Chapitre 28 -✅

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Arthur faisait les cent pas dans la salle de réception. Cela faisait bien une vingtaine de minutes qu'il attendait qu'Anne montre enfin le bout de son nez. Que pouvait bien lui dire son frère pour que cela prenne autant de temps ? Il trouva cela fort incongru, son frère ne devait pas bavarder autant avec elle. C'était la bonne même si en ce moment, elle jouait les actrices. Tous deux ne devaient pas oublier leur position sociale. Mais il se demanda pourquoi Anne semblait préférer son frère à lui-même. Non pas qu'il veuille lier des liens avec elle, mais cela le chagrinait de ne pas être le préféré, celui vers qui on se tourne en premier.

Plus jeune, sa mère, Adrienne, avait déjà montré une sorte de préférence entre ses deux garçons. Elle les aimait de la même façon certes, mais elle préférait la personnalité forte, le charisme et la prestance qui émanait de son fils Arthur. Abel avait visiblement hérité de son père, un homme sensible, doux et drôle, qui ne se prenait pas la tête pour un sou.

Arthur avait toujours été sage, alors que son frère et son imagination débordante lui faisaient constamment faire des bêtises. Arthur avait toujours su mener les conversations avec les adultes alors qu'il était enfant, tandis que son frère trouvait les adultes ennuyeux et donc ne s'attardait pas à discuter avec. Arthur avait de la prestance alors que son frère qui n'aimait pas se mettre en avant semblait transparent. Quand on parlait des jumeaux, on évoquait toujours Arthur et on le saluait en premier.Alors pourquoi une simple bonne, une enfant d'un orphelinat semblait préférer Abel ? Arthur aimait son frère, il n'y avait aucun doute là-dessus, bien qu'il soit heureux qu'on le préfère à lui tout de même.

Enfin, il entendit le bruit des talons claquer dans le hall d'entrée et la porte s'ouvrit sans qu'Anne ne frappe sur cette dernière en guise de marque de politesse. Elle terminait de mettre une épingle dans ses beaux cheveux quand elle referma la porte.

— Ce n'est pas trop tôt. Mon frère a été bien long. De quoi parliez-vous ? demanda-t-il un peu sèchement.

Sans retenue, maintenant qu'elle avait repris un peu confiance en elle, elle répondit :

— De qui peut bien m'aimer dans ce bas monde.

Arthur parut surpris. Il se contenta de lever les yeux au ciel. Comment avaient-ils pu en arriver à un tel sujet de conversation ?

— C'est absurde, dit-il en installant le tourne-disque. Je trouve que vous devenez un peu trop familière avec mon frère...

Anne avait l'impression d'entendre Adrienne parler.

— Je suis la bonne, je sais. Vous passez votre temps vous et votre mère à me le rappeler ! Je ne risque pas de l'oublier, rétorqua-t-elle en le coupant. N'ai-je pas le droit de bien m'entendre avec l'un de vous trois ? Votre frère, lui, me voit comme une vraie personne. Il ne me voit pas avec un filtre lui disant, cette personne est juste la bonne. Nous ne devrions pas lui accorder trop d'intérêt, finit-elle par dire sur un ton théâtral.

Arthur, qui n'aimait pas avoir tort ou se faire couper la parole et couper par une simple bonne qui plus est, serra les poings.

— Le problème, c'est que vous êtes une domestique. C'est ainsi. Personne ne pourra changer ça. Vous aurez cette étiquette collée à vie sur votre grand front. Je ne peux pas me permettre trop de familiarité avec vous. C'est comme ça. Mon frère devrait se le rappeler plus souvent. Déjà que ce que nous vivons actuellement n'est pas normal...

— Mon grand front ? s'étonna-t-elle oubliant le reste.

Personne ne lui avait jamais fait remarquer cela. Les cheveux frisés comme un mouton, elle le savait, mais un grand front, non.

Les jumeaux Réan - Roman -TERMINÉOù les histoires vivent. Découvrez maintenant