Chapitre 35 -✅

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Personne, mis à part Adrienne, n'avait vu qu'Anne se dirigeait en compagnie d'une jeune fille rousse portant un masque rouge et une robe noire à volant, sur la terrasse attenante à la salle de réception, donnant vue sur l'incroyable jardin.

Anne passa la double porte dans un état de panique et sentit l'air frais se plaquer sur son visage avec violence. La lune éclairait le jardin et il n'y avait personne sur la terrasse. La jeune fille rousse, referma la porte derrière elle. Pendant quelques secondes, aucune des deux ne prononça mot. Anne était crispée, la mâchoire serrée, croyant son heure arrivée, se voyant déjà jetée à la rue comme une malpropre.

Puis l'autre demoiselle osa parler. Son élocution pas franchement aristocratique sur l'instant, démontra qu'elle connaissait sûrement Anne. Mais l'inverse n'était pas réciproque.

— Comment se porte la petite usurpatrice ? demanda-t-elle d'un ton hautain en guise de préambule.

Cette question venait d'achever Anne. La meilleure amie d'Henriette semblait être comme cette dernière, très venimeuse. Anne comprit aussitôt que si cette jeune fille dont elle ne connaissait pas encore l'identité, était sûrement là pour la surveiller. Lady Henriette avait fait part de ses doutes à Anne dans la voiture de Joseph au sujet de sa relation soit disant ambiguë avec Arthur. Visiblement, depuis qu'Anne jouait les actrices en compagnie du jeune maître, leur couple ne se portait pas bien. Mais voilà qu'Henriette envoyait un espion en mission. Anne se demanda vraiment pourquoi Henriette semblait se méfier d'elle, d'en être jalouse même ! Elle ne devrait nullement avoir peur, pensa-t-elle. C'était ridicule.

Anne était une domestique sans sous, jolie certes, mais elle n'envisageait rien avec l'un ou l'autre des jumeaux. Elle savait où cela pouvait mener... Et Arthur ne quitterait certainement pas une Lady comme mademoiselle Henriette De Fleurville pour une souillon telle que Anne. D'ailleurs, elle se demanda donc pourquoi elle venait d'envisager cette éventualité. Le jeune homme n'avait jamais dû y penser, c'était si sordide comme idée... Mais le fait est qu'elle y avait pensé et cela la perturbait.

— Est-ce mademoiselle De Fleurville qui vous envoie ? demanda Anne d'une voix mal assurée.

La jeune fille rousse ôta son masque avec rapidité. Son visage était assez rond et constellé de tâches de rousseur. Ses yeux semblaient envoyer des étincelles vers Anne.

— Bien sûr oui, à cause de vous elle ne peut être présente. Je suis une de ses plus grandes amies si vous ne l'aviez pas compris. J'aurais voulu mettre fin à ses doutes, mais je constate qu'elle avait raison, expliqua-t-elle en retirant subitement le masque bleu que portait Anne sur le visage.

Cette dernière en fut si surprise qu'elle regarda tout autour d'elle voir si quelqu'un n'arrivait pas.

— Rendez-moi le masque s'il vous plaît, supplia Anne en tendant le bras vers son interlocutrice pas franchement aimable.

—Vous avez peur, n'est-ce pas ? Vous avez raison, car quand j'annoncerai ce que j'ai vu à Lady Henriette, vous n'aurez plus de tête ! Je pourrai même faire une esclandre ce soir, mais ça pourrait porter préjudice à ma chère amie.

— Mais enfin, qu'avez-vous vu ? Nous jouons juste un rôle ! Arthur et moi ne nous entendons pas du tout ! C'est un jeune homme si égocentrique !

La jeune fille en face d'Anne fit les gros yeux, visiblement la réponse d'Anne n'avait pas donné l'effet escompté.

—Vous osez l'appeler de manière aussi familière et l'insulter de surcroît ! s'indigna la jeune fille rousse en mettant une main sur sa bouche, comme si Anne avait commis un crime.

— Monsieur De Réan, répéta Anne plus fort, et moi-même ne nous aimons guère ! Je vous le répète, mais il n'y a rien entre ce jeune homme et moi. Il n'y aura jamais rien, même pas un semblant d'amitié. Nous jouons la comédie !

Les jumeaux Réan - Roman -TERMINÉOù les histoires vivent. Découvrez maintenant