Une journée sans toi et c'était déjà la course !

Anne se le demandait aussi. Il faudrait qu'elle joue aussi la comédie devant cette demoiselle. Elle espéra tout de même que sa femme de chambre serait quelqu'un avec qui elle pourrait tisser des liens d'amitié forts. Un allié dans cette maison de fous serait le bienvenu.

— Je ne sais pas, mais en tout cas, elle devra être là pour l'arrivée de Madame, la mère de Jacques. Tu savais que j'allais dormir dans la chambre d'Arthur ? dit Anne voulant susciter la curiosité de Marthe.

— Arthur... dit-elle dans un murmure en essayant de s'habituer à ce qu'Anne soit de plus en plus familière avec les jeunes maîtres de la maison. Oui, madame m'en a fait part. Nous déménageons ses effets personnels dans la chambre du jeune maître Abel, la veille de l'arrivée de madame Adélaïde. Tu as de la chance de pouvoir dormir dans des draps aussi chers, ma petite !

Marthe se mit derrière Anne et lui caressa les cheveux.

— Crois-tu qu'elle va m'aimer ? Car si ce n'est pas le cas, madame Adrienne pourrait me tuer, pour avoir fait faillir le mariage de l'un de ses enfants, dit Anne avec une pointe d'angoisse dans la voix.

Marthe lui tapota l'épaule.

— Je ne m'inquiète pas de ça, crois-moi. Je suis même persuadée que vous allez très bien vous entendre à en faire hérisser le poil de madame Adrienne. Je n'ai vu madame Adélaïde que très peu de fois et je peux te dire qu'elle a des manières bien à elle. Ça va remuer dans la maison !

Les jumeaux Réan - Roman -TERMINÉOù les histoires vivent. Découvrez maintenant