Chapitre 22 -✅

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Henriette serrait si fort la main d'Arthur dans la sienne, que celui-ci dû lui faire signe de se calmer discrètement. Bien entendu, lui aussi semblait agacé par le ton qu'avait soudain pris Anne. À présent que cette dernière était assise à côté d'Abel, avec son air hautain qui lui permettait de jouer son rôle, plus personne ne savait quoi dire. Mais Henriette qui jusque là s'était tue, lâcha d'un coup :

— Vous croyez que c'est comme cela que se comporte une jeune fille du monde ? En piquant une crise inutile, railla-t-elle à toute l'assemblée. Mère, comment une effrontée pareille pourrait-elle me représenter, Arthur dîtes quelque chose enfin, dit-elle en tournant son visage de poupée vers lui, elle se permet des choses alors qu'elle n'est rien qu'une pauvre fille ! Père, comment pouvez-vous accepter une chose pareille !

— Henriette, je suis confuse au sujet du comportement déplorable de ma bonne. Soyez sûre qu'elle sera punie pour cet affront, enchaîna madame de Réan, qui ne savait plus où se mettre après avoir vu une telle scène.

Anne serra les poings.

— Je saurai me tenir, mademoiselle, dit-elle calmement. Je tâcherai de vous imiter à la perfection en public.

— Anne, s'il vous plaît. Ne prenez pas trop vos aises. Nous vous avons laissé piquer votre crise sans rien dire, maintenant, il est temps de reprendre votre place, réussie à dire Sophie de Fleurville.

— Mais madame, j'essaye de répondre aux inquiétudes de votre fille !

— Anne, il suffit, tonna Adrienne d'un air sévère. Souvenez-vous de notre arrangement. Le moindre faux pas de plus et c'est la rue qui vous attend sans un sou en poche et avec une réputation misérable !

Les yeux de madame de Réan étaient devenus aussi gros que des soucoupes volantes. Anne préféra se taire, même si elle avait envie de rajouter que sans elle, il n'y aurait plus de mariage. Henriette eut un sourire en voyant qu'Anne devait à présent rester bouche close.

L'apéritif prit fin et tout le monde commença à se diriger vers la salle à manger, tout aussi luxueuse, sauf Anne évidemment. Une domestique ne mangeait pas avec les hôtes de la maison, c'était une évidence. Et dans le but de ne pas se faire remarquer, il valait mieux qu'elle mange avec les "siens".

Madame de Fleurville prit une sonnette sur un buffet et l'agita. Quelques secondes plus tard, une domestique arriva en faisant une révérence.

— Emmenez la domestique de madame de Réan manger en cuisine. Et dites aux cuisiniers que nous passons à table dès à présent. Merci, ordonna madame Sophie.

La jeune domestique, proche d'une trentaine d'années, fit une révérence et fit signe à Anne de la suivre d'un simple regard. Quand elle n'entendit plus les Réan et les Fleurville, Anne demanda tout en suivant la bonne vers une porte dissimulée dans une tapisserie :

— Vous travaillez ici depuis longtemps ?

La domestique appuya sur un bouton et le couloir étriqué s'illumina faiblement.

— Je travaille ici depuis que j'ai dix-huit ans, dit-elle platement tout en montrant qu'elle en était fière.

Aussitôt, Anne pensa à quelque chose.

— Vous connaissez donc bien mademoiselle de Fleurville alors.

Une bonne odeur parvint jusqu'aux narines d'Anne, lui donnant l'eau à la bouche. Après avoir marché dans un dédale de nombreux petits couloirs de services, elles étaient arrivées dans l'immense cuisine. La pièce était trois fois plus grande que celle des Réan. Cinq personnes étaient à l'ouvrage près d'une table avec des assiettes prête à être remplie, d'autres, près de l'immense tableau de cuisson. Personne ne remarqua Anne qui venait d'arriver.

Les jumeaux Réan - Roman -TERMINÉOù les histoires vivent. Découvrez maintenant